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On parle d'argent, de convenances et de devoirs, mais où en est le cœur dans tout cela ? - Eponine



 
Ouvre la porte.
« Je ne vous parlerai pas de vengeance, de guerre, de lutte et de sang.Je ne vous parlerai pas non plus d'injustice et de droit. Je ne vous parlerai même pas de ces gens qui font rimer ordre et terreur, lois et mensonges, morale et déchéance. Je veux vous parler de cette lumière qui brille en chacun de nous. Cette petite lumière qui fait de chacun de nous un être humain. Parce que cette lumière est en train de s'éteindre. »

Pierre Bottero dans La Huitième Porte.
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On parle d'argent, de convenances et de devoirs, mais où en est le cœur dans tout cela ? - Eponine EmptyJeu 19 Mar - 16:08

On parle d'argent, de convenances et de devoirs, mais où est le cœur dans tout cela ? ★ ft. @Éponine De Sarin

Un énième soupir, alors qu’il observe son reflet dans le miroir. Il réajuste le haut de sa chemise, sans quitter des yeux son propre regard. Ce soir, il y a un buffet très important au château. Le Roi est bien déterminé à y officialiser les fiançailles de son Capitaine, son conseiller, et son ami, avec la fille de l’un de ses plus proches courtisans, De Sarin. Il est nerveux Javier, et bien à côté de ses bottes. Jamais il n’avait jusqu’ici, laisser le roi s’emparer de sa vie, de ses affaires, encore moins de son cœur. Plus d’une fois le souverain des îles de Galadhorn a bien tenté de le marier, mais jamais il n’a été au bout de ses idées. Parce que Javier, sous ses airs d’homme droit, à tout de même plus d’un tour dans son sac. Et il est parvenu à fuir chacune de ses idioties que s’était mis en tête le roi. Comme si s’occuper de Kane lui changeait la tête. L’occupait à penser à autre chose. Il revient toujours à la charge. Et cette fois-ci, le fameux capitaine n’est pas parvenu à se sortir de ce piège. Parce que De Sarin, c’est aussi un ami. Un ami qui étrangement réjoui, à l’idée de marier sa fille à un homme bien plus âgé. Il a confiance en Kane, oui. Mais c’est dérangeant. Il n’a pas baissé les armes le soldat, pas totalement. Mais il sent bien que cette fois ci, les lianes l’étreignent et ne le lâcheront plus. Il s’est fait une place importante à la cour, il est un grand nom aux côtés du roi, et il se doit de l’assumer. L’étiquette des nobles impose bien des concessions. Et sa liberté en fait partie. N’ont-ils pas raison de toute façon ? Il lui faut un héritier, une famille. A-t-il réellement l’envie de mourir aussi seul qu’il a vécu jusqu’ici ?  

Toujours aussi nerveusement, il se frotte le menton mal rasé, puis il quitte ce reflet dont il n’est nullement fier ce soir. Sur son chevet, il y a une bague. Une belle bague en or, ornée d’une émeraude assez imposante. Il n’est pas issu d’une riche famille, alors il n’avait pas ce genre de bague qu’on se passe de mère en fils, pour toute nouvelle fiançailles familiale. Celle-ci, il l’a trouvé au village. Il ne sait même pas si elle aime l’émeraude. Mais quand il l’a vu, il l’imaginait bien à son doigt. Espérons qu’elle soit du même avis.

Il se tourne vers son grand lit, ou y est posée sa veste de soirée. Il l’enfile, puis range son épée de chevalier à sa ceinture. Il est en retard, mais il n’a guère l’envie de se presser. Il sent dans sa poitrine, son cœur qui tambourine tant il s’angoisse. Ce ramdam qui cogne dans sa tête et ses veines.  

La fille de De Sarin, il ne la connaît que de vue. Ils se croisent et se recroisent aux divers banquets du roi, sans jamais n’avoir échangé plus qu’un bonjour. Lui, il est toujours fourré au près du roi, ou du père de la rousse. Tandis qu’elle, elle rejoint les femmes de la cour, sa mère, sa sœur, ou la princesse. Elle est jeune, libre, enfin, presque... Ils n’ont rien en commun, si ce n’est cette chaîne qui les unis de force. Bien sûr qu’il la trouve jolie. Elle a tout d’une Lady, d’une princesse même. Elle dégage une grande douceur, mais aussi de la naïveté. Elle est jeune, trop jeune. Ne va-t-elle pas le trouver un peu bougre ? Trop vieux ? Et si jamais elle n’éprouvait le moindre sentiment à son égard ? Et si lui, il lui faisait verser des larmes au lieu de dessiner son sourire ? Il y a tant de questions qui le tourmentent. Et pourtant il se doit d’affronter son destin. C’est étrange comme il peut foncer droit devant, sur un champ de batailles, sans que sa main ne tremble. Alors que là, juste pour se tenir aux côtés d’une femme, il est bien incapable de contrôler ses craintes. Il faut entrer en scène, qu’importe ce stresse. Il faut faire bonne figure. Alors il glisse la bague dans sa poche, et quitte ses appartements.

