Deux semaines plus tôt, Leandry avait commandé auprès de Valeriane de nouveaux tissus pour lui et plusieurs autres nobles de la cour. Partageant une cordiale relation avec la Tisserêve, il appréciait se charger des commandes et de leur acheminement. De ce fait, il avait fait arriver une missive à sa demeure, lui expliquant qu'il passerait dans deux semaines afin de voir l'état de la commande.
Mais il n'y avait pas que ça; Leandry avait également appris pour le malheur parvenu récemment au sein du couple. Le mari de Valeriane avait été assassiné sur les routes du royaume, probablement par des voleurs qui avaient trouvé plus simple de le tuer plutôt que de simplement le détrousser. Le prince n'avait pas encore eu le temps de se présenter en tant que tel afin de lui faire parvenir ses condoléances. Il préférait se rendre lui-même, car les missives ne valaient rien si la réelle intention n'y était pas. C'était sans doute l'une des choses qui faisait qu'il était apprécié par le peuple: Leandry était sincère et plein de bonnes intentions. Il était proche du peuple et comptait bien continuer à l'être. Chose qui serait bien plus compliquées s'il avait été roi... Décidément, il ne cessait de trouver des avantages à cette situation princière. Mais bien souvent, les inconvénients revenaient telles des évidences dans son esprit, telles de regrets. Parce qu'à cause de ce choix, il avait exterminé toutes ses chances de vivre heureux auprès de Satine, alors qu'il ne la connaissait même pas encore à l'époque. De quoi s'en mordre les doigts.

Il parvint devant la demeure Tisserêve. Un nom qui en évoquait beaucoup. D'ailleurs, il se réjouissait de jeter un oeil aux tissus qui feraient bientôt ses prochains vêtements. Il était ce jour-là vêtu d'habits en cuir rouge aux coutures dorées, les couleurs de sa famille qu'il portait toujours avec beaucoup d'honneur.
Il trouva la porte de l'atelier où étaient confectionnés les tissus ouverte. Prudemment, il se permit d'entrer, jetant des regards autour de lui.
-Bonjour ? appela-t-il. C'est Leandry, est-ce qu'il y a quelqu'un ?
Ca ne le surprendrait pas de trouver Valeriane dissimulée derrière une montagne de tissus ou en train de ranger ses confections. La jeune femme était toujours très active et prenait cette affaire familiale très à coeur. En toute honnêteté, le prince n'aurait pas vu meilleure personne à ce poste qui lui convenait comme un gant.

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Il n'eut pas à attendre bien longtemps. Il entendit un grognement étouffé qui venait de l'étage. Il cessa d'avancer dans l'atelier et se contenta de jeter des regards autour de lui, apercevant des étoffes qu'il caressa du bout des doigts pour en saisir la texture. Bientôt, elle apparut, surgie des ténèbres du fond de l'atelier. Elle souriait, s'excusa. Valeriane a toujours été une femme très serviable et très professionnelle. Leandry était réellement content d'être tombée sur une perle de ce genre ; c'était un plaisir de collaborer avec cette personnalité douce et patiente.
-Bonjour Valeriane, la salua-t-il avec courtoisie. Je vous suis.
Elle l'emmena à l'étage d'où elle venait de descendre à l'instant. Valeriane indiqua l'entrée du bureau, laissant Leandry entrer avant elle. Ce dernier salua le domestique qui se trouvait là et qui ne tarda pas à s'éclipser, sans doute pour apporter quelques boissons pour accompagner la discussion. Alors le prince entra dans le bureau.

Lorsqu'il eut à nouveau un visuel sur Valeriane, il la découvrit autrement. Elle avait une belle façade, souriante et professionnelle face au prince, mais il pressentait de légers détails. De légers changements. Des cernes sous les yeux, témoignant de fatigue et peut-être d'insomnies. Des épaules légèrement voûtées, probablement à cause de la tristesse qui devait l'accabler.
Il était touché par sa situation. Il ne pouvait imaginer ce que cela faisait de perdre son époux tant qu'il ne l'avait pas vécu. Surtout si tragiquement... Si bien que le prince décida de faire passer le côté humain bien avant le professionnel.
-J'ai appris pour votre époux. Je suis sincèrement désolé.
Il s'arrêta un instant, le temps pour elle de considérer ses paroles. Il se pinça les lèvres un instant, prit une grand inspiration.
-Vous savez, ma commande peut attendre. Au vu des circonstances, je souhaite que vous puissiez vivre votre deuil comme vous l'entendez.

