« Je ne vous parlerai pas de vengeance, de guerre, de lutte et de sang.Je ne vous parlerai pas non plus d'injustice et de droit. Je ne vous parlerai même pas de ces gens qui font rimer ordre et terreur, lois et mensonges, morale et déchéance. Je veux vous parler de cette lumière qui brille en chacun de nous. Cette petite lumière qui fait de chacun de nous un être humain. Parce que cette lumière est en train de s'éteindre. »
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▬ LES PARCHEMINS : 40 ▬ L'AME : C. ▬ LE REGARD : Anya Taylor-Joy ▬ LE TEMPS : 22 ans ▬ LE SANG : Thoron ▬ LE DESTIN : Servante muette, oiseau espion ▬ LES ROSES : 3460
“Ne craignez rien, elle est sourde. - Ah ! Voilà qui est bien utile.”
Paule l'entend trop souvent, cette rengaine - ou pas encore assez au goût de certains. Peut-être devrait-on aussi la croire aveugle, pour conquérir le monde ; ou, plus facilement, se rendre invisible. Si un maléfice le permettait, elle s'y donnerait sans doute, moins par application à la tâche que pour combler son appétit insatiable. Les secrets deviennent aussi obsédants que la mort, quand on se prête au jeu ; l'attente avant de dénicher ces trésors peut être avilissante. Complétant ses qualités d'espionne par une ambition absente de s'enrichir de chantages, l'enfant cultive ses découvertes pour le plaisir du jeu. Loin d'être inconsciente, pourtant : la perspective d'en mourir est ce qui rend la chose intéressante.
Eobel Harnon, dont elle change le pot depuis bientôt deux mois, a l'extrême amabilité de fort sous-estimer ses petites gens. Depuis le temps qu'elle est là, la servante ne se souvient pas l'avoir vu s'adresser à elle, sinon pour pointer l'une ou l'autre tâche avec une sincère condescendance. Il se réjouit de son infortune confortable avec une apathie indécente mais la laisse ainsi vaquer partout parce qu'il la croit débile, dans sa petite caboche où tous les diminués se confondent. Un homme aussi prometteur aurait mérité de nourrir des secrets plus appétissants. Pour l'heure, l'affaire est ingénieuse mais bien inoffensive. Quelques esclaves mal nourris au service de ses terres lui permettent de garder les aides de l'état qui leur sont dus pour sa famille. Rien que ne pratique sans doute plus de la moitié des familles nobles de la cour. Pourtant, ce soir-là, la sourde idiote l'entend parler de terres et son ventre crépite. Laissée dans son bureau le jour suivant, puisqu'elle n'a pas de raison de savoir lire, elle trouve les documents échangés au secret des bougies avec une facilité ridicule. Une rapide oeillade lui fait enfin la promesse de ne pas être pendue pour inutilité flagrante.
Les terres en question, raconte son rapport, ont été déclarées inexploitables depuis des lustres. Depuis quelques temps et pour des sommes apparemment astronomiques, elles abritent une forge. Les armes qui en sortent portent le sceau d'Heledir. Les papiers que Paule essaime dans des draps royaux et des tavernes de retraite ont en somme, parfois, tout d'un vrai meurtre.
***
Dans la chaleur étouffante de l'été, des filles exhibent leurs guibolles aux poissons d'une crypte, leurs rires emportés par les gouttes de cristal dont elles s'éclaboussent. Paule les voit par les lucarnes de son trajet indigne, les ailes de passages étalant les splendeurs plus officielles de l'empire réservées à des yeux plus nobles que les siens. Devant elle, deux gardes imposants font teinter en rythme leurs armures chatoyantes, sur laquelle Paule cherche sans succès quelque rayure de rixe. Perplexe, elle les suit pourtant avec la docilité de l'homme mort s'il ne s'exécute. Reconnaissant bientôt le chemin de service qui mène aux royaux appartements, elle écrase sur ses lèvres une moue sceptique. Bon ou mauvais, elle redoutait cet échange depuis le départ de sa maîtresse terrible et n'en nourrissait qu'une franche inquiétude. Le protocole rentré tardivement dans son petit crâne à coups de bâton sied mal à des échanges personnels en compagnie des grands de ce monde. L'illusion passe, d'ordinaire, puisqu'on ne lui prête jamais la moindre attention. Mais dans le secret de leur exaction commune, ce grand là, le plus Grand de tous, ne pourra que vouloir lui parler seule. Hors, aberrante et naturellement gênante, l'enfant n'est pas ce qu'on pourrait appeler une compagnie charmante. Et elle a repoussé jusqu'au bout, la question de savoir quoi lui montrer, doutant que les splendeurs risibles de son monde intéressent les yeux si exigeants d'un Roi.
La petite porte voilée pour laisser passer les servants sans déranger la divine promenade d'un monarque, est scellés derrière elle par les deux gardes patibulaires. La grande porte demeure close et elle ne doute pas qu'il saura la faire attendre. Etouffant un soupir, Paule s'y avance d'un pas de souris, seule au milieu de cette chambre immense. Pour le ménage ou pour entendre son exécution proche, elle n'a pas de façon d'apprécier cet endroit. Les meubles sont trop grands, le bois trop boisé, les dorures trop dorées, les peintures trop peinturlurées ; si elle s'en sentait le droit elle ne saurait toujours pas où s'y asseoir. Paule préférerait alors pour dormir, mille tavernes suintant de sueur et de pisse à ce mouroir grandiose. La magnificence des murs ne semble y autoriser personne à la moindre faiblesse et c'est à son sens l'antithèse de ce que devrait être une chambre. C'est épuisant : sans même compter un Roi auprès qui se fendre de discussion sans être dotée de parole.