La nuit est tombée. Il n’y a plus que le chant des insectes qui perce le silence dehors. Il traverse les longs couloirs du château, sans y prêter attention, lui qui pourtant, aime tant la nature chaude et tropicale de ses îles. Il est bien trop absorbé par ces innombrables scènes qu’il tente de préparer dans sa tête, sans savoir même si tout se déroulera comme il se l’imagine. La musique, les rires et les voix se font entendre, alors qu’il se rapproche de la grande salle de réception. La porte y est grande ouverte, et les quelques courtisans qui font leur arrivée au même moment, le salut respectueusement. Il en fait de même, d’un sourire coincé. Puis il passe enfin la porte. Il y a énormément de monde ce soir. Les courtisans et les nobles ont fait le déplacement, même s’ils ne vivent pas à la cour. Il inspire difficilement, s’avançant parmi toutes ces bonnes gens, qui le salut au passage. Il se fraye un chemin jusqu’au roi, qui justement, discute avec le père de sa dite fiancée, De Sarin. « Ah, vous voilà enfin, j’ai bien cru que vous étiez monté à bord du premier vaisseau pour fuir au loin. » S’amuse le souverain, étrangement souriant ce soir. Comme si sa dépression lui avait laissé une soirée de répit. Il ne peut s’empêcher de détourner les yeux, et chercher Aslaug du regard. Est-ce elle qui lui a trouvé un bon remède ? Elle n’est pas là ce soir, peut-être même que c’est elle qui est à bord de l’un de ces fameux navires, et qui s’en va loin d’ici. Loin des fiançailles du brun.  

« Votre Majesté, Seigneur De Sarin. »

Les salut-il d’une courbette, tandis que le courtisant en fait de même. Le roi se contente d’un signe de tête, puis il lève sa coupe vers ses lèvres, savourant le bon vin que l’on sert ce soir. Javier lui, relève la tête vers son futur beau-père, peu assuré. Il y a là un petit silence, un peu gêné, que vient briser le plus âgé des deux hommes. Le noble pose amicalement une main sur l’épaule du soldat, le regard fier. « C’est un grand jour pour nous. Je suis fier de pouvoir dire que bientôt, nos deux familles n’en feront plus qu’une, Capitaine Kane. » Le sourire en coin de Javier s’étire très légèrement, alors qu’il acquiesce doucement. C’est amusant qu’il parle de famille, alors que lui n’en n’a plus aucune. Enfin, si, un père, et des frères et sœurs dans les campagnes. Une famille qu’il ne voit plus, que personne ne connaît, ou que tout le monde ignore parce qu’eux n’ont aucun rang. Javier ne les a pas oubliés lui. Il leur envoie une bourse tous les mois, pour aider son père. Mais ce n’est pas comme être avec eux, et vieillir à leurs côtés.  

« C’est un honneur. »

Répond-il simplement, peu bavard, alors que De Sarin le relâche pour trinquer avec le roi. « Ma fille n’est pas loin, il serait bon que vous soyez vus ensemble, ce soir, Capitaine. » Il lève son index vers le fond de la salle, Javier lève alors les yeux en cette direction. Une fine silhouette se dessine quelques mètres plus loin. Grande, élancée, une longue chevelure auburn. Un visage angélique, quelque peu enfantin. Il reconnaît Eponine bien trop vite, et son cœur en fait un rebond, frappant si fort sa poitrine, que le rouge lui monte certainement aux joues. Silencieux, il l’observe au loin. Oui, il est chanceux, Eponine est si belle. Mais ils ne se connaissent pas.  

« Cela va de soi. »

Il salut légèrement le père de sa fiancée d’un signe de tête, puis il leur tourne le dos. Son sourire s’efface aussitôt, et il se dirige vers Eponine, tout en attrapant une coupe de vin au passage, sur le plateau d’un domestique. Eponine n’est pas seule, sa mère l’entoure, sa sœur aussi. Elle lui rend la tâche encore plus difficile...  

« Mesdames. »

Lance t-il tout en se penchant vers elles pour les saluer. Il leur sourit poliment, bien forcé de combattre ce mal être intérieur, alors que la mère d’Eponine pose chaleureusement sa main sur son épaule, ne lui laissant le temps de s’attarder sur Eponine. « Capitaine Kane, c’est un plaisir. » Elle n’échange qu’un bref regard avec sa fille aînée, et toutes les deux, d’un fin sourire malicieux, s’échappent pour se rapprocher d’un petit groupe agglutiné autour de la reine. Seul, face à Eponine, Javier pose son regard sur elle, alors qu’il ne sait quoi dire. Il y a un petit silence, pendant lequel il se redresse, et tente de sourire à la jeune femme, maladroitement.  

« Je suis désolé, je suis quelque peu, en retard. »

Murmure-t-il sans même savoir si elle l’attendait vraiment. Peut-être qu’au contraire, se réjouissait-elle à l’idée qu’il ne se montre pas ce soir. Comme pour avaler du courage, il lève le vin jusqu’à ses lèvres pour en savourer le gout, et noyer le fond de sa gorge. Occuper sa bouche, et trouver là, une belle excuse au silence. Que doit-on dire pour faire la conversation, dans une situation telle que celle-ci ?  

« Et je me dois... D’être désolé de cette situation gênante aussi. »

Ajout-t-il en un rictus nerveux, un petit sourire plus franc, et presque amusé de la situation. Il aimerait se montrer attention, après tout, si lui en souffre, il n’ose même pas imaginer ce que peut ressentir une jeune femme dans la fleur de l’âge, qui rêvait de liberté, d’amour passionnel, et qui se voit contrainte d’épouser un homme qu’elle ne connait même pas. De cette pensée, de sa main libre, il vient serrer son pantalon près de sa poche, vérifiant que la bague était toujours bien cachée, ici.  
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On parle d'argent, de convenances et de devoirs, mais où en est le cœur dans tout cela ? - Eponine EmptyJeu 19 Mar - 17:36

ON PARLE D'ARGENT,
DE CONVENANCES ET DE DEVOIRS,
MAIS OÙ EST LE CŒUR DANS TOUT CELA ? ★



Elle entend son prénom. Les domestiques qui s'agitent, qui appellent. Ils cherchent, farfouillent et fouillent dans les moindres recoins à la recherche de la précieuse, de l'enfant qui ce soir amorcera un pas de plus dans le monde des femmes.

