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Le monde dans ta paume [Marellis]



 
Ouvre la porte.
« Je ne vous parlerai pas de vengeance, de guerre, de lutte et de sang.Je ne vous parlerai pas non plus d'injustice et de droit. Je ne vous parlerai même pas de ces gens qui font rimer ordre et terreur, lois et mensonges, morale et déchéance. Je veux vous parler de cette lumière qui brille en chacun de nous. Cette petite lumière qui fait de chacun de nous un être humain. Parce que cette lumière est en train de s'éteindre. »

Pierre Bottero dans La Huitième Porte.
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 Le monde dans ta paume [Marellis]

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Paule

Paule
Elle
« la mort aux lèvres »

LA PROPHETIE : Le monde dans ta paume [Marellis] CoolPoorFoxhound-size_restricted

LES PARCHEMINS : 40
L'AME : C.
LE REGARD : Anya Taylor-Joy
LE TEMPS : 22 ans
LE SANG : Thoron
LE DESTIN : Servante muette, oiseau espion
LES ROSES : 3460
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Le monde dans ta paume [Marellis] EmptyLun 27 Avr - 15:24

le monde dans ta paume
Les cuisses endolories et la monture lasse, Paule ralentit le pas à l'approche de l'enseigne, les yeux rivés sur la devanture effritée signant la fin de son voyage. Le soir est encore jeune et promet une nuit fraîche ; sous la terre dont la petite s'est encrassé le visage pour dévier les regards, elle savoure la brise qui s'infiltre dans ses mèches collées de sueur. Un petit tumulte de chaises et de conversations racle derrière la porte de la taverne, timide. En descendant de son cheval pour l'harnacher au dessus d'une botte de paille, Paule contient à peine les crépitements exaltés de son cœur. En aidant sa mentor à préparer le grand départ, elle n'imaginait pas que son absence se ferait si cruellement sentir - l'absence, ce n'est pas ce qu'elle préfère dans le lot de douleurs qu'apporte la condition humaine. Le dernières semaines lui ont fait l'effet de piétinements interminables, sans révolution ni excuse pour justifier les dangers du voyage. Les jardins sont tristes sans la vieille pour y traîner sa carcasse acariâtre, les gens ont beaucoup moins d'intérêt quand elle n'est pas là pour les abreuver de commentaires désagréables.

Thoron a conservé ses yeux et ses oreilles mais perdu beaucoup de son humour.

Sous sa crasse et sa sueur, derrière ses cheveux éméchés, Paule conserve pourtant un visage stoïque en passant sous l'enseigne du rat crevé. L'endroit ne paye pas de mine : les chaises craquent et les tables branlent, la clientèle se voit tomber une dent chaque année depuis l'enfance. Il s'échappe des cuisines un fumet qui ne donnerait faim qu'aux affamés du voyage. L'odeur de fermentation enfermée a tout des vieilles tavernes de son enfance. A son passage, quelques yeux avinés lui jettent un oeil curieux avant de s'en retourner à leurs grognements de conversations. Les voyageurs encore un peu épars à avoir été poussés-là par la tombée du soir lui semblent un peu plus inoffensifs que les fréquentations de sa jeunesse mais Paule reste sur ses garde, se trouve un coin de table invisible près du mur. Commande dieu sait quoi en pointant du doigt la chope d'un homme au hasard à la petite servante réjouie de s'occuper d'autre chose que de gros lards lubriques. Après une piètre tentative, la fille renonce à échanger une conversation et se détourne de cette déplorable compagnie qui ne lui pipe mot ; Paule entend la silhouette robuste soupirer une complainte sur son bon sang de bois de travail. Elle étouffe un sourire tendre, reconnaissant le patronat de Marellis partout dans l'usure exaspérée de la serveuse.

Paule n'a rien sur elle, sinon quelques pièces et le nécessaire pour le voyage. Les informations qu'elle emporte avec elle, trop sensibles pour les oiseaux moqueurs - enfin - ont pour unique valise son mutique petit crâne. Elle les couchera sur le papier quand elle sera tranquille, elle espère le plus tard possible. Avec un peu de chance, il faudra quelques temps à Marellis pour faire de ces informations un fameux plan d'attaque, un temps que la môme pourra user à lui traîner dans les pattes. Ce soir, honteusement, la petite apatride se fout absolument du royaume, des monarques, des trahisons et des armes. Exaltée bien plus sûrement par ces proches retrouvailles, elle serait incapable de se concentrer pour parler des choses graves. Le monde s'écroulera très bien demain aussi, se dit-elle, propension à l'épicurisme héritée de ses classes en mer. En attendant de trouver les arguments qui feront mouche pour combler ses envies de creuser, quelques jours, le sillage de la vieille bique, Paule trempe ses lèvres dans une bière tiède et franchement dégueulasse ; un sourire derrière la chope tordue qui lui engloutit le visage.
@made by ice and fire.
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Marellis Gul'Ffardin