@made by ice and fire.
◭ Römhen Thoron
roi des Thorons« throw me to the wolves and i'll return leading the pack »
▬ L'ENVOL : l'incompris, l'erroné, le roi moqué. ▬ LES PARCHEMINS : 124 ▬ L'AME : elladora tonks. ▬ LE REGARD : jonathan rhys-meyers. ▬ LE TEMPS : 30 hivers à calendyr. ▬ L'ETOILE : décadent, exalté, dansant. ▬ LE SANG : les thorons. ▬ LE FEU : marié à une serpentine. ▬ LE DESTIN : roi des thorons. ▬ LES ROSES : 3948
Il faisait une chaleur détonante. Entre le soleil qui filtrait par les vitraux ancestraux et les murs de pierre qui gardaient le chaud dans le coeur du palais, c'était un Römhen peu vêtu qui arpentait les couloirs vides du palais. Vides parce que les nobles, la famille et le personnel Thoron avaient pris la décision de profiter du beau-temps pour courir après les enfants dans les jardins qui eux-mêmes se roulaient dans les fontaines. Ils avaient l'innocence d'un début de vie sans soucis et Römhen les observait derrière une vitre, l'air abattu. Depuis ses années de mariage, Elenna ne lui avait offert aucun héritier, aucune descendance, que ça soit mâle ou femelle pour rejoindre ces gamins qui semblaient si heureux de vivre. La main qui frottait son front pour essuyer la transpiration, il se dirigea vers la salle d'eau pour se purger l'épiderme d'une eau froide mais divinement satisfaisante. Cette journée allait être longue et désastreuse, il le sentait jusqu'au bout de ses ongles.
Le soir arrivait et s'éternisait. L'air ambiant chaleureux avait laissé place à la discrète sonorité des rires gras de nobles qui se sustentaient pendant le repas du soir. Cette migraine qui prenait le crâne de Römhen ne semblait pas vouloir disparaître et il choisit de s'éclipser plutôt que d'assumer des conversations futiles et sans grand intérêt. Il s'excusa auprès de sa femme en déposant un baiser éphémère sur sa tempe et se dirigea vers ses appartements, se massant le front pour tenter de faire fuir ces douleurs incessantes. Un coup de chaud, sûrement. Ou alors un épuisement général. Il se moquait de tout ce qui l'entourait, tout ce qu'il voulait, c'était se retrouver dans le noir, sans un bruit.
Quand il passa le pas de ces portes en bois, une silhouette furtive vint traverser son oeil. Si sa garde l'a laissé entrer, c'était qu'elle n'était pas une menace. Plait-il ? Puis ses yeux s'acclimatèrent à la noirceur de sa pièce de nuit pour reconnaître l'enfant muette au pas silencieux. Paule. Comme un salut inaudible. Les mots étaient vains avec elle, elle ne les avait jamais apprivoisé et dans l'absolu, c'était un remerciement insoupçonné qu'il lui faisait. Le silence allait être le maître de ces prochaines minutes pour apaiser ses tensions cervicales. Prends de l'eau. Et il lui servit un verre pour lui poser sur la table. La sauvageonne aurait le loisir de se servir, seulement si elle le désirait. Il finit par enlever son manteau, sans grande pudeur. Il était le roi, avait le choix de faire ce que bon lui semblait et rapidement, derrière un paravent où il se retrouvait nu sans qu'elle ne puisse être témoin de son derrière, il enfilait un pantalon de toile, laissant le reste de son corps sans tissu. Tard mais toujours aussi chaud. Tu as quelque chose pour moi ? demanda-t-il en jetant un oeil à ses bras cachés derrière elle.
Ce soir, il serait seul. Il faisait monter l'information à l'un de ses gardes de prévenir sa femme ainsi que Satine qu'il ne souhaitait être dérangé sous aucun prétexte et la lumière de la lune pour seconde compagnie de la soirée saurait dédramatiser la migraine qui ne cessait de tambouriner sous ses os crâniens. Il invita Paule d'un coup de tête à s'installer sur le siège en face de lui et posa son propre postérieur sur le tissu léger d'un coussin, devinant la silhouette menue de l'oiseau personnel des Thorons.
▬ LES PARCHEMINS : 40 ▬ L'AME : C. ▬ LE REGARD : Anya Taylor-Joy ▬ LE TEMPS : 22 ans ▬ LE SANG : Thoron ▬ LE DESTIN : Servante muette, oiseau espion ▬ LES ROSES : 3460
Impérieux, et fatigué. Tout les grands crocodiles ont l'air impérieux et fatigué. Comme si les merveilles à leur portée - or, mets, vins, bijoux et femmes présentés dans des grandes coupes où il n'y a qu'à plonger la bouche - avaient un prix bien trop lourd à payer. La tendance a des allures masochistes, après quelques années : quand la lassitude transforme les délices en cendres et ne reste que leur tribu pour s'en flageller. Un oeil observateur peut voir frémir les épaules des rois sous le poids des couronnes et dans ces occasions, ces Grands font à Paule l'effet de suppliciés au ventre du temple. Elle l'ignore ce qui les pousse à ne pas fuir à toutes jambes vers la liberté : si le devoir les retient, si les consolations dissuadent.
Sens de l'abnégation ou folle angoisse du rien, les deux arguments enchaînent ces géants reptiles sur leur île de toute puissance.