Elle ne demande pas grand chose. Juste de pouvoir encore effleurer des doigts l'insouciance d'une liberté bientôt mise en cage. Seulement pour quelques secondes, et si elle est audacieuse, quelques minutes. Alors elle a quitté sa chambre tôt ce matin, comme trop bien souvent. Les cheveux défait et non brossés, sa tenue de nuit - robe de chemise de nuit qui lui arrive juste au dessus des chevilles - bien trop légère pour la fraîcheur de cette aube. Et les souliers oubliés volontairement, parce qu'elle profite d'avantage de ce moment en sentant sous ses pieds fins l'humidité de l'herbe mouillée par la rosé du matin.

Elle respire une fois.
Deux fois.
Trois fois.

Prendre de l'air le temps qu'elle le peut. Bientôt l'anneau la ligotera, coupera sa respiration en liant son coeur non amoureux à une âme qui pourrait être son père. Elle n'a pas choisit, on ne lui a pas autorisé à émettre un mot. Qu'elle soit belle et utile pour la famille suffit. Elle sait, la douce Éponine, que ses parents ne pensent pas à mal. Qu'ils ne l'envoient pas à l'abattoir pour se débarrasser d'elle, mais pour que la famille prospère. Comme ils l'ont fait avec Flora. Elle sert de modèle, sa grande soeur si belle et fleurissante, un prénom qui lui va à merveille. Qui lui allait parfaitement. Parce que les pétales ont fanés, le mariage n'a pas épargné. Raté, triste, malheureux. Aux antipodes d'un conte de fée. Flora qui rayonnait se force maintenant à sourire. Elle le voit bien Éponine, elle les connaissait parfaitement les sourires si sincères de son aînée. Mais maintenant il n'en reste plus que de rares brides. Et ce chemin est celui qui l'attend. Elle ne veut pas vivre les mêmes souffrances que sa soeur.

Éponine elle rêve éveillée. Trop souvent ses professeurs lui répètent « Soyez moins dans la Lune, Mademoiselle. Les femmes qui rêvent ont l'air idiotes. » Mais elle se veut imbécile Éponine, si c'est le prix à payer pour continuer d'être une enfant.

Ses parents ne partagent pas cet avis. Elle a un rôle à tenir. Celui de dorer le blason De Sarin. Après un mariage raté de l'aînée, tout les espoirs s'abattent sur elle. Se posent sur ses épaules. C'est lourd, beaucoup trop lourd pour elle. Elle sent ses pieds qui s'enfoncent dans la terre. Un trou qui s'ouvre, elle en tombe dans une chute sans fin. Aucune échelle. Aucune main pour la rattraper et la hisser à la surface. Elle sombre.

« Éponine, te voilà enfin ! » L'enfant ouvre les yeux. Les servantes ont du chercher du renfort. La matriarche De Sarin fait enfoncer ses talons dans les jardins trop boueux pour elle. Elle est mécontente d'abîmer ses chaussures. Encore plus de trouver sa cadette ici. « On te cherche tous de partout. Que fais-tu ici ? Et dans cette tenue ? Rentrons avant que tu ne prennes froid. » Ce n'est pas une méchante femme. Elle aime tendrement ses enfants, mais a vite comprit que les choix n'étaient pas destinés aux femmes. Voir son aînée faire un mariage malheureux la rend elle-même dépressive. Son espoir c'est sa douce Éponine, loin d'être une épine, elle est encore plus délicate que la plus grande.

La mère traîne le corps fragile d'émotions dans la chambré. Elles sont maintenant six autour d'elle. Éponine étouffe. Le corset romp sa respiration. La danse qui s'enchaine dans sa chambre lui fait tourner la tête. Elle doit être parfaite, pour ne pas tout gâcher. Rayonnante, la plus belle, sublime, remarquable, inoubliable. Mère et domestiques s'agitent, maquillent, habillent. Éponine est devenue une poupée de chiffon, se laisse faire et se contente de sourire. Ce qu'on lui a apprit toute sa vie. Et dehors les oiseaux chantent. Elle envie cette liberté qu'elle ne connaîtra jamais.

***

Le paris est gagné. Mère et soeur sont fières, la plus jeune est une reine parmi la foule. Sa robe sublime la cascade rousse de ses cheveux. Son teint enfantin, frais et léger n'appelle qu'un baiser. Celui du Commandant que la Mère guette. Alors quand elle le voit arriver, son regard se pose sur l'espoir. Sévère et doux à la fois. « Tu vas lui faire tourner la tête ma chérie. » Qu'elle murmure doucement à sa favorite du moment. La plus grande sourit d'une amertume étrange. C'était elle qui devait connaître un mariage heureux. Elle jalouse sa cadette, autrefois tant aimée.

Et lorsqu'il se présentent à elles, le coeur d'Éponine s'arrête. Le monde se met en pause pendant quelques secondes. Elle ne peut plus reculer, n'a jamais pu. Il est devant elle, celui qui d'ici peu pliera le genoux pour l'attacher. « Capitaine Kane, c’est un plaisir. » La voix de sa mère la ramène à la fête. Éponine regarde sa famille s'éloigner, la laisser seule avec cet homme. Elle est intimidée, sent que ses mains sont moites. Elle a un noeud au ventre. Il est âgé, bien que charmant, il se rapproche beaucoup plus de l'âge de son père que du sien.

Mais il sourit, et de ce simple geste il détruit quelques barrières.

« Je suis désolé, je suis quelque peu, en retard. »

Elle a le sourire facile Éponine, et celui du Commandant est communicatif. Alors elle répond, d'un sourire également maladroit. Elle est gênée, a peur de l'idée même de parler et de se montrer stupide. Elle a le poids des espérances de sa famille sur les épaules.