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En entrant dans la pièce, Leandry avait aperçu le chat, posé sur le bord de la baie vitré, qui le fixait. Le prince amenait avec lui de nouvelles odeurs, une nouvelle présence, qui devait sans doute grandement le perturber. En se perdant dans son mutisme félin, il battait pourtant une mesure régulière et rapide avec sa queue, sans le perdre de ses iris fendues. Leandry rompit le contact avec le maître des lieux pour s'intéresser à son interlocutrice. Elle s'était assise sur le siège derrière son bureau et le Thoron l'imita sur la place de l'autre côté.
Elle le remercia, tout simplement. Valeriane avait toujours été très humble. Elle ne se laissait pas aller aux fioritures et allait droit au but, sans broncher, ou presque. Elle expliqua que la commande était prête et que là était son souhait, de poursuivre son travail. Il pouvait comprendre. Garder son esprit occupé par le travail était une bonne solution pour repousser toutes les pensées négatives. Mais n'était-ce pas là pour le pire ? Ne revenaient-elles pas, bien plus violentes, la nuit lorsqu'elle retrouvait sa solitude ? La place vide à ses côtés dans ce grand lit, là où quelques temps plus tôt, elle aurait trouvé son mari.

Elle précisa qu'elle avait donné congé à ses employés ce jour-là. Seul demeurait Arnaud, le domestique que Leandry avait déjà croisé plusieurs fois, qui venait justement leur amener de quoi se ravitailler. L'accueil était toujours bon chez les Tisserêve, chaque discussion était accompagnée d'une boisson et de petits plaisirs sucrés. Valeriane lui demanda ce qu'il souhaitait et pour le prince, le choix était déjà tout fait.
-Je prends volontiers un verre de vin, lui répondit-il.
Les pâtisseries qui avaient été glissé sous son nez lui faisaient de l'oeil. Pendant qu'elle remplissait son verre, il attrapa l'une des petites préparations couronnée d'une framboise et l'enfourna dans sa bouche. Quand il eut tout avalé, il lui confia:
-Merci Valeriane. C'est toujours un plaisir de vous rendre visite.
Un sourire amical naquit sur ses lèvres.
-A vrai dire, je me doutais bien que ma commande serait préparée dans les plus brefs délais.
Les Tisserêve étaient toujours très professionnels et ne se trompaient que rarement. Ils étaient de très bons collaborateurs, ils avaient en eux toute la confiance du prince et par conséquent, celle de toute la cour. Leandry reprit son sérieux, se trouvant une mine plutôt inquiète.
-Comment vous portez-vous ces dernières semaines ?

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Suite à la réponse du prince, Valeriane prit la bouteille dans ses mains et servit un verre de vin à son client. Là était bien le péché-mignon de Leandry. Les bons vins, il en faisait son affaire. Il suffisait de lui en verser quelques gouttes pour le rendre heureux. Les Tisserêve devaient le savoir, avec le nombre de fois qu'il s'était déjà rendu dans leur demeure pour des affaires. Elle esquissa même une légère révérence lorsqu'il la complimenta sur l'accueil dans sa famille, ce qui le fit sourire. Valeriane n'était pas une dame de la cour, mais elle en avait pris toutes les bonnes habitudes, à force de fréquenter ces gens de la haute société. Elle faisait des efforts. Leandry le notait et appréciait. Il était devenu adepte malgré lui de ces petite habitudes, de ces bienséances, ce qui ne l'empêchait pas pour autant de fuir le palais sous une fausse identité le temps d'un court séjour afin de se fondre dans le peuple et d'en retrouver l'essence même. La vraie vie. Même s'il n'avait jamais eu à trimer pour survivre, s'il n'avait jamais dû réellement travailler pour nourrir sa famille, il avait le sentiment de se sentir plus simple, lorsqu'il disparaissait derrière le masque de Ramsay pour simplement vivre facilement. Sans mariage forcé, sans alliance, sans pression.