Ce soir, le plus géant de tous ne fait pas exception. Des générations entières de moins sur son corps fringuant, il a pourtant dans le regard autant de décennies que sa mentor - et la dérision absente pour soulager son effort. Sitôt qu'il a franchi les portes, le Roi avale tout entier l'espace de la chambre ; mais Paule se retiendra de penser qu'il a l'air éreinté. Le murmure à peine échappé de ses lèvres a la portée d'une sentence divine mais le prénom est soupir d'une gorge enserrée. Il rend les meubles moins gros mais quelque chose d'autre l'écrase, une force invisible qui donne leur sens à ses colossaux effets : pourquoi remarquer le bois du lit quand d'autres choses bien plus puissantes sans cesse nous tiraillent.
Ça ne sent pas bon.
Paule se tient immobile depuis des heures, l'un de ses talents, elle en a oublié qu'elle avait soif. La caresse fraîche de l'onde sur ses lippes le lui rappelle ; l'enfant lape le liquide sans contenance pendant que de son côté un roi se déshabille sans pudeur. Elle évite de marteler trop fort le verre vide sur la table, rudesse péremptoire de la piraterie remplacée par la délicatesse des jolis endroits. La chaleur qui règne donne à l'obscurité semée d'argent une langueur moite. L'enfant envie la nudité du Roi dès qu'elle le voit sortir, si elle était en mer il y a bien loin qu'elle aurait libéré ses guibolles. L'oeil glisse sur la silhouette puissante et elle doit se retenir d'en oublier les convenances. Ce protocole qui lui est assez peu naturel et sa constitution indigne qui menace quand elle voit les gens se comporter comme des barbares. Sans offense, vos seigneuries, de toute façon elle préfère les barbares. Soulagée de s’asseoir à la place qu'il lui désigne - c'était donc ce fauteuil-là - la question fatidique jette un froid sur ses ruades aux chaleurs assassines.
Ca ne sent pas bon mais rien à voir avec la canicule, les fruits qui fermentent et les poissons qui cannent.
Porteuse de mauvaises nouvelles depuis bien assez longtemps, Paule sait reconnaître ceux qui ne sont pas prêts à les recevoir. La fatigue du Roi, elle l'a déjà sentie chez sa Maîtresse et bien souvent eu l'impression de ne faire qu'y ajouter. Si Marellis Gul'ffardin est trop vieille pour se fatiguer à se mettre en colère, Römhen Thoron est connu pour l'urgence de ses humeurs. Laissés seuls pour la nuit sur ordre absolu, elle se dit qu'il aura le temps de l'étrangler tranquille. Le véritable coupable est trop loin pour apaiser son ire ; assassiner le messager est, avec tout le reste, le plein droit de la monarchie. Pourtant sa main n'hésite pas à tendre la chemise qui renferme les documents honnis. Paule ne rechigne que quand elle a le choix, un luxe inconnu en présence des rois. Que pourrait-elle faire, s'en aller et partir ?
Jusqu'ici, Eobel Harnon s'est vu gratifier de rapports incriminant mais bien inoffensif, qui ne justifiaient en rien de déranger un monarque. Quelques griffes adressées à des intermédiaires pour ne pas se donner l'air inutile. Ce soir, délivrées en personne, une succession de lettres recopiées de mémoire l'incriminent pour trahison à la couronne - ce qui est un peu moins inoffensif. La demande de la forge sur les terres en friche, d'abord, puis les avancées de la construction ; les premières armes sortie du four, quelques promesses de rétribution. Et le trajet, enfin, qu'elles ont emprunté avec précaution, jusque sur le territoire d'Heledir.
Paule en attend les conséquences comme regarde arriver les tempêtes. Impuissante et minuscule face aux intempéries. Inerte sur son assise, elle en singerait presque le camouflage immobile des petits rongeurs. A la lueur d'une bougie pour contrer la nuit noire plus efficacement que la lune, elle contemple le visage d'un dieu constatant le monde qui fourmille contre lui. Les ambitions de Marellis de la voir reprendre l'affaire seront sans doute scellées par ce seul instant, dans la torture-attente. Promue ou morte cette nuit.
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◭ Römhen Thoron
roi des Thorons« throw me to the wolves and i'll return leading the pack »
▬ L'ENVOL : l'incompris, l'erroné, le roi moqué. ▬ LES PARCHEMINS : 124 ▬ L'AME : elladora tonks. ▬ LE REGARD : jonathan rhys-meyers. ▬ LE TEMPS : 30 hivers à calendyr. ▬ L'ETOILE : décadent, exalté, dansant. ▬ LE SANG : les thorons. ▬ LE FEU : marié à une serpentine. ▬ LE DESTIN : roi des thorons. ▬ LES ROSES : 3948
D'aussi loin qu'il s'en souvienne, son premier ennemi portait les couleurs rouges carmins d'un Thoron. Ironique même quand on savait que celui qui possédait la moitié de son sang et qui n'était autre que son frère Leandry. Au fur et à mesure du temps, les tensions n'avaient fait que s'accroitre entre l'aîné et son benjamin. Entre la sagesse de l'un, l'impulsivité de l'autre, les caractéristiques qui divergeaient d'un homme à maman, et d'un homme à papa. Il y avait beaucoup d'investissement dans l'expansion du royaume de Thoron à travers tout Elenath et les façons d'arriver à leur but étaient bien contradictoires. Si l'un était un frontale, l'autre était un stratège plus adouci. Et il était devenu son ennemi numéro un jusqu'à réussir à voler son poste par forfait.