« Il n'y a aucun soucis, Monsieur.. heu.. Capitaine.. »

Première boulette. Elle n'a pas réfléchit à comment l'appeler, l'identifier. Elle se sent soudain idiote, en train de perdre le peu de moyen qu'elle avait réussi à rassembler. Elle profite du fait qu'il porte la boisson à ses lèvres pour détourner le regard et respirer. Elle doit se reprendre.

« Et je me dois... D’être désolé de cette situation gênante aussi. »

C'est une enfant Éponine, toujours. Et comme les plus jeunes, elle ne sait pas cacher ses émotions. Alors la surprise est visible sur ses traits. Elle s'attendait aux mêmes manières que l'époux de Flora. Un homme plus rustre, bien que non méchant, mais sans aucune douceur et délicatesse. Mais le Commandant Kane s'excuse, se sent lui aussi gêné par cette rencontre imposée. Et soudain, elle se sent moins seule dans sa solitude.

« Vous aussi, vous êtes embarrassé ? »

Elle rougit. Parce qu'il y a des choses qui ne se disent pas. Des questions qui ne se posent pas. Comme celle de demander à son futur époux s'il est embarrassé. Pourtant elle le sait, Éponine brille dans son savoir de la bienséance. Mais le stresse d'une nouvelle vie, cette rencontre qui la bouleverse, elle semble ne pas réussir à contrôler ses mots et se mord l'intérieur de la joue de parler sans filtre.

« Excusez moi.. Je me rends compte que c'était déplacé. »

@made by ice and fire.
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On parle d'argent, de convenances et de devoirs, mais où en est le cœur dans tout cela ? - Eponine EmptyJeu 19 Mar - 19:14

On parle d'argent, de convenances et de devoirs, mais où est le cœur dans tout cela ? ★ ft. @Éponine De Sarin

Elle lui sourit. Maladroitement et gênée, il le sait, mais elle sourit. Et quel sourire. Elle pourrait illuminer toute une pièce assombrie à elle toute seule. C’est vrai qu’elle est jeune, qu’elle a le teint d’une enfant, mais on voit dans ses yeux qu’elle a cette fougue d’une femme, et que derrière cette douceur, peut se cacher bien des mystères. Il l’espère en tout cas. Il serait dommage qu’on l’attache à l’une de ces femmes, trop effacées, plate et vide. Il ne veut pas être l’un de ses époux, trop audacieux, trop hautains, et strictes envers leurs épouses. Il n’est peut-être pas aussi rêveur qu’elle, mais il a connu l’amour, le vrai. Et on ne parle pas d’Aslaug. Il pense plutôt à sa mère, sa défunte mère. Elle, elle a épousé son père par désir. Ils s’aimaient, et cet amour fut communicatif pour leurs nombreux enfants. Ils étaient une famille, une vraie famille, un exemple de réussite aux yeux du Capitaine, qui ne voit rien d’autre pour son avenir. Il aimerait être capable de faire perdurer ce sourire, sur les lèvres d’Eponine, comme son père a su le faire avec sa mère, jusqu’à sa tragique disparition. Et encore aujourd’hui, il sait à quel point il l’aime. Son père n’a plus jamais été le même après le décès de sa femme. Plus de sourire, rien que des soupirs. Si seulement il pouvait aimer un jour, comme son père. Même si cela fait souffrir. Il n’a pas peur de la souffrance, il ne la connait que trop bien. Longtemps il s’était laissé à penser que cette femme, celle qu’il chérirait autant, ce serait Aslaug. Mais Aslaug, elle est aussi morte que sa mère. Son enveloppe est là, mais son âme elle, est partie depuis longtemps. Presque dix ans. Il n’y a plus rien, plus personne pour l’empêcher d’avancer, alors... Alors il va devoir faire des efforts. Il ne veut pas se fermer après tout. Oui, Eponine est jeune, mais, qui sait. S’il prend soin d’elle, peut-être le lui rendra-t-elle. Peut-être qu’elle lui mènera la vie dure, furieuse de cette obligation à laquelle elle ne veut pas se plier. Advienne que pourra. Il va falloir qu’il traverse cette fosse entre eux, pour le découvrir.  

« Il n'y a aucun soucis, Monsieur.. heu.. Capitaine.. » Monsieur. Ou comment lui donner l’impression, qu’il n’est qu’un ancien à ses yeux. Elle fait mal sa douce voix, elle efface même son sourire, le temps d’une seconde. Mais il s’efforce de le retrouver, il veut se montrer chaleureux envers elle. Faire bonne figure. Peut-être n’était-ce que maladroit, et qu’elle n’en pense pas tant.  

« Je vous en prie, appelez-moi Javier. »

Ou Capitaine si elle est trop gênée encore, mais Monsieur, ce serait tellement trop... Conventionnel. Puis personne ne l’appelle jamais ainsi. Monseigneur, Sir Kane, Capitaine Kane, mais jamais Monsieur. Ils sont destinés à s’épouser, à vieillir ensemble, autant faire tomber les barrières tout de suite. Qu’il est ridicule de voir tous ses couples mariés à cette cour, qui ne s’adressent jamais l’un à l’autre par leur prénom. Mais par des Monsieur, ou des Madames. Il n’est certainement pas très romantique, ni très doué pour ça, mais il sait encore que ce n’est pas un avenir qu’il veut pour lui, et encore moins pour Eponine. Ce qui n’empêche en rien le malaise de ce face à face. Et il s’en excuse. Il n’est pas un bougre, encore moins rustre. Il veut être attentionné envers elle, et même s’il est maladroit, il espère au moins qu’elle en prendra note. « Vous aussi, vous êtes embarrassé ? » La surprise qui se lie sur son visage, est mignonne. Elle lui arrache un sourire plus franc, et un léger petit rire, qu’il étouffe rapidement. Il hoche la tête, avant de détourner les yeux vers le Roi, et le père de la rousse, qui les observent de loin, sans même prendre la peine de tenter la discrétion.  

