Irèn était plongée dans ses pensées. Il y avait beaucoup de choses à faire pour planifier la guerre. Elle avait pris des contacts notamment avec Amras, le souverain Gwelnaur. Il pouvait faire un allié de choix. Même si l’alliance était une pure hypocrisie à l’origine, elle se demandait s’il ne valait pas quand même le coup de jouer le jeu. A eux deux, ils pouvaient être une force non négligeable. Elle avait également reçu une missive la prévenant que le Roi Hecktor allait arriver incessamment pour une ambassade diplomatique. Elle connaissait d’avance sa position et cela la fatiguait déjà. Elle n’avait nulle envie de parler de paix et de compromis quand tout son être hurlait et réclamait vengeance. Justice pour l’époux mort lâchement, assassiné par les Thorons. Ces derniers étaient des êtres méprisables, qui ne méritaient absolument pas la clémence. Les Heledirs avaient été patients et désireux de rendre service et voilà comment ils en avaient été récompensés. Ainsi, Irèn avait appelé à la mobilisation générale des forces et cela prenait du temps. Elle avait également demandé un compte-rendu détaillé des stocks.

Mais il y avait également un autre point qu’il lui faudrait régler sans délai, c’était le mariage de son fils Lowell. C’était elle qui avait choisi l’heureuse élue qui serait un jour Reine. Une jeune fille issue d’une famille riche, extrêmement riche. Elle s’assurait ainsi le soutien financier nécessaire à la guerre. C’était un calcul politique assez intéressant. Certains de ses conseillers lui rappelaient également qu’elle devrait penser à se remarier. Elle était encore en âge de procréer. Mais elle n’en avait aucunement l’envie. Elle aimait toujours son défunt époux. Pas question de se marier pour l’heure, à moins que ça ne lui donne un avantage stratégique tel qu’elle cèderait à la nécessité.

Elle était dans ses appartements privés, observant une carte du monde sur lequel étaient placés des pions symbolisant les forces en présence. Naturellement, elle souhaitait déclencher les hostilités en premier mais elle savait que parfois, il valait mieux être plus intelligente et attendre. Consolider ses alliances était plus prudent. Amras était de son côté et elle comptait bien essayer de convaincre Hecktor de se joindre à elle. Pour finir cette guerre au plus vite et ramener la paix. C’était tordu comme argumentaire mais cela ne lui faisait pas peur. Elle entendit la porte s’ouvrir après que les gardes à l’entrée aient annoncés son fils.

Elle se retourna et se rapprocha. Lowell avait encore la carrure d’un enfant. Malgré l’influence qu’elle exerçait sur lui, elle l’aimait plus que tout. Plus que sa vie. Elle lui adressa un grand sourire et déposa un baiser sur son front.

Bonjour mon chéri. Je suis ravie de te voir. As-tu bien dormi ? Je t’ai fait appeler tôt car nous avons beaucoup de points à discuter ensemble. La guerre qu’il va nous falloir lancer pour venger ton père. Et également tes futures épousailles.

Elle retourna vers la carte, lui proposant un siège s’il désirait s’assoir. Elle-même resta debout.

Son fils entra dans la salle et Irèn ne put s’empêcher de sourire. Plus le temps passait et plus Lovell ressemblait à son défunt père. C’était une fierté en même temps qu’une souffrance. Elle revoyait son amour perdu dans ses traits. C’était parfois difficile même si elle essayait d’en faire abstraction. Il était la chair de sa chair et elle le protégerait contre tous les dangers. Il resterait toujours son fils, son petit garçon. C’était en partie pour cela qu’elle le traitait toujours comme un enfant. Ca et aussi parce qu’elle savait qu’au fond, il en était encore un. Il n’était pas prêt à régner, elle le savait. Non pas qu’elle s’en réjouisse, elle devrait rattraper ce retard. C’était la raison de sa venue ce matin.

Irèn avait toujours pris les décisions seule depuis dix ans. La mort du Roi avait laissé Irèn seule avec un petit garçon comme héritier. Elle avait ruminé sa vengeance et géré le royaume depuis. Mais avec le mariage de Lovell qui était prévu, tout cela allait changer. Cette guerre serait son dernier acte en tant que Reine, elle le savait. Après, viendrait la paix et le règne de Lovell. Elle devait l’y préparer, c’était son devoir.

Oui, des épousailles, Lovell. Assieds-toi.

Il sembla surpris et lui demanda quels étaient les avantages d’une union.

Lovell, une union apporte toujours un avantage politique, stratégique, financier, militaire. Les mariages d’amour n’ont aucun intérêt, ce qui ne signifie pas que tu ne le trouveras pas. Ta promise est une jeune fille distinguée et d’une grande beauté m’a-t-on dit.

En effet, les tractations avaient déjà eu lieu et Irèn ne faisait qu’informer Lovell de sa décision. Elle estimait qu’il était normal de le lui dire avant le grand jour, tout de même. Elle reprit la parole.

La famille de ta future épouse est extrêmement riche. Cela nous assurera les finances pour la guerre à venir. Il s’agit des Savelli avec qui j’ai négocié leur fille Julianna.

Venait ensuite un sujet un peu plus compliqué. Mais Irèn n’avait que peu de pudeur à cet endroit. Même pour son fils.

On attend de toi que tu produises un héritier rapidement après ton mariage. Même si tu monteras sur le trône sous peu, tu te dois de perpétuer la lignée. Sais-tu comment l’on procède ? L'on m'a assuré que les femmes de la famille Savelli sont fécondes.