Puis vint la haine menée par Heledir, bien plus perverse et plus sournoise qu'une querelle entre frères. C'était un sentiment avec lequel il vivait au quotidien, qui faisait partie de lui et qui le rongeait jour et nuit que Dieu fasse. Parce qu'au-delà de cette peste noire qui gangrenait chaque pensée de Römhen, il y avait celle de son propre peuple qui pensait de lui qu'il était un imposteur. Un usurpateur incapable et bien plus minable que tous les souverains alentours. Certains s'étaient promis allégeance à d'autres par soucis de possession des terres, d'autres par soucis d'une potentielle défaite lors d'une guerre et au grand dam de Römhen, il se faisait de plus en plus d'ennemis.
Paule semblait terrorisé. Pire même, elle était tétanisée et Römhen n'avait pas connaissance des raisons. Puis quand elle vend à tendre les parchemins reliaient par ficelles solides. Il levait les yeux vers elle, puis revint vers les documents, puis à nouveau vers elle. Qu'étaient-ce ces informations qui semblaient si importantes qu'elle s'était laissé glissé dans ses appartements ? Tu as faim ? Et il entreprenait l'action d'ouvrir les documents. Petit à petit, il lisait des courriers, des attestations et des contrats prouvant la déloyauté d'Eobel Harnon. Le poing de Römhen venait froisser le papier à mesure que sa colère était en train de bouillir, de gronder dans son estomac et venir tourner bien trop fort. Il relevait les yeux vers Paule, du sang dans les iris et de l'écume au bord des lèvres. Chaque pensée qui lui traversait l'esprit n'avait pas de bienveillance ou de bonté. Sa colère s'investissait dans sa gorge au point d'entendre un râle gronder dans sa gorge. Je t'ai demandé si tu avais faim. Il rejetait son pouvoir venin sur elle, en dépit de l'acte de pure loyauté qu'elle venait d'offrir, les papiers sur le sol quand il s'était rendu compte de la folie meurtrière dans laquelle il souhaitait se livrer. Mais il sentait une présence si bleue de peur en face de lui qu'il sut malgré tout retrouver de son humanité pour ne pas lâcher prise. Pas totalement.
Il finit par se redresser en récupérant les feuilles sur le plancher pour venir les poser sur sa commode, le regarde vers Paule. Sans jamais la lâcher. Tu as fais du bon travail, Paule. C'était le cas, il tenait à le soulever. Si tu as sommeil, tu peux dormir ici. Son canapé n'avait pas le confort de son lit mais il aurait au moins la décence d'être au moins ce qu'elle n'avait jamais connu. Marellis a fait un boulot incroyable. Et il lui donna quelques pièces d'or, suffisamment pour lui tenir la panse pendant plusieurs semaines.
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Et voilà. Voilà. La proposition se fait menace, quand ce qu'il lit ne lui plaît pas. Parce qu'elle ne répond pas. Hochement de tête mort dans son silence, à ses yeux qui ne la regardent pas. Paule réitère quand il insiste, fou furieux, mirettes de moineaux plongées dans les iris ensanglantées, dansantes à la lueur des flammes. Qui peut avoir faim par une pareille chaleur - mais elle aurait peut-être dû accepter. Juste pour être sûre.
Elle se demande, la fillette, si elle a connu pis scénario que celui-ci. De pires hommes, grand dieu, elle en a vu par centaines. Mais ces hommes-là n'avaient que la force, le vice et l'acier quand le Roi d'en face a le pouvoir des dieux. Un mot de sa bouche et elle ira rencontrer la potence, c'est ce qui retient Paule de bouger un muscle. Face à ses monstres ordinaires, elle aurait sorti la dague, résignée sans frayeur à transpercer les chairs - exaltée peut-être même, par ce sang qui lui manque un peu. Près de ce monstre-ci, les armes sont subtiles et la môme craint d'en être démunie. Pas de jolis mots d'une voix d'hirondelle pour apaiser son ire. Il est au bord de s'impatienter qu'elle ne lui dise rien, elle le sait. Elle s'y attendait. Les rois font des caprices à l'impossible lui-même.
Et pourtant, elle consent d'un mouvement de front délicat à se trouver un coin de pièce pour dormir. Rester toute une nuit dans la chambre d'un roi, c'est une aubaine qui ne se refuse guère - et encore d'avantage la compagnie d'un être plein de rage. Elle préfère les émotifs, Paule, exaltants et plein d'histoires même horribles dans le crâne. Elle n'a certes pas envie de mourir mais ne connaît pas de meilleure activité que les heures en compagnie de ses monstres. Et puis, elle aime apprendre à la dure.
Rien de tel que se jeter dans la gueule d'un reptile pour en jauger les crocs.
Elle tend la menotte pour recevoir le tribu, signe par automatisme un merci sur son cœur, oubliant qu'il ne saura pas le lire - peut-être mieux le sourire menu lui étirant les lippes. Pièces avalées dans la poche abdominale de sa tenue de servante, Paule reçoit les compliments d'un menton baissé. Elle attend l'accalmie, le signe qui lui permettra d'approcher la gueule du crocodile. En un sens, elle est désolée pour lui. La solitude d'un monarque est un fardeau qu'elle ne désirerait pour rien au monde. Son monde à elle est simple, les guibolles dans l'air, les yeux dans les étoiles, la main dans les tripes. La vie dans les ombres a cela de merveilleux qu'elle ne s'encombre pas de réelle conséquence. Mourir est un exercice à la portée de tous.