« Bien sûr. »

Affirme-t-il sans gêne, espérant qu’il détendra ainsi l’atmosphère. « Excusez-moi.. Je me rends compte que c'était déplacé. » Le son de sa voix se faisant plus doux, il reporte toute son attention sur elle, et remarque bien vite qu’elle est embarrassée. Ses joues sont rosies, elle semble même honteuse. Son père l’a probablement trop préparé à ça. Pour qu’elle se montre “digne”, grande, et que Javier soit charmé par tant de paillettes et de mensonges. Pourtant, rien ne vaut la spontanéité, la franchise. Alors, laissant son sourire s’étirer, il se penche légèrement vers la rouquine, d’un œil malicieux.

« Ça ne l’était pas. Soyez-vous-même, pas ce qu’il peut attendre de vous. »

Murmure-t-il en désignant d’un léger signe de tête, son père, puis le roi. Il se redresse, pose son verre de vin à moitié vide sur le buffet derrière eux, puis il tend son bras à la jeune femme, tout en surveillant les deux hommes.

« Allons jouer leur jeu, mais ne vous cachez pas derrière... Leurs attentes. Ils n’ont pas à vous dicter votre conduite. Ils vous en imposent déjà beaucoup, n’est-ce pas ? »

Il faut reconnaître que lui, tout ce qui lui importait, c’était qu’elle ne salisse pas son nom. Qu’elle se comporte bien évidemment, mais... Qu’elle soit elle-même. Qu’elle démontre qui elle est. Qu’elle ne soit pas qu’une simple copie de sa mère, de sa sœur, ou de la Reine. Il veut une épouse unique en son genre, et il sait que derrière ce doux visage, se cache quelque chose qui ne demande qu’à s'épanouir.

« A moins que vous n'ayez encore besoin de temps, nous pouvons aussi aller prendre l’air. »

Rajoute-t-il, les yeux retombant sur elle. Son bras toujours replié vers elle, dans l’attente qu’elle y passe le sien. Il ne sait pas vraiment si elle veut déjà se pavaner ainsi, dans la foule, ou si elle préfère s’octroyer un peu de solitude. Peut-être qu’elle se sentira rassurée de rester ici, entourée des siens. Peut-être qu’au contraire, elle préfère qu’ils se parlent, qu’ils se découvrent, en toute intimité. Il préfère lui laisser le choix, parce qu’il s’adapte, et parce que tout ce qui le tracasse à cet instant, c’est le bien-être de la jeune femme. Elle n’a pas l’air bien méchante, au contraire. Trop douce peut-être. Elle semble avoir besoin qu’on prenne soin d’elle, et si tel est le cas, il s’y pliera. Et puis il y a cette bague, dans le fond de sa poche... Quand est-il sensé la lui offrir ? Ici, devant tout le monde ? Ou en privée, pour qu’elle l’arbore fièrement en fin de soirée, quand le roi annoncera la grande nouvelle ? Grande, ou triste... Il ne sait même pas ce qu’elle pense réellement de tout ça. Et il n’ose pas vraiment poser la question. Ça, ce serait certainement déplacé.  

« Je suppose que si l'on se cache bien, il n'annoncera rien de plus gênant toute de suite. »

Chuchote-t-il, fixant toujours le souverain qui s'est tourné vers l'une de ses favorites. Fuir, se cacher, il l'a sûrement bien trop fait. Il ne veut pas disparaître cette fois-ci, pas toute la soirée. Il sait bien qu'ils sont obligés d'en arriver là, et que quoi qu'ils fassent, ce soir, ils seront fiancés. Il veut juste gagner du temps. Et repousser ce moment qui restera certainement, le plus embarrassant de toute sa vie. Dès que le Roi l'aura annoncé, il faudra serrer des mains, remercier des félicitations, tout en mimant un faux sourire. Ils ne se connaissent pas, mais ils auront au moins ce point commun. Affronter ça ensemble.
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On parle d'argent, de convenances et de devoirs, mais où en est le cœur dans tout cela ? - Eponine EmptyVen 20 Mar - 0:56

ON PARLE D'ARGENT,
DE CONVENANCES ET DE DEVOIRS,
MAIS OÙ EST LE CŒUR DANS TOUT CELA ? ★




« Je vous en prie, appelez-moi Javier. »

Javier. Elle va devoir s'habituer à ce que ce prénom sorte de ses lèvres. Cinq lettres qui pourtant écrivent son destin, son futur. Par chance il semble gentil, mais les apparences peuvent être trompeuses alors Éponine ne se fait pas d'espoir. Les illusions l'ont quitté il y a longtemps déjà. Mais pourtant elle cherche à y croire, qu'elle n'est pas qu'une jolie femme avec un nom. Qu'elle est plus que ça. Et lorsqu'il s'excuse, les mots sortent de la bouche de la douce sans barrière, se heurte directement à l'air.

« Bien sûr. »

Elle a honte Éponine, de son indélicatesse. Pourtant elle le voit bien, qu'il ne l'a pas prit mal. Mais le regard se son père se veut insistant. Il ne sait pas l'erreur qu'elle vient de commettre, s'il l'avait entendu il en aurait été fâché. Mais la pauvre enfant perd ses moyens. Elle sent, en plus des yeux perçant de son père et du roi, les regards de deux autres femmes de la famille. Alors elle se confond en excuse. Regrette cette remarque déplacée. Mais il se penche vers elle, change de regard, devient malicieux.

« Ça ne l’était pas. Soyez-vous-même, pas ce qu’il peut attendre de vous. »

Est-ce un nouveau rougissement qui colore ses joues ? Certainement. Être elle-même, il est bien le premier à lui demander. Et elle le regarde, véritablement pour la première fois de leur échange. Parce qu'elle a moins peur, parce qu'elle est peut-être trop naïve mais elle sent qu'elle est bien tombée, que ça aurait pu être pire. Bien pire.