Valeriane ne mentit pas lorsqu'il lui demanda comment elle se portait. Elle avoua que c'était compliqué pour elle. Leandry hocha la tête, compréhensif, tandis qu'il portait le verre à ses lèvres pour en goûter la saveur. Il n'avait certes, pas la même particularité des vins du palais, mais il en valait tout autant le détour. Il appréciait l'odeur de fruits rouges qui en émanait et la douceur sous son palet. Ca ira mieux avec le temps, disait-elle. Alors Leandry reposa le verre sur la table. Avec le temps, tout finissait par passer, non ? L'être humain reposait bien souvent tous ses espoirs sur lui, en espérant qu'il l'aidera à guérir... Mais le prince n'était plus certain de ses bienfaits. Le temps pouvait s'avérer comme un fidèle allié mais aussi comme le plus pire des ennemis.
-Je vous le souhaite de tout coeur, déclara-t-il, sincère.
Elle ne tarda pas à amorcer une nouvelle discussion, amenant celle-ci vers les différents ragots de la cour, se demandant si tout allait bien. Leandry sourit malgré lui. S'adossant correctement contre le dossier de sa chaise, il croisa l'une de ses jambes sur la seconde.
-Ho vous savez, toujours la même rengaine.
Il roula ses perles bleutés au plafond, aboutissant leur parade sur la fenêtre où était toujours installé le chat, qui regardait à l'extérieur cette fois-là. Il poussa un soupire. La brise caressait doucement les arbres du jardin et s'engouffrait dans le bureau, chatouillant les voiles blancs qui encadraient les vitres. Le printemps était arrivé à Calendyr en même temps que la sublime nouvelle de son frère qui décidait de le marier.
-Sa Majesté a décidé de me marier. Même en temps qu'aîné, je n'ai pas mon mot à dire sur la décision du roi.
Il se pencha sur le bureau où il reprit son vin entre ses mains pour en boire une lampée. Sentant venir la félicitation habituelle, il coupa Valeriane d'un geste de la main avant même qu'elle n'eusse prononcé un seul mot.
-Ne me félicitez pas, s'il vous plaît. Je ne le fais pas de bonté de coeur.
Il le ferait pour le devoir, si les fiançailles venaient à se confirmer définitivement. Il le ferait pour assurer une descendance à sa famille à qui il tenait tant. Il le ferait parce qu'il avait trente-six ans, était célibataire sans mariage précédent et sans enfant. Il le ferait parce qu'il s'agissait de son devoir de prince. Même si, au fond, il maudissait cette idée. Elle signerait la fin de beaucoup de choses.

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Valeriane ne réagit pas comme Leandry s'y était attendu. Le prince avait l'habitude de la cour: il avait l'habitude qu'on le félicite, qu'on lui souhaite bonheur, santé et fertilité dans l'union à venir, qu'on le congratule d'une poignée de main ou d'une accolade. Il avait l'habitude de voir briller les yeux des femmes qui s'imaginaient un mariage radieux et la fierté des hommes de voir enfin leur prince marié à une femme. Il s'était attendu qu'il en soit de même pour Valeriane. Mais pas du tout. Elle faisait une moue renfrognée. Cette idée semblait lui plaire tout autant qu'à l'homme concerné.
Elle avoua qu'elle n'aimait pas ces mariages arrangés. Il percevait, le prince, que la simple idée qui lui effleurait l'esprit la révoltait. Dans son élan insurgé, elle se servit un verre de vin qu'elle vida d'une traite.
-Si vous saviez comme ça fait du bien d'entendre cela, avoua-t-il à demi-mot.
Il termina le fond de son verre en mouvant ses lèvres à droite, à gauche, pensif. Il avait enfin le sentiment d'être entendu par quelqu'un. A part sa Satine, qui ne pouvait rien changer à leur malheur que de le pleurer, personne ne le comprenait. Personne n'avait l'air de saisir l'ampleur de ces fiançailles. Se marier par obligation, fonder une famille sans amour... Leandry avait peut-être une vision utopique de la vie, mais il avait espéré, un jour, pouvoir vivre comme il l'entendait. Sans qu'on ne lui dicte qui épouser et imposer la mère de ses enfants.

