Rares, très rares étaient les choses capables de tirer ne serait-ce qu'un sourire à Rivalen. Le pseudo-noble ne fut jamais quelqu'un d'une nature particulièrement enjouée mais, rencontrer celle qui devint, plus tard, son épouse lui changea la vie. Je n'entends pas là un changement dans ses habitudes mais, c'était comme si, sa vie débutait enfin, grâce à cette rencontre. Comme si, pour la première fois de son errance sans but, son cœur venait de battre pour la première fois, comme si, son esprit avait ressenti quelque chose de bienveillant, pour la première fois. Il n'y avait aucune raison pour qu'elle le choisisse lui. Nombreux furent ceux à la convoiter et à lui faire la cour. Ils furent tous rejetés, avec douceur et courtoisie. Une poignée d'entre eux prirent mal la chose et, emportés par la colère semblèrent ne plus rien contrôler, ne faisant que légitimer le choix de la belle. La plupart du temps, un prétendant s'interposait pour protéger la demoiselle et, d'autres fois, ce fut le Trant qui pris le coup à sa place. La distinction, bien qu'à première vue pouvait être anodine, était, en fin de compte, importante. En effet, même si le mercenaire ne pouvait détacher ses yeux de la sylphide, jamais il ne l'approcha pour tenter sa chance. Après tout, à quoi bon ? N'avait-elle pas suffisamment d'enquiquineurs quotidiennement ? N'était-elle pas dérangée en permanence par quelques idiots ? Autant ne pas lui rajouter du travail. De plus, pourquoi choisirait-il un être abîmé, vivant par l'épée, sans famille, sans toit, bon à rien ? Nombreux étaient, selon lui, les défauts qui pouvaient le qualifier. Les qualités, quant à elles étaient des plus rares. Alors pourquoi ? Pourquoi risquer de rater sa vie avec pareil être méprisable ? Contre toute attente, ce fut cette vérité crue et nue qui lui permis de briser la glace, alors qu'il était particulièrement éméché. Intervenant pour empêcher un ivrogne de la bousculer, elle lui posa la question. La réponse tourna un long moment dans son esprit embrumé avant de sortir, maladroitement. Les mauvaises langues pourraient dire qu'elle se plaisait à faire tourner les têtes. La vérité était qu'elle, voyait son apparence comme une malédiction, plus qu'autre chose. Rares étaient ceux à l'approcher pour ce qu'elle était réellement. Pourtant, celle-ci disposait de toute les qualités désirables, bienveillante, chaleureuse, travailleuse, sérieuse, courageuse et droite. Alors, bien que la formulation l'amusa, imaginer qu'un homme préférait l'observer de loin, se délectant de son sourire et sa joie, plutôt que de venir la déranger dans son service. Plutôt que de la mettre mal à l'aise et lui forcer la main à offrir une quelconque réponse … Cela lui donna envie d'en savoir plus. Ce plus, ce transforma en de nouveaux rendez-vous et, bien vite, en mariage.
Elle était sa raison de vivre. Tout simplement. Bien entendu, ses deux filles étaient deux merveilles et, son amour pour elles étaient insondable mais … La perte de son épouse lui arracha brutalement sa joie, en marquant son esprit au fer rouge. Ses enfants devinrent son seul refuge, chose qui, selon lui était pathétique. N'était-ce pas à lui, de jouer ce rôle-ci ? N'était-ce pas à lui de se montrer solide pour qu'elles puissent survivre à cette épreuve ? Sans aucun doutes qu'il avait été un mauvais fils. Il était fort probable qu'il n'avait pas été un très bon époux. Alors, c'était impensable que le soldat puisse être un mauvais père. Peu importait sa peine. Peu importait sa détresse, rien d'autre n devait compter que le sourire de ses deux orphelines. Et c'est ainsi que Rivalen battit le reste de sa vie. Vie qui vint miraculeusement s'arranger grâce à cette intrigante nomination au poste de maître d'armes mais qui, dans le veuvage, gardait ce goût amer et ce sentiment de vide.