Il se redresse, dépose le verre pour lui offrir son bras. Il y a une pointe d'hésitation chez elle, marcher en compagnie d'un homme fait soudain si sérieux, bien loin de ses pieds nues dans l'herbe. Mais sa famille attend qu'elle accepte ce geste. Et puis, peut-être qu'au fond, ça ne la dérange plus tant que ça de prendre ce bras tendu.

« Allons jouer leur jeu, mais ne vous cachez pas derrière... Leurs attentes. Ils n’ont pas à vous dicter votre conduite. Ils vous en imposent déjà beaucoup, n’est-ce pas ?  »

Elle sourit doucement, vrai sourire sincère d'une complicité naissante et pourtant si discrète. Ses yeux turquoise se plantent timidement dans ceux du Capitaine. Ceux de Javier.

« À vous aussi on vous impose des choses, Capi.. Javier. »

La langue fourche, mais elle se reprend dans un sourire timide. Elle accepte cette proximité, ces échanges de prénoms. C'est moins formel, ça fait moins peur. Mais elle se sent un peu triste, parce que sa phrase est vrai. Javier et elle sont imposés l'un à l'autre. Elle n'a pas pu choisir, mais lui non plus. Et ça l'attriste de ce dire qu'un homme semblant si gentil doive se retrouver avec... une femme comme elle.

Ils commencent doucement à faire quelques pas. Éponine a déjà l'impression d'étouffer, de suffoquer. Mais comme s'il lisait dans ses pensées, le preux chevalier offre un échappatoire à la princesse.

« À moins que vous n'ayez encore besoin de temps, nous pouvons aussi aller prendre l’air. »

Son visage s'illumine malgré elle. Le sourire s'élargit. Prendre l'air, c'est parfait. Elle se sent bien dehors, il n'y a pas mieux pour elle. Alors elle hoche la tête.

« J'aimerais beaucoup aller dans les jardins. »

La fleur veut rejoindre le bouquet, dehors. Accompagné d'un ancien monstre dans son esprit, maintenant devenu complice. Il n'a plus rien des songes effrayants qu'elle s'imaginait. Il est délicat est gentil. Mais Éponine s'emballe, parce que dès qu'une bride d'espoir prend place en elle, elle en oublie le reste. Pour l'heure, elle ne veut penser qu'à la gentillesse de son futur époux, ça lui rend ses songes moins douloureux.

«  Je suppose que si l'on se cache bien, il n'annoncera rien de plus gênant toute de suite.  »

Elle se met à rire un peu. Naturel, pas caché. Pourtant on lui a apprit qu'une femme doit être belle et effacée. Mettre la main pour cacher les dents lorsque le rire éclate. Mais elle ne le fait pas. C'était trop spontané. Le rire est discret, mais bien présent. S'il se doutait un instant que le cache-cache est son jeu préféré. Elle y joue presque tous les matins, lorsqu'elle sort saluer le soleil qui se lève pour être la première à le voir, et que les domestiques la cherchent.

Et alors il mène la douce dehors, répond à sa demande. Il ne fait pas frais, l'air est même assez sec. C'est dommage, Éponine aime avoir froid. Elle aime le fait de sentir ses poils se dresser sur ses bras. Sentir le chatouillement du vent sur sa peau. Ce serait pour une autre fois.

Elle se décide à lâcher le bras de son promis, venant plutôt poser ses mains sur un petit muré. Le jardin est beau dans cette nuit très noire, simplement éclairé de petites lanternes qui formes un chemin. Elle s'imagine que ces lumières sont des lucioles. Elle est dans son élément Éponine, et ça se voit. Elle respire de nouveau. Touche la liberté des doigts. Si elle avait été plus audacieuse dans sa vie, elle serait partie sans ne rien dire, prenant la mer et découvrant le monde.

Mais Éponine a la tête remplit de rêve, mais les pieds attachés au sol.

« Merci d'avoir proposé de nous échapper un instant de la réception. Prendre l'air me fait du bien. »

Elle a tourné son visage vers lui. Sourit poliment, dans une grande douceur.
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On parle d'argent, de convenances et de devoirs, mais où en est le cœur dans tout cela ? - Eponine EmptyVen 20 Mar - 16:38

On parle d'argent, de convenances et de devoirs, mais où est le cœur dans tout cela ? ★ ft. @Éponine De Sarin

Il ne sait pas vraiment si la manière qu’il emprunte, est la plus douce et la plus adaptée, mais il sent bien rapidement que la fine silhouette d’Eponine se décrispe. Comme un soulagement, elle reprend sa respiration, plus naturellement. Et son sourire semble bien moins forcé. Il en est de plus en plus joli, à tel point qu’il en devient plus contagieux encore. Lui aussi, il laisse ses lèvres s’étirer. C’est lui qui cherche à la rassurer, mais finalement, n’est-ce pas elle qui le fait, rien que par ce joli visage de poupée ? D’un regard qui se veut étrangement complice, bien qu’inconnu, elle s’accroche à son bras, après une petite pointe d’hésitation. Il aurait été surpris qu’elle ne prenne pas le temps d’y réfléchir, d’ailleurs. Si sa renommée fait de lui un homme dont bien des femmes rêveraient d’être au bras, il sait combien les jeunes filles de la génération d’Eponine elles, sont bien moins connaisseuses de son histoire. Et n’en rêvent donc pas autant. Elle fait des jalouses chez les trentenaires Eponine, tandis que lui, il est mitraillé du regard par les jeunes princes, tous ces nobles qui courtisaient les De Sarin. Il pourrait en être fier Javier. Mais il n’y parvient pas vraiment. Trop inquiet pour Eponine, que l’on vient d’attacher à des chaînes pour la vie entière. Parviendra-t-elle à l’aimer, ne serait-ce qu’un peu ? Un jour ? Il ne prend même pas le temps de se soucier de lui-même. Il a simplement peur pour elle. « À vous aussi on vous impose des choses, Capi.. Javier. »

