corps trop rarement épargné par des peintures de prière, la silhouette massive qui sait se recueillir pour mieux s'élever vers le ciel. au creux de tes pores, le long de ta nuque, de tes bras, de tes clavicules, coule l'encre d'ornements anciens réalisés à la pointe d'une lame. carcasse comme toile sur laquelle se dessine une tendre dévotion ▬ homme de foi vêtu d'une peau de chasseur, incapable d'être passif, inapte à l'inactivité. un besoin incommensurable de chercher, de traquer, sans arrêt, encore et encore, une proie bien floue, bien irréelle. une raison d'exister, de vivre, sans doute, à en devenir ermite. voilà des années que tu es parti en quête de ton propre être, croyances éprouvées et mises à l'épreuve, les hommes ne sont que des chiens ▬ une existence simple, une vie bercée par le rythme du soleil et peu de richesses. tu es pourtant bien loin d'un va nus pieds. érudit, tu as appris à lire et à écrire lorsque tu étais enfant. tu as dévoré tous les livres de la bibliothèque et tu portes encore sur toi certaines de ces feuilles reliées par un cordon de cuir ▬ tu es rarement seul, au cours de tes chasses. quelques aigles malins se sont acoquinés à ton humble personne et te guident sur la trace des proies qu'ils convoitent. en contrepartie, tu les nourris de ta main ou les laisse partager tes repas. un arrangement tacite qui serait sans doute réprouvé par tes pairs. mais tu ne crains pas la magie noire ▬ le pas léger, agile. tu glisses sur la cime des arbres comme un aigle sur les nuages. puissant, mais pas lourd, le corps qui s'étire, se tord et s'étend pour franchir le moindre obstacle. les angles abrupts des montagnes ne t'effraient guère plus que le fond des océans. tu es de ceux que l'on ne voit qu'au dernier moment, solitaire dont on ne peut lire la progression au rythme des pas. le silence est roi dans le royaume saccagé de ta pauvre vie ▬ tu as renoncé à la paix lorsque tu l'as compris qu'on refuserait de t'écouter. tu as renoncé à emplir de lumière le cœurs de ceux qui t'entouraient, renoncé aussi à dilapider ta voix en veines paroles. sans doute fais-tu preuve d’élitisme, en ne gaspillant plus ta salive que pour ceux qui tu estimes aptes. aptes à comprendre. aptes à lutter, chacun à sa manière. chacun à son échelle ▬ tu connais la nature mieux que les hommes et sans doute est-ce cela qui fait de toi un piètre religieux. incapable de prêcher la bonne parole, ne sachant pas exactement les mots justes. à l'inverse, es apte à redessiner de mémoire les terres et les recoins d'elenath, mieux que quiconque, et jamais tes flèches aiguisées ne loupent les cibles que tu sélectionnes ▬ attentif, si tu te tais, c'est pour mieux entendre. les voix des hommes, le vent dans les branches, les souffles des dieux las devant vos extravagances. une lassitude qui déteint sur tes traits lorsque tu te tiens face à un semblable, méfiant, lointain, sans doute tout aussi inaccessible qu'une bête sauvage ▬ tu possèdes çà et là à travers la contrée quelques endroits. une vulgaire construction dans un arbre, une grotte, les ruines d'une forteresse comme domicile. tu voyages léger, ne possédant que les maigres affaires sur ton dos. tu ne possèdes d'ailleurs pas de monture, préférant les périples en terrain accidenté à travers les broussailles, n'empruntant un équidé que lorsque cela devient nécessaire ▬ tu as recueilli et sauvé, il y a de cela quelques années, un loup brun abandonné par sa mère. si l'animal n'est désormais plus à tes côtés, il n'est pas rare que vos chemins se croisent et c'est toujours avec une grande mélancolie que tu revois ce vieil ami.