Chapitre 1
La neige recouvre les dalles de la citadelle, le vent souffle doucement dans l'air et emporte dans un tourbillon des senteurs diverses. Je les respire. Un goût de cendre et de sang. Je marche dans ce manteau blanc à la recherche des miens. Je rentre dans la demeure. Je cherche la salle du trône et je vois Tara, celle-ci porte une robe blanche avec une couronne de fleurs. Elle a un visage triste.
— Pourquoi tu es triste, ma fille ? Que s'est-il passé ?
Demandé-je d'une voix inquiète et maternelle. Je me rapproche d'elle et je lui prends les mains . Où est ton père ?
— Par vos actes, notre royaume n'est plus. Il est que cendre … Je suis réduite à devenir une esclave. Je ne suis plus rien. Je ne suis plus la Princesse Tara de Galadhorn. Je vais être sacrifiée pour vos ambitions. Vous m'avez vendue à nos ennemis. Ceux qui ne sont pas comme nous sont nos rivaux, mère. Je vous déteste. Je vous hais. Quant à Père, j'ai bien peur qu'il soit à l'agonie. Vous l'avez tué. Vous méritez d'être punie par vos actes.
Je ne comprends pas les paroles de ma fille. Mes yeux s'agrandissent quand elle évoque le sacrifice et la lente agonie de son père. Où est-il ? Je dois empêcher la faucheuse de lui ôter la vie. Je serre mes dents et j'empoigne le bras de mon enfant d'un geste.
— Je ne sais pas de quoi tu parles. Je ne suis pas responsable des morts des gens de Galadhorn.
— De la guerre de la reine endeuillée, Irèn. Vous avez conclu une alliance avec elle et non avec Thoron.
— Non … Non, je ne l'ai pas fait. Je n'ai pas choisi de la soutenir ou de lutter contre Thoron. Je ne veux pas de sang dans mes mains.
J'entends un nom. Le mien, celui-ci prononcé par mon mari. Il le prononce faiblement. Je prends les pans de ma robe et je marche en direction de ce dernier. Hecktor tombe sur le sol. Je m'avance vers lui, des larmes coulent le long de mes joues. Je pose ma main sur sa blessure ensanglantée. Mon cœur tambourine contre ma poitrine. La peur est inscrite dans les mailles de mon corps. Je ne veux pas qu'il parte. Je ne veux pas qu'il me laisse seule.
— Ne partez pas Hecktor.
Je pose mes lèvres sur lui. Un goût de sang et de cendre. Je ferme les yeux. Comment pourrai-je supporter la douleur de perdre l'être aimé ? Celui que j'aime depuis de nombreuses années ? Brân n'est qu'une illusion, un désir … Il n'est pas mon Hecktor.
Je me réveille et je vois mon mari. Hecktor n'est pas mort. J'ai rêvé. Pourquoi ai-je fait ce sombre songe ? Est-ce par rapport à mon départ pour Heledir ? Dois-je soutenir la reine de là-bas et non Thoron ? Je n'ai pas encore parlé avec elle. Et puis, je ne mettrai pas mon royaume en péril sans que le Conseil approuve la guerre ou non.
Mon mari me pose une question. Je le regarde dans les yeux. C'est notre dernier matin avant que je parte pour le royaume d'Irèn. Je respire doucement et je lui souris.
— Il est resplendissant quand vous êtes là, mon aimé.
Dis-je doucement.
Je me rapproche de lui et je lui caresse son visage. Bientôt, je partirai loin de vous et de notre royaume. Vous allez me manquer mon doux aimé.
Je soupire et je m'arrête. Nous pourrions déjeuner ensemble sauf si vous avez déjà avalé des mets.
Je reste silencieuse quelques instants. Est-ce que je fais bien de partir et de le laisser ici dans son état ? La flamme qui illumine jadis le cœur et l'esprit de mon mari a disparu. Il est qu'une ombre dans sa citadelle. Je ne sais pas combien de temps, je vais pouvoir endurer cette mélancolie qui est devenue sienne. Comment l'aider ? Je ne sais pas ce que je peux faire pour raviver le feu dans son cœur. De plus, Hecktor me fait souffrir en aimant une autre. Cette catin que je ne peux pas nommer. Est-ce qu'il confie son mal-être à cette putain ? Je suis là … J'étais toujours là pour lui et je ne suis plus rien, maintenant. Qu'ai-je fait pour qu'il soit ainsi ? Comment puis-je le garder auprès de mon cœur et de mon lit ? Je ne veux pas que cette courtisane soit engrossée par mon mari et qu'elle porte un fils. Je veux qu'elle disparaisse et qu'elle soit rayée de l'histoire de mon monde. Je reste calme puis je pose une main sur le torse de mon mari.
— Avez-vous bien dormi, Hecktor ?
Demandé-je d'une voix tendre. Si vous avez besoin d'un breuvage pour vous aider à trouver le sommeil, je peux demander à maîtresse Blancheflor de vous préparer une boisson.
Je lui souris. Je ne désire pas que vos soucis puissent ternir votre repos, mon aimé.
Je me redresse dans le lit. Je m'inquiète pour vous, Hecktor et je ne sais pas quoi faire pour vous aider. J'ai peur de vous perdre à tout jamais …
Je soupire. Pardonnez-moi mes épanchements de femme, je ne suis pas faible car je parle de mes sentiments. Je ne veux pas que votre esprit sombre dans la pénombre.
Je me tais quelques secondes. Je suis là, aujourd'hui, demain et à jamais pour vous, Hecktor. Ne me laissez pas de côté, ne me tenez pas à l'écart de ce qui vous ronge car je me sens impuissante.
Je me mords les lèvres. Excusez-moi Hecktor. Je ne veux pas vous perdre et je ne sais pas quand je rentrerai à Heledir. S'il m'arrive quelque chose, je ne pense pas qu'on m'assassine là-bas, mais, on ne sait jamais avec les barbares dans les contrées ou les pirates qui sévissent dans nos mers. Ne restez pas ainsi, agissez. Vengez-moi. Préparez Tara à devenir la reine qu'elle doit l'être et pardonnez-moi de vous avoir abandonné …
J'entends les bruits de pas. Les servantes vont arriver pour me préparer pour le déjeuner. Je me lève du lit, le drap tombe et dévoile ma nudité, celle que mon époux connaît depuis si longtemps. Ce corps qui a porté des enfants. Je me saisis d'une robe de chambre d'une couleur bleue, je mets mes cheveux sur mon épaule et je me tourne vers mon mari.
— Profitons de ces dernières heures, Hecktor. Je ne veux pas me disputer avec moi. Juste être avec vous. Je crois que mes servantes arrivent et je ne suis guère présentable pour déjeuner avec vous. Permettez-moi de me laver et de porter une robe de jour afin de savourer un plat avec vous ?
Demandé-je d'une voix douce. emma ❧ la possibilité de t'aimer comme gravir une montagne