« Il est vrai. »

Répond-il, évasif, sans vraiment continuer, laissant le doute sur ses pensées. C’est vrai, que l’un comme l’autre, ils se voient imposés un avenir tout tracé. Mais... Il ne peut s’empêcher de penser, que s’ils y travaillent, s’ils se serrent les coudes, plutôt que de s’entre tuer, ils peuvent ne pas en sentir le poids, de ce devoir. A deux, soudés, ils deviendront au moins amis. Il en garde l’espoir. Il ne veut pas subir la tristesse d’un mariage raté, des crises de larmes, des disputes. Il n’est ni dupe, ni trop rêveur, il sait que peut-être, ça ne fonctionnera pas. Que peut-être, même, jamais elle ne partagera sa couche, ou ne lui donnera d’enfant. Mais il veut se laisser une chance. S’ils se montrent respectueux l’un envers l’autre, s’ils prennent soin l’un de l’autre, ils peuvent au moins s’accompagner dans la vie, comme dans la mort. Se lier d’un certain sentiment. Et pleurer, verser quelques larmes, quand l’un des deux disparaîtra. Il ne demande pas grand-chose de plus. Juste compter un temps soi peu pour elle. Ne pas être juste un nom, un fantôme, une silhouette qu’elle évitera à longueur de journée. S’il peut faire perdurer le sourire aux lèvres d’Eponine, alors ce sera déjà grand.

« A nous de faire en sorte, que ce le soit moins. »

Rajoute-t-il finalement, légèrement penché vers elle, alors qu’il croise le regard du père de la jeune femme. Il lui sourit, poliment, et ce dernier au loin, lève son verre vers eux, comme si la mission était déjà gagnée d’avance. « J'aimerais beaucoup aller dans les jardins. » Ça ne l‘étonne pas. Il a entendu plus d’une fois, ces rumeurs sur la plus jeune des De Sarin. Qu’elle passe trop de temps dehors, que ça va ternir son teint frais. Ou qu’elle y joue comme une enfant, à son âge. Il n’a jamais porté le moindre jugement là-dessus, il en était au contraire, plutôt intrigué. Il est rare que les femmes de la cour, les nobles, soient aussi spontanée, et “légère”. Elles se donnent tout le temps un rôle, elles en font trop. Elles utilisent des manières qui ne sont même pas naturelles. C’est peut-être pour ça qu’ici, à la cour, il n’a jamais trouvé chaussure à son pied, au grand désespoir du roi.

« J’ai cru comprendre ça. »

Elle l’y emmène bien rapidement, sous les yeux curieux du Roi et de ses parents. Peut-être se demandent-ils ou peuvent-ils bien aller. Son père semble le plus incertain, il craint certainement que la fougue d’Eponine, fasse fuir le bon parti qu’ils lui ont trouvé. A moins qu’il ne pense simplement, que Javier soit incapable de gérer sa femme ? D’un sourire, il le rassure en passant devant eux, puis ils quittent la salle, le brouhaha du banquet, pour poser le pied sur les pelouses. Il fait encore chaud, comme toujours sur les îles. Mais la nuit est plus fraîche que le jour, et cela fait du bien. Eponine le relâche, pour effleurer le petit muret qui entoure un jardinet. Elle sourit, plus encore. Dans le silence qui règne ici, il l’observe curieusement. Il l’étudie. Il est curieux, elle l’intrigue. Elle a l’air jeune, trop jeune, un peu immature, et pourtant, il ne parvient pas à détacher son regard d’elle. Elle a quelque chose Eponine. Pas tout à fait femme, mais pas tout à fait une enfant non plus. Elle semble tiraillée entre les deux camps. Et il sait ben pourquoi. Parce qu’elle veut rester libre. Les enfants le sont. Ils peuvent courir dans les jardins, crier, on leur accorde même d’être dissipé. Mais les adultes, c’est tellement plus stricte. Aucun pas de travers ne vous est pardonné. Et on ne vous demande plus vraiment ce que vous voulez faire. On vous dit quoi faire. Vous n’êtes plus que de petits soldats, sur un échiquier géant. « Merci d'avoir proposé de nous échapper un instant de la réception. Prendre l'air me fait du bien.. » Il lui sourit doucement, avant de se rapprocher, et venir finalement poser ses fesses sur ce muret. Les mains entre les cuisses, il garde ses yeux posés sur elle, comme par peur qu’elle ne s’envole. Son père ne le lui pardonnerait certainement pas.

« A moi aussi. »

Sous son bras, il sent la petite bague qui se balade dans sa poche. Et l’angoisse le gagne à nouveau, serrant sa gorge. Il ne sait pas comment la lui donner, enfin, la lui offrir. C’est un cadeau, c’est censé en être un. Il soupir très discrètement, juste pour lui, et il vient poser ses mains contre le muret, de chaque côté de ses hanches, étalant ses jambes devant lui. Une sombre question lui brûle les lèvres. Eponine, a-t-elle quelqu’un dans son cœur ? Personne ne lui a demandé. Peut-être est-elle ici avec lui, alors qu’elle rêve d’un autre homme ? Il sent qu’au fond, si tel était le cas, ce serait douloureux pour elle, mais encore bien pire pour lui. Cet homme en question, ne chercherait-il pas à la lui arracher, avec le temps ? Bien sûr qu’elle est en droit de se poser légitimement la même question. Mais lui... La seule femme qu’il ait vraiment aimée, elle n’est plus. Aslaug. Elle est toujours de ce monde, physiquement, mais son âme elle, a disparu. C’est cette âme déchue qu’il garde dans son cœur, pas celle qui est encore parmi les vivants. Alors inutile pour elle de se faire du sang d’encre. De s’imaginer que peut-être, son mari accourrait dans les bras d’une maîtresse à peine marié. Il ne le fait déjà pas depuis bien des années. Et il porte une attention toute particulière au mariage. Sûrement due à l’image qu’il en a, de ses parents. Ce n’est peut-être qu’une bague au doigt, et des paroles devant un représentant de dieu, mais... C’est important pour lui. La fidélité, la loyauté, il n’ose même pas s’imaginer passer à côté. Il ne peut pas non plus emprisonner Eponine, évidemment. Mais il en souffrirait, sans nul doute.