Le regard risqué sur la silhouette crispée du monarque, Paule ose à relever le nez vers le visage qui la surplombe, quand les muscles dénudés se calment. Il est là, debout ; elle est là, assise. Métaphore évidente et un peu grossière du pouvoir qu'exerce l'un sur l'autre. Elle ignore pourquoi cette nuit gracieusement offerte, n'a pas grand chose de plus à lui offrir que ce qui lui a tant déplu. Elle n'est pas de bonne compagnie. Ses pensées ne sont pas gentilles. Ses promesses ne contiennent pas grand chose sinon la mort elle-même.
Alors, plus dangereux qu'un regard, sa main gauche extrait de ses jupes sa dague vieillie. Seconde en suspens à constater la fatale insolence de son geste, Paule l'assume pourtant en lui tendant le manche. Les doigts impudents de l'enfant s'enroulent autour de ceux d'un monarque, elle lui ferme la main sur l'arme terrible. La gorge à portée de pointe et le regard sans fuite. Symbole de vie et de mort que détient l'homme enragé sur ceux qui l'offensent. Pourquoi s'énerver, interrogent les prunelles de l'oiseau noir au reptile dressé au dessus - quand il suffit d'aller apporter la mort.
Car Paule le réalise, maintenant qu'elle barbote dans l'enclos du crocodile : elle n'est pas Marellis. Les arguments qui ont amené la terrible et robuste dame à cette place ne seront jamais les siens. Elle n'est pas grande, elle n'est pas noble et manque cruellement d'éloquence. Elle est le messager qui condamne et la main qui encourage les porteurs de mort. L'ombre insignifiante capable d'atrocités trop grandes pour son petit corps. Quoique Römhen Thoron ait pu faire ou même imaginer dans ses songes les plus noirs, elle s'est déjà rendue coupable de pire.
Alors ne vous énervez pas, votre Majesté. Il mourra de toute façon. Promesse de dague.
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◭ Römhen Thoron
roi des Thorons« throw me to the wolves and i'll return leading the pack »
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Quelques pensées fugaces traversaient son esprit à mesure que les minutes s’égrainaient. Est-ce que le choix qu'il faisait à offrir entre les mains d'une gamine nouvellement arrivés sa confiance était une solution efficace contre la trahison dont il faisait preuve nuit et jour par ses comparses ? L'enfant avait été élevé et enseigné par les capacités de Marellis et si la vieille dame lui offrait entre les mains sa vie, c'était qu'elle le valait. Ce n'était pas Paule trahirait son ancienne amie et partisante Thoron. Elle avait le flair, cette femme, et il lui laissait le champ libre concernant ses oisillons pour venir fouiner dans les appartements du roi. Il n'était pas prévu qu'il passe la soirée en si silencieuse compagnie mais étrangement, elle n'était pas si imposante. Un coin de canapé et il pourrait dormir sur ses deux oreilles le reste de la nuit. Il voyait bien qu'elle avait soif et que la faim tiraillait ses entrailles, en appelant son garde, il ordonna qu'une assiette du repas du soir soit servi dans sa chambre d'ici une petite dizaine de minute.
Il y avait une certaine affection orpheline qui marquait les gestes de Römhen. Elle méritait un peu de répit, une once de source claire et limpide pour fermer l'oeil. Elle paraissait si menue, si sauvage. Un vieux conte d'enfant racontait l'histoire d'une petite fille grandissant parmi les loups, perdue entre les Montagnes Lunaires de l'empire Thoron et qui se nourrissait de la chair cru des proies que lui ramenait ses frères et soeurs. Paule lui faisait l'effet d'une enfant loup qui n'aurait de divergence que sa capacité à se taire. Elle s'approchait de lui d'un pas si peu bruyant qu'il eut cette sensation que le vent chuchotait à ses oreilles. Sa main se glissait contre elle, sous ses jupes salis par le temps et une position défensive s'empara des jambes et des bras du roi qui reculait légèrement afin de parer à une attaque. Une dague d'une finesse imprudente pour une gamine de sa carrure trônait entre ses doigts et... elle finit par la tendre à Römhen comme d'un geste d'honneur et de paix. Il n'y aurait plus de regard en chien de faïence et de craintes les uns envers les autres.
La nuque qui craque, les coups contre la porte annonçaient alors l'arrivée du repas de Paule. Le souverain fit entrer le roi directement dans la chambre et le fumée que dégageait l'assiette aurait pu donner envie au plus rassasié des gloutons. Römhen vint la mettre prêt de l'enfant avec des couverts et il recula légèrement, lui laissant l'espace nécessaire pour faire ce qu'elle avait à faire. Il était intrigué par cette poupée de chiffon et choisit le temps d'un instant de s'asseoir sur le rebord de son lit immense, les jambes qui pendaient dans le vide pour l'observer, la petite épée de Paule qui trônait sur le coussin de Römhen. Il soupirait légèrement en la voyant faire. Élevé dans ces murs, elle aurait pu devenir une vraie dame de cour aux yeux brillants de pierre de lune. Prends ton temps souffla-t-il rapidement sans ne dire plus ample mot. Elle lui apprenait que le silence avait bien plus de vertu que les grands discours. Römhen saurait prendre le temps d'apprécier les moments de calme et il remerciera la gamine pour ça. Ces documents étaient d'une urgence capitale mais il ne pouvait réveiller le Cercle maintenant. Ils attendraient le lendemain. Quand le moment sera venu... pourras-tu te charger de lui ? Cet enfoiré de traître qui osait s'imager allié mais réellement ennemi. Il y aurait des choses à faire. Des discrétions à avoir. Des actions à entreprendre sans que le peuple soit au courant... sauf Paule. Elle ne bossait pas spécialement pour lui mais elle pourrait devenir ses oreilles, l'invisible aura qui traverse les contrées Thoron à la recherche d'individus malveillants.