Rares, très rares étaient les choses capables de tirer ne serait-ce qu'un sourire à Rivalen. La boisson, le soir, en compagnie de roturiers dans une quelconque auberge suffisait à l'amuser mais, cela n'était que passager. Tout comme la nourriture, ou les chansons qu'elle se plaisait à lui chanter. Il demeurait cependant un petit quelque chose qui lui rappelait sa bien-aimée : les balades en forêt. C'était là quelque chose que la disparue appréciait tout particulièrement. Ce fut même, d'ailleurs, ce qui constitua leur premier tête à tête. La tranquillité de la forêt l’apaisait et, bien vite, il en fut de même pour le bretteur. Ainsi, régulièrement, le père solitaire se plaisait à sortir de la cité après s'être assuré d'avoir confié ses deux jeunes filles à leur nourrice, pour avoir l'esprit tranquille. Ne se déplaçant jamais sans sa fidèle épée, Rivalen passait souvent plusieurs heures dans les bois, fuyant la cacophonie de la ville, se remémorant sans mal, plusieurs décennies en avant lorsque sa vie prit un tournant. Et puis, un jour, sa balade habituelle prit un tout autre tournant. Après avoir entraîné quelques jeunes chevaliers et écuyers, l'homme mûr s'était rendu dans son coin habituel, sans réel but si ce n'était que de rester là jusqu'à ce qu'il fasse trop sombre. Il n'avait jamais vraiment eu de problèmes mais, ne sait-on jamais. Quelques brigands ou animaux sauvages, sous le couvert de la nuit auraient sans nul doutes raison de lui. Il était impensable de mourir à son tour. Impossible de les laisser seule. Impossible de les couper de toute famille.
S'apprêtant à rentrer chez lui, ce fut un cri, puis un autre qui le mit sur ses gardes. Que se passait-il ? Un cri de femme, loin de la cité … Cela ne pouvait présager que du mauvais. Qu'on se le dise, Rivalen n'avait rien d'un chevalier. L'honneur, la droiture et toutes ces conneries, il les foutait au feu. La seule chose qui importait réellement était la survie. C'était bien beau de se faire mousser dans une cour avec des préceptes pompeux et des idéaux romanesques mais, lorsqu'une vie était en jeu, tout ceci n'avait plus le moindre sens ou intérêt. Bien trop furent ceux à s'en rendre compte lorsqu'une épée venait de les traverser. Malgré une certaine aversion pour tous ses idéaux, le maître d'armes n'en restait pas moins quelqu'un avec une certaine empathie et … Imaginer une jeune fille dans les bois se faire agresser pour se faire dépouiller, tuer, ou pire encore le mettait hors de lui. L'idée-même que cette inconnue puisse être l'une de ses enfants suffisait à le faire entrer dans une colère monstre. Ainsi, main le pommeau, l’épéiste se précipita vers l'origine de ses cris pour y découvrir une scène d'horreur. Une jeune femme poignardée et un groupe d'hommes, tout de noir vêtu s'apprêtant à fuir la scène de crime. Trois d'entre eux se retournèrent vers Rivalen, semblant prêts à se débarrasser d'un témoin gênant. Rapidement, le vieil homme dégaina son arme, une épée bâtarde en expirant longuement t intensément alors qu'il la brandissait devant lui avec fermeté, de ses deux mains. Évacuer toute colère. Évacuer tout sentiments superflus. La survie, seulement la survie.