Marellis Gul'Ffardin

LA PROPHETIE : Le monde dans ta paume [Marellis] Tumblr_oype8dVn2z1qhjdd8o2_r3_400
LES PARCHEMINS : 53
L'AME : Arté
LE REGARD : judi dench
LE TEMPS : (soixante-dix-neuf ans) Elle est elle-même surprise d'avoir vécu jusque là.
LE SANG : (Thoron) ses ancêtres chasseurs de goules furent anoblis par le roi Reinier il y a plusieurs générations de cela.
LE DESTIN : (Noblesse oubliée) Ancienne maître-espion de la cour de Thoron, Marellis s'est reconvertie en tavernière sur la route Kaern-Calendyr.
LES ROSES : 3421
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Le monde dans ta paume [Marellis] EmptyLun 4 Mai - 1:46

le monde dans ta paume


Il serait absurde d’affirmer que la vieille s’est laissée surprendre par l’arrivée de la jeunette. On ne passe pas plus de soixante ans dans les arcanes du pouvoir sans avoir disséminé un réseau de sentinelles sur la route menant jusqu’au bouge dont elle a fait l’acquisition il y a peu. L’enseigne n’a pas changé et ce ne sont que les habitués des grands chemins qui ont repéré le changement de patronne, qu’ils appellent « Mamie » sans savoir que leur mort par empoisonnement sera longue et douloureuse une fois qu’ils auront repris la route, à partir du moment où ils arrêteront de renseigner la tenancière lorsqu’ils sont éméchés. Pour l’heure, pas trop de morts à déplorer, et la vieille supporte le surnom avec une mine à glacer les sangs. Au moins, elle n’a pas eu trop à se forcer pour tirer la gueule.

Faut dire aussi que la toiture prend l’eau et qu’il faudrait changer la chaux qui s’effrite sur certains pans de murs. Une dame de la cour Thoron aurait forcément les finances pour réaliser pareille réfection, mais la tavernière du pied des Montagnes Lunaires a autre chose à foutre que de mettre de l’argent dans une amélioration architecturale et structurelle qu’elle ne verra sans doute jamais de son vivant, vu le manque d’efficacité des artisans du coin. C’est justement ce qu’elle est en train d’expliquer au soudard appuyé au comptoir, qui n’est autre qu’un ancien frère d’armes de feu le mari de Marellis, reconverti comme elle pour la galerie, lorsque l’huis grince et manque encore une fois de se détacher de ses gonds (oui, la porte a été trop souvent défoncée durant ses antiques heures de gloire d’avant la vieille).

« Bah v’là aut’chose. » qu’elle râle pour le principe, le nez froncé, sans pour autant rompre l’échange avec le mercenaire envoyé par le roi. La surprise est pleinement feinte, désintéressée, quoique presque courroucée vis-à-vis de la souillon qui vient de pénétrer dans son antre.
N’allez pas croire que la vieille est trop bigleuse pour ne pas reconnaître la perle qu’elle a passé plusieurs années â polir avec soin. Certes, sa vue a baissé et elle ne se meut pas avec autant de facilité qu’avant, commençant à accuser son âge, mais l’oiselle est identifiable par sa mentor, grâce à sa démarche et aux précautions appliquées avec scrupule et précision. Et puis, comme dit plus tôt, elle savait que Paule était en chemin, puisqu’on l’en avait informée par un corbeau.

S’approcher de l’enfant aussitôt éveillerait des soupçons, si bien que Marellis laisse la serveuse s’occuper de la commande, et s’affaire ailleurs -à aller houspiller les deux esclaves en cuisine, tiens, pour qu’ils fassent un effort et ne crachent pas dans le bol de ragoût qu’elle leur fait servir. La mixture peu ragoûtante, malgré son nom officiel, est ensuite oubliée quelques longues minutes, le temps que la température du plat baisse et que la gamelle soit aussi tiédasse que la bière servie à la voyageuse.
Il ne faudrait quand même pas que Paule se plaise trop ici : heureusement, tout est bel et bien dégueulasse, à tel point que Marellis soupçonne les esclaves en cuisine de ne pas hésiter à rajouter des cadavres de rongeur à leurs préparations culinaires. Remarquez, vu le prix des mets, la clientèle de passage se doute certainement de la qualité médiocre qui y est adjointe.

Il passe ainsi une bonne vingtaine de minutes avant que Marellis n’approche enfin de la table choisie par Paule, après avoir menacé le mercenaire prétendument ivre de le jeter dehors à coups de canne (une mascarade à laquelle les deux amis s’adonnent avec une forme de précision comédienne, où ils font en sorte tous deux de changer d’intonation ou d’expression chaque soir, pour ne pas rouiller). S’installant à la table du jeune prodige, la vielle bique pose sans plus de cérémonie l’assiette devant la jeune femme et claque le pied de son verre de vinasse sur le bois massif (mais déjà vermoulu) en s’asseyant un peu brutalement sur le banc branlant, tout en râlant à qui mieux-mieux. Et tout de suite, de se faire détestable, pour encourager fallacieusement la miraculée à reprendre la route le plus tôt possible : « Oh, cesse donc de m’assaillir aussi férocement avec tes jérémiades, je ne m’entends plus penser.  »
Une main ridée s’empare de son reflet brisé et bien plus jeune : si le geste est furtif, il est néanmoins fort doux tandis que l’aubergiste improvisée s’enquit de l’état d’esprit de Paule, après s’être assurée qu’un extérieur prendrait ça pour une tentative d’intimidation : « As-tu fait bon voyage, chère enfant ? », poursuit-elle sur un ton égal.

C’est ça d’être gravide, de l’accepter, mais de décider d’avoir quand même des enfants dans son sillage : on adopte (sinon administrativement, au moins spirituellement) des créatures délaissées et on se les attache autant qu’on peut s’y attacher (le premier élément étant davantage souhaité que le second, cela dit).
C’est que la Muette commençait à lui manquer, presque, et que la voir en ces lieux promettait de lui réchauffer la couenne, à défaut du cœur sec et flétri.

@made by ice and fire.


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