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Servie par un Roi, Paule se demande s'il n'y a pas maldonne à le voir ainsi poser mets fumant et nectar sous son petit nez. Même si elle n'est pas là pour jouer la mascarade de la servante, elle ne s'attend pas non plus à être servie comme une reine. A vrai dire, elle ne s'attend à rien de ce qui se passe depuis quelques minutes. Elle pensait avoir affaire à un dieu aveugle aux réalités des insectes à ses pieds, la décence dont il fait preuve rend cette scène indécente. Interdite quand il approche l'assiette, Paule ne peut que signer ses inlassables merci, d'un doigt sur le coeur, dont il ne connaît pas le sens. Un autre homme, elle l'aurait soupçonné de vouloir la sauter mais un Roi ça n'a pas besoin de servir pour se servir - elle doute que ça fasse partie de ses arguments habituels. Tout comme elle imagine assez mal qu'il fasse dîner toutes ses servantes. Stupéfaite et profondément méfiante, Paule imagine un test, quelques secondes avant de se rendre compte de l'absurdité de l'hypothèse.
Alors elle sourit, malhabile, trop monstrueuse et mal dressée pour être très à l'aise dans cet exercice de gentillesses. Se laisse happer par l'odeur de fruits et de viande, malgré la chaleur étouffante. La main caleuse se devine un peu plus à droite, dans la prise stable mais bancroche qu’elle accroche à sa fourchette. Ce que Roi ordonne, servante mange.
La conversation ceci-dit reprend une forme avec laquelle elle est plus coutumière. La bouchée indécente qu'elle a fini par se laisser tenter de prendre - une habitude de réserve - est déglutie péniblement ; on ne parle pas la bouche pleine. Paule contient à peine le sourire réjoui qui lui menace les lippes quand elle acquiesce sincèrement, couteau déchiquetant la viande avec emphase pour symboliser cette future promesse. Un meurtre et un dîner, que demande le peuple à sa Souverainté.
Rassasiée après quelques bouchées, petit corps soumis à une inertie travailleuse après l'énergie exaltée des diètes maritimes, Paule repousse l'assiette en direction de sa Majesté pour ne pas laisser ce repas gâché en solitaire. Elle se rend compte, le geste se faisant, que tendre ses restes à un monarque a quelque chose d'injuriant, au delà du raisonnable. Cet être a le don de remettre en question les barrières, limites obscures qui ne lui sont déjà pas bien naturelles. Paule tire à nouveau le plat vers elle dans un tintement cristallin de vaisselle noble, empêtrée d'incertitudes et de précipitation. Les yeux bruns fuient l'instant sur la fenêtre, avidité certaine pour les secrets de la nuit argentée.
En contrebas, les plus royaux des jardins royaux, de ceux que les petites gens n'ont pas le droit de traverser même en songes. L'entêtement de la noblesse à façonner les beautés sauvages de dame nature en jolis parterres de fleurs. Peut-être est-ce précisément ce qu'elle est entrain de se faire subir. Nourrie et arrosée pour museler sa violence, docilement assise sur son précieux siège. Elle a la sensation de lui mentir, à ce Roi déférent, par son silence. Un uniforme sage autour d'une carcasse nécrosée par la violence.
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◭ Römhen Thoron
roi des Thorons« throw me to the wolves and i'll return leading the pack »
▬ L'ENVOL : l'incompris, l'erroné, le roi moqué. ▬ LES PARCHEMINS : 124 ▬ L'AME : elladora tonks. ▬ LE REGARD : jonathan rhys-meyers. ▬ LE TEMPS : 30 hivers à calendyr. ▬ L'ETOILE : décadent, exalté, dansant. ▬ LE SANG : les thorons. ▬ LE FEU : marié à une serpentine. ▬ LE DESTIN : roi des thorons. ▬ LES ROSES : 3948
Il n'était pas tard dans la nuit, peut-être à peine le moment où la lune était le plus haut et le temps ne filait pas si rapidement qu'il l'aurait cru. Römhen laissait alors la place à toutes les minutes de s'écouler pour profiter de la quiétude d'une compagnie improbable mais humainement reposante. Il allait vers la fenêtre pour y laisser pénétrer de l'air qui claquerait les dents des endormis quand ils rejoindraient Morphée mais en l'instant, le roi se plaisait dans la fraîcheur printanière qui s'éclatait contre son torse et crée des frissons partout sur sa peau. Il était en train de glisser un index contre son bras opposé quand il décida de rejoindre Paule à sa table de fortune pour se nourrir. Il s'installa de manière confortable, sans prêter grande attention aux convenances dont un roi aurait du se parer, une jambe relevée sur l'assise quand l'autre tombait sous la table nonchalamment.