Alors, elle demanda s'il ne pouvait pas y faire quelque chose. C'était bien vrai, il était prince après tout, non ? La seconde personne la plus influente du royaume. Ou peut-être détrôné à la troisième place en raison de cette reine vipère.
-Je ne peux qu'essayer de le convaincre, encore et encore. Tant que cette femme n'aura pas la bague au doigt, je continuerai de m'insurger.
Il haussa les épaules. C'était peine perdue. Il le savait déjà.
-Mais mon frère est tenace.
Puis, cherchant à se diriger vers une discussion plus légère et moins engagée, le prince fit:
-Au moins, je sais qu'avec votre collaboration, je ne pourrais rêver de plus belles tenues pour toutes ces commodités à venir.
Voilà plusieurs années que le prince s'habillait avec les tissus des Tisserêve et il n'avait jamais été déçu. Qu'il s'agisse du matériel ou de la collaboration avec les entrepreneurs, il n'avait jamais eu aucun détail à soulever. Il prit le pot de vin et se servit un nouveau verre. Ce millésime avait un agréable petit goût de reviens-y.

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Valeriane conseilla au prince de se montrer encore plus déterminé que son frère. Aussitôt, une lueur de défi naquit dans son regard. Elle avait raison. C'était la seule manière de lui tenir tête. De ne pas plier sous le poids du devoir, sous le poids de l'obligation. Il devrait se battre Leandry, se battre pour ce qu'il aime. Pour celle qu'il aime, réellement. Celle qu'il aime, dans l'ombre, dans le secret, à l'abri des regards, caché du monde entier. Pourtant, il ne rêvait que de ça... De s'exhiber face au peuple à son bras. Lui passer la bague à elle, pas à une noble qu'il épouserait pas obligation, parce qu'on lui avait forcé la main. Il se battrait pour elle et pour son honneur. Il n'en démordrait pas. Sois plus tenace encore, cette phrase insignifiante qu'il continuera de se répéter dans sa mémoire lorsqu'il serait sur le point de flancher.

Le compliment du prince ravit la marchande. Un sourire se dessina sur ses lèvres jusqu'aux oreilles. A ses propres, elle se leva et disparut quelques instants derrière une porte, laissant son client seul en tête à tête avec le maître des lieux. Le chat n'avait pas bougé de son bord de fenêtre et sûrement ne bougerait-il pas avant que Leandry ne soit parti. Il voulait montrer qu'il était le roi de cette demeure à l'étranger. Il sentait dans les pupilles fines de l'animal un air hautain. Décidément, Leandry n'avait aucune appréciation pour ces petits diables poilus. Pourtant, les lions qu'il aimait tant étaient de proches cousins... Mais il n'en avait jamais vu de ses propres yeux pour comparer les deux espèces.
Alors Valeriane revint avec plusieurs sacs bien remplis. Elle en ouvrit un et vida son contenu sur le bureau, invitant le prince à découvrir sa commande.  A l'instant, il se sentit tel un enfant le jour de son anniversaire. Des étoiles dans les yeux, il était toujours épaté de voir un tel travail réalisé avec perfection dans un temps record. Ses doigts parcoururent les tissus. Du satin au lin, du rouge au vert, ils étaient tous fabuleux. Il prit le premier de la pile entre ses mains, le souleva pour mieux l'admirer. Vert, parsemé d'arabesques et de floraisons tirant vers des reflets de jade plus foncé, il y avait des petits détails scintillants de couleur or.
Il reposa le tissus sur la table, dévoilant son visage, conquis.
-Merci Valeriane. Ils sont superbes. Vous honorez une fois de plus votre renommée.
Le prince continuait de regarder le travail accompli, tout en demandant;
-Combien vous dois-je pour tout cela ?