« Je peux me permettre de vous demander... Même si cela paraît déplacé... Ce mariage, vous angoisse-t-il au point de vous empêcher de dormir la nuit ? »

Son sourire s’est légèrement effacé, pour des traits plus inquiets. Il ne sait pas vraiment comment lui demander, en réalité, et tout simplement : Comment le vit-elle. Est-ce qu’elle en vient à le détester lui, bien qu’il n’ait rien demandé ? A-t-elle peur de lui ? Se morfond-elle de devoir épouser un homme plus âgé ? Ou est-elle fière d’être au bras du capitaine du Roi ? Il n’arrive pas vraiment à lire le fond de ses pensées.

« J'espère ne pas vous causer de peine, bien malgré moi. »

Son sourire, sur le bout des lèvres, se veut plus incertain, et songeur, alors qu’il abaisse ses yeux vers ses bottes. C’est vrai qu’ils ne se connaissent pas, mais ils ont besoin de se parler. Lui en tout cas, il en a besoin. Ce n’est sûrement pas comme ça que font les autres. Peut-être même que les autres hommes, sont plus impétueux, et ils se posent bien moins de question. Mais Javier, il n’est pas comme tous ces hommes, il n’est pas né ici, à la cour. Et à l’évidence, elle, elle a l’esprit à mille lieux d’ici.
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On parle d'argent, de convenances et de devoirs, mais où en est le cœur dans tout cela ? - Eponine EmptySam 21 Mar - 10:37

ON PARLE D'ARGENT,
DE CONVENANCES ET DE DEVOIRS,
MAIS OÙ EST LE CŒUR DANS TOUT CELA ? ★



L'air frais lui fait du bien, à la douce Éponine. Elle sent sa poitrine qui se débloque, le corset semble moins la compresser. Mais le plus important, c'est qu'elle ne se sent pas apeurée. Pourtant elle aurait toutes les raisons de l'être, car après tout la voilà en compagnie d'un inconnu, beaucoup plus âgé qu'elle et qui, dans peu de temps, partagera sa vie. Mais Javier est doux, elle voit dans son regard la bienveillance à son égard, et ça la rassure beaucoup. Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'elle se sent totalement à l'aise à ses côtés, c'est encore bien trop tôt pour ça, mais au moins elle ne stresse pas vraiment, n'a pas peur de se faire rabaisser.

Il s'installe sur le muret, et elle se rend compte qu'il est vraiment adulte. Qu'il y a un faussé entre eux. Il se tient comme son père le fait parfois. Est-ce que cette vision l'effraie ou la rassure ? Elle ne sait pas vraiment.

« Je peux me permettre de vous demander... Même si cela paraît déplacé... Ce mariage, vous angoisse-t-il au point de vous empêcher de dormir la nuit ?  »

La question la surprend, elle ne s'attendait pas à ça. Les convenances et bienséances ne permettent pas d'étaler ses sentiments sur une question aussi intime, pouvant même paraître déplacée. Et pourtant elle ne lui en veut pas. Elle se sent même soulagée qu'il pose la question, ça montre qu'il s'intéresse, qu'il souhaite à comprendre son ressentie. Puis c'est une occasion pour elle de s'exprimer, de se confier et surtout d'être réellement écouté. Mais elle a peur, parce qu'au final elle ne le connait pas vraiment. Et s'il jouait un rôle avec elle ? Éponine a peur de se livrer, d'être transparente avec lui et qu'au final il s'offusque, annule les fiançailles parce la réponse donnée ne lui plairait pas. Ce serait un second échec pour les De Sarin, et cette fois de sa faute. Alors elle appréhende, se mord la lèvre inférieure en détournant le regard, peu confiante de sa réponse.

Et il semble voir son trouble, alors il veut un peu la détendre, certainement.

« J'espère ne pas vous causer de peine, bien malgré moi. »

Mais il lui a demandé d'être elle-même. D'être honnête, alors elle ose, peut-être naïvement, mais elle a envie de croire qu'il est sincèrement gentil, et que ce n'est pas qu'une façade.

« Je ne veux pas vous mentir... Oui, les premiers jours étaient très compliquées. Ça l'est même toujours. »

Elle n'ose plus poser son regard sur lui. Elle rougit même (beaucoup trop), se sentant gênée de se montrer aussi franche avec cet étranger qui bientôt prendra sa main.

« Ce n'est pas contre vous, alors s'il vous plait, ne vous vexez pas... C'est juste que... C'est stupide, je le sais bien, mais.. Je voudrais croire au véritable amour. J'ai toujours pensé, bêtement, que le jour où j'épouserais un homme, ce serait parce qu'on se serait choisit ensemble, et non par politique. »

Mais douce Éponine, beaucoup trop rêveuse pour ce monde, la réalité n'est pas un conte de fée. Alors elle sourit doucement, replace une mèche de ses cheveux roux derrière son oreille, essayant de s'occuper les mains pour masquer sa gêne.

« J'aimerais vous dire que.. J'appréhendais beaucoup cette rencontre. Mais.. vous avez réussi à apaiser mes peurs avec votre bienveillance. »
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