Il regardait les moindres détails qui ornaient le visage de l'enfant sauvage, de la lame de sa mâchoire qui mastiquait la nourriture jusqu'au bruit que sa gorge faisait quand la nourriture descendait dans son ventre. Il était drôle de voir qu'elle se laissait aller à des familiarités nutritives en présence d'un souverain, comme si elle en craignait pas un courroux royal. Puis l'assiette à moitié dévorée apparut sous son nez, l'odeur venant piquer sa curiosité du repas qu'il avait ingurgité quelques heures plus tôt. Après avoir hochait de la tête pour un pacte du diable, voilà qu'elle lui proposait de se nourrir. Par souci de convenance ? Ses lèvres se déformèrent en un sourire en coin qui fut si sincère qu'il atteignit ses yeux. Et au moment même elle retirait l'assiette de son odeur alléchée, Römhen attrapa le plat en verre fermement, comme pour bloquer le recul que Paule mettait dans son geste. Il secouait la tête légèrement dans un non invisible pour qu'elle lâche prise. Qu'elle ne soit pas offusquée de sa familiarité, il était loin de l'être, lui. Römhen prit alors la même fourchette que la petite faucheuse et piqua directement dans l'assiette, sans la lâcher du regard. Elle était d'une innocence qui couvrait les atrocités dont elle était capable d'accomplir. C'était une distorsion sociale qui convenait au tempérament dissident du haut monarque.
Römhen finit l'assiette puisque c'était induit, un cinquante-cinquante des partages nutritifs. Il laissa alors le plat sur le sol pour nourrir les services des femmes de nuit qui viendraient débarrasser sa majesté. Puis un autre regard vers Paule. Avait-elle besoin d'une douche ? Il semblait que sa peau était graisseuse, pas forcément l'odeur mauvaise mais l'eau chaude serait sûrement une exutoire. Le croyait-il. Il se dirigea vers la porte en bas bien trop basse pour lui et la poussa légèrement. La vapeur qui s'en dégageait gifla Römhen dans un choc thermique entre sa peau glacée et la buée. Il donnait un coup de tête dans la pièce, comme proposition pour savoir si elle souhaitait y pénétrer. Allait-elle refuser ? Pensait-elle qu'il abuserait d'elle ? Serait-elle honorée ? Outrée ? Il y entrait lui aussi, comme pour prouver que la menace sous-jacente n'en était pas une, mais un vrai choix.
▬ LES PARCHEMINS : 40 ▬ L'AME : C. ▬ LE REGARD : Anya Taylor-Joy ▬ LE TEMPS : 22 ans ▬ LE SANG : Thoron ▬ LE DESTIN : Servante muette, oiseau espion ▬ LES ROSES : 3460
Le souverain sourit. Le souverain retient l'assiette et se nourrit dans une viande déjà entamée. Et surtout, le souverain ne pipe pas mot. Qu'ils en soient conscients ou non, qu'ils connaissent le secret d'état de son audition ou pas, les gens ont tendance à meubler le silence en présence de Paule. Les êtres supportent très mal le poids taiseux de sa présence. Les gestes s'amplifient, les bouches se tordent en singeries, ils se rendent l'air idiot à la penser idiote. C'est un trait de caractère explicite, que d'être capable de s'adapter si bien au silence, sans même se rendre compte que les mots s'appauvrissent dans l'échange. C'est surtout, tristement, assez contraire au portrait qu'on lui dépeignit du monarque pour la préparer. Paule entendit parler d'un Roi impatient avant de le rencontrer, peu capable de supporter la contrariété, exigeant de ses interlocuteurs une certaine adaptation à sa propre volonté. C'est d'ailleurs l'homme dont elle a fait la connaissance il y a quelques instants : qu'elle n'aurait pas été surprise de le voir la tabasser pour passer ses humeurs. Que sa Majesté point ne s'offense, Paule connaît seulement trop bien les pulsions des Hommes, surtout ceux qui ont une queue entre les jambes.
La noirceur des âmes ne la surprend plus vraiment ; plutôt les lueurs qui habitent certaines d'entre elles. Elle est bien sûre que ceux qui ont égorgé sa famille, lui sont passés sur le corps et l'ont vendue presque morte devaient avoir des êtres chers avec qui partager pitance, des affections privilégiées pour exulter un peu de douceur. Jamais elle ne souhaite que sa méfiance ne s'endorme, pas même devant cent preuves de coeur tendre. Paule fréquente les monstres pour ne pas se laisser surprendre.
Surprise, elle l'est pourtant, un peu plus à chaque minute qui passe. Cet être-là la touche d'une certaine manière, avec ses sourires et ses manières absentes au milieu de sa chambre immense. Elle continue de penser qu'un mobilier aussi terrible n'est pas une compagnie saine pour un être doté d'empathie. Römhen Thoron n'est peut-être pas un monstre aujourd'hui mais le temps se chargera sans doute de le façonner comme tel. L'enfant a entrevu la violence des émotions qui traversent le roi et doute qu'un tel affect le laisse traverser l'existence indemne. Elle ne désire jouer ni les grandes causes ni les animaux de compagnie ; mais se surprend à avoir envie de combler un peu la solitude que cet être porte en écharpe et qui pèse comme une enclume entre les murs d'une chambre tristement grandiose. Il y a quelque chose de merveilleux dans le spectacle : d'un homme qui fait semblant d'être roi, ou d'un roi qui fait semblant d'être homme.