Le premier d'entre eux semblait rieur, moqueur même, en allant même à pointer du doigt l'âge de l'intrus. Confiant, trop confiant même. Sans nul doutes que ce dernier n'avait guère l'habitude de voir qui que ce soit prendre les armes face à lui et à ses compagnons. Sûrement que ses victimes étaient trop effrayés par le nombre d'assaillants. Rivalen lui, avait vécu l'enfer, il y avait plongé plusieurs fois et en était ressorti à chaque fois. Des rivières de sang, des pluies de flèches le désespoir le plus profond et le plus sombre. Rien de tout ça ne l'avait mis à genoux sur un champs de bataille, alors, un homme masque, trop confiant, n'y parviendrait pas. Alors qu'il parlait encore et encore, le Trant eut un mouvement de hanche, vif, appuyé par son pied arrière pour venir abîmer la main directrice de son assaillant. Profitant de l'ouverture notre homme vint traverser la gorge de son assaillant, sans sourciller. L'idée d'ôter une vie ne l'effrayait plus depuis de nombreuses années. Les premières fois étaient atroces et, les premiers visages plaintifs, effrayés et tordus de douleurs voyant leur vie s'envoler hantaient encore ses rêves mais … Plus les années avançaient et plus la chose le laissait de marbre. La première cible éliminée, les deux autres dégainèrent une épée courte chacun avant de se déployer autour de lui. Ce simplement mouvement lui fit comprendre qu'en plus d'être expérimentés, ses deux opposants avaient l'habitude de se battre ensemble. Chose qui était embêtante. Sa main droite vint se positionner à la base de la lame, plus mince, servant de seconde poignée, pour la pointer vers l'un d'eux. Son autre main, ouverte était lancée en direction du second, tandis que son visage ne cessait de faire des va-et-vient entre les deux, attendant patiemment le premier assaut. Dans sa position, attaquer le premier serait une erreur fatale. Alors, Rivalen patienta. Peut-être était-ce dû au soleil descendant mais, tout deux ne furent pas parfaitement coordonnés, à tel point que les deux ne se lancèrent pas au même moment, alors, le maître d'armes en profita. Se tournant sur lui même il attrapa de sa main gauche la base de sa poignée pour venir balancer un violent estoc descendant en plein dans la cuisse du premier venu qui, en plus de le faire hurler de douleur le stoppa net dans son élan. Le second, quant à lui, devant la scène eut un léger moment d'hésitation, suffisant à ce que l'homme veuf puisse assener un violent coup de pied chassé dans le buste de ce dernier, le repoussant juste ce qu'il fallait pour récupérer sa lame, dans un nouveau hurlement. D'un même geste, il vint frapper la hanche de celui encore indemne, ce qui le fit chuter. Sans attendre, le blondinet vint le mettre à mort, plantant son arme au niveau du plexus. Retirant sa lame, l'ancien mercenaire vint perforer le dos de celui qui tentait de s'enfuir en rampant.
L'affrontement avait duré plus de temps que prévu et, le reste du groupe avait fini par disparaître dans l'obscurité naissante. Un soupir agacé s'échappa de ses lèvres devant cette nouvelle. Ceux-ci pouvaient être n'importe et, à l'orée de la forêt, une attaque pouvait arriver de toute part. Il fallait donc faire vite. Reportant son attention sur la demoiselle en détresse, après avoir rengainé son arme, il s'approcha doucement d'elle et fut … Parfaitement choqué. Outre les blessures évidentes elle restait parfaitement … Délicieuse. Oh qu'il s'en voulut d'avoir une telle pensée dans pareille situation mais, qui pouvait bien lui en vouloir ? Ce visage et, ces yeux. Oh ces yeux. Malgré la luminosité qui se voulait descendante, ils continuaient de resplendir et … Une idée idiote et fugace lui traversa l'esprit. Était-ce possible d'être une si belle femme ? Était-elle l'avatar d'une déesse ? Ou un être béni par l'une d'elle ? Chassant bien vite cette absurde pensée, sûrement causée par le vin dégusté durant sa balade solitaire, le sauveur finit par se pencher sur la jeune femme.
« Tss, c'est pas joli à voir. » À ses mots, le vieil homme fronça les sourcils, se sentant bien vite le besoin de se justifier.
« Je mentionne bien évidemment vos blessures. Je gage que vous êtes parfaitement consciente de vos charmes. » Un petit ricanement idiot avant de se déplacer sur son flanc et la soulever pour la porter, comme si de rien n'était avant de se déplacer, le pas rapide en direction de la cité.
« J'ose espérer que vous pardonnerez mon impolitesse mais, il faut vite vous amener voir quelqu'un et … Je préférerai ne pas avoir à faire à ces gens-là de nouveau. La forêt leur donne un trop grand avantage en ville … Nous devrions être en sécurité. Je vous demande d'avance de m'excuser pour les secousses et, j'espère que vous tiendrez le choc mais, il faut faire au plus vite. »CODAGE PAR AMATIS