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Le temps de plusieurs longues secondes, le prince ne pouvait détacher son regard des tissus qu'il avait sous les doigts. Enfant, c'était de jouets et d'épées en bois qu'il raffolait. Adulte, il avait appris à aimer d'autres. A s'intéresser. Il aimait tout particulièrement connaître étroitement les marchands de l'empire, peu importait le domaine. Il s'emplissait ainsi d'une nouvelle culture, d'un nouveau savoir faire. Le prince aimait découvrir, s'émerveiller, s'intéresser tout simplement. C'était ainsi qu'il avait appris à connaître les Tisserêve, à force de visite, de commande, ils avaient tissé un lien de confiance entre eux.

D'ailleurs, Valeriane était heureuse d'entendre tant de belles paroles s'échapper des lèvres du prince, béat. Ses joues s'étaient légèrement réchauffées, toute en discrétion. Si la jeune femme avait un côté plutôt calme et discrète, elle était aussi une femme de caractère, pleine de principe, qui n'avait aucune peine à s'affirmer. Il s'en rendait gentiment compte, confirmé par la discussion au sujet des mariages arrangés.
L'annonce du prix ne faisait pas peur à Leandry. Il ne se trimballait seulement pas avec une telle somme sur lui. Sa tête était connue et reconnue à la capitale, si certains voleurs avaient connaissance que le prince se baladait dans les rues de la capitale les poches pleines d'or, ils n'hésiteraient pas un instant à le détrousser.
-Bien volontiers, confirma-t-il à la suggestion de la brune.
Puis, elle évoqua ses plans futurs. De confection de tissus, Valeriane songeait sincèrement à faire de l'entreprise de couture. Si elle en parlait aussi ouvertement à son client, c'était qu'il devait être bien ancré dans son esprit et facilement réalisable. Pour autant que la demande suive. Mais elle suivrait. Les Tisserêve étaient doués et plein de ressources.
-Enfin, bien sûr ! lança-t-il pour éloigner d'elle le moindre doute. La Cour raffole de vos tissus. En confectionner des vêtements serait pour vous une consécration.
Un sourire s'inscrivit sur les lèvres du prince. Il se réjouissait déjà de porter les vêtements de Tisserêve, confectionnés de A à Z par la famille. Ils promettaient d'être majestueux.
-Je n'ai aucune peine à assurer que vous allez rouler sur l'or si vous entamez de telles démarches

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Valeriane parut réceptive quant à l'avis du prince sur ses futurs engagements. Leur entreprise de tissus leur offrait déjà énormément de bénéfices, de quoi s'offrir de beaux retours sur investissements. Il n'était pas très bon d'enrichir les caisses sans dépenser. Un accident était vite arrivé... Qu'il s'agisse d'un vol, d'un incendie, la perte de tout cet argent pouvait parvenir plus rapidement qu'on ne le pense. Acheter tout de suite de nouvelles choses était bien plus pratique et sage afin de conserver sa richesse.
Alors, elle avoua même au prince qu'elle avait déjà sa première pièce préparée. Il ne lui en fallut pas d'avantage pour attiser sa curiosité.
-Croyez-vous que je peux y jeter un oeil ? suggéra-t-il le regard entendu.
Il termina même son verre de vin d'une traite et resta debout face au bureau, comme il l'était depuis qu'elle avait amené les tissus de sa commande. Il ne voulait pas la forcer, loin de là, mais l'envie était particulièrement présente.
-Enfin, je ne veux surtout pas vous forcer la main.
D'ailleurs, pour calmer ses ardeurs, il reprit place correctement sur son siège. C'était bien vrai, il avait très envie de voir son oeuvre, mais Valeriane aurait mille et une raison de refuser. Et il ne souhaitait absolument pas qu'elle accepte simplement parce qu'il était le prince. Leandry n'aimait pas spécialement être considéré comme quelqu'un d'important. Dans ce genre d'instant, il aimait discuter librement, d'humain à humain. Non pas de marchand à prince. Cela le plaçait sur un piédestal qu'il n'appréciait pas particulièrement. Il n'avait pas refusé son rang de roi pour rien. Leandry préférait vivre proche du peuple, quitte à oublier parfois certaines manières, par pure bienséance.