Mais l'homme-roi se relève, va ouvrir la porte à un nuage de vapeur, obligé de se tordre pour en dévoiler l'entrée. A sentir les embruns parfumés, Paule se dit qu'il va pour se rafraîchir ; comprend d'un geste du menton qu'il l'invite plutôt à le faire. Elle le contemple, interdite, quelques secondes. Hors de ce château, Elle a passé des années à s'encrasser pour moduler le risque d'une mauvaise rencontre. Enjointe au service à une certaine tenue, Paule n'en demeure pas moins minimaliste. L'hypothèse d'un viol fut émise dès qu'elle a pénétré dans la chambre, sans y trouver grand chose à faire, mais ça la retient moins que ces odeurs inhabituelles de bois et de fleurs.
Elle se lève, pourtant, curieuse et peu encline à reculer devant les expériences. Arrivée aux portes de la salle d'eau, dont elle devine les grosses pierres et les vasques par dessus l'épaule d'un monarque, la perspective d'un tel luxe lui caresse le museau avec une force étonnante. La pudeur arrachée par ses années en mer, elle laisse tomber ses vêtements sans la moindre hésitation et prend, nue, le soin de replier proprement le tissu pour le poser au sol. Les cicatrices des batailles cisaillent sa peau blanche, dans son dos s'acharnent encore quelques traces d'une nuit de sévices. Semblant se moquer de les montrer comme de ses seins ou de son sexe, c'est d'un pas franc qu'elle accepte l'invitation et pénètre dans les odeurs entêtantes.
Dans la chaleur de la nuit, celle de la salle d'eau a pourtant la caresse revigorantes. Les yeux courant sur une bassine et les braises qui crépitent, elle jette une œillade interrogative au monarque avant d'oser tout à fait pénétrer dans l'ondée tentatrice. C'est sans doute inconvenant mais après tout, c'est un Roi qui mène le pas de cette danse indécente. Alors, sans scrupule.
@made by ice and fire.
◭ Römhen Thoron
roi des Thorons« throw me to the wolves and i'll return leading the pack »
▬ L'ENVOL : l'incompris, l'erroné, le roi moqué. ▬ LES PARCHEMINS : 124 ▬ L'AME : elladora tonks. ▬ LE REGARD : jonathan rhys-meyers. ▬ LE TEMPS : 30 hivers à calendyr. ▬ L'ETOILE : décadent, exalté, dansant. ▬ LE SANG : les thorons. ▬ LE FEU : marié à une serpentine. ▬ LE DESTIN : roi des thorons. ▬ LES ROSES : 3948
Il aurait pu n'être que ce que le peuple voit en lui et ne rien donner à qui que ce soit. Le propre d'un souverain était la solitude dans laquelle il se trouvait malgré l’innombrable monde qui l'entourait et parfois, il avait l'impression que ça serait bien plus facile d'abandonner son statut pour retrouver un semblant de paix. Mais il ne pouvait pas. C'était dans son sang. Il portait dans son âme les traits Thorons avec les responsabilités qui entouraient le pouvoir. Et il eut cette sensation qu'il avait besoin d'un peu d'aide sans oser la demander à qui que ce soit, les Dieux lui avaient mis Paule sur sa route. Et soudainement, comme si tout semblait naturel, il n'était plus seul. Il était partagé entre l'incompréhension d'une telle émotion et la méfiance qu'il aurait du éprouver mais qui ne voulait absolument pas laisser remonter à la surface. Tôt ou tard, il finirait sûrement par manger en pleine tête la réalité, mais pour l'instant, sous couverts de cette nuit légèrement indescriptible, il laisserait planer le doute de son esprit sain.
Qu'est ce qu'il dirait, Leandry s'il le voyait offrir sa gorge déployée à une enfant du désert, comme ça, sans vergogne ? Il le prendrait pour un fou, ne jurerait que par sa bêtise d'être inconscient, mais Paule, elle a ce quelque chose d'animal qui ramène Römhen à ses racines. Quelque chose de profondément humain qui transcende l'esprit d'un souverain pour le rendre plus agneau que le plus chétif des loups. Elle n'osait qu'à peine d'approcher. Et il savait ce qu'elle pensait. Qu'il était détenteur de puissance, possesseur des viriles attributs et qu'il prendre sa vertu sans même lui demander. Il était dans son droit, mais il ne l'exploiterait pas. Jamais. Pas une seule seconde. Elle finit par dévoiler des centimètres de peau et Römhen ne se gênait pas pour la regarder. Marquée et abusée par son passé, par une vie volage dans les différentes contrées d'Elenath, Paule avait du être secouée bien plus d'une fois. Par des hommes avides de sang, des femmes avides de jalousies, par des enfants qui la prenaient pour une enfant aussi. Le roi s'approcha lentement, à pas de loup, pour ne pas l'effrayer. Comme si de grands gestes feraient fuir l'animal dans sa forêt noire.
Puis les mains sur les hanches, il laissa tomber son pantalon de soie pour se retrouver en tenue d'Adam. Face à Ève. Il lui donnerait l'indication de la baignoire en fonte ancienne et elle le suivrait. En fait, son cerveau se vidait de toute normalité, et de toute conscience claire. Il n'avait qu'une envie, c'était de prolonger cette non-solitude quotidienne. Il y glissait ses pieds en regardant Paule y faire de même et il s'assit, laissant ses jambes se glisser complètement pour les étaler. Il avait de la place. Paule était replié, comme une boule tout au fond. La peur peut-être de trop proximité tactile ? De ses doigts cornés, Römhen attrapa la cheville de Paule pour qu'elle s'étale elle aussi complètement, mêlant leurs jambes intimement. Lâche prise qu'il soufflait. Peut-être même trop imperceptiblement, l'avait-elle entendu ? Sûrement que oui, la pièce résonnait et sa voix adorait rebondir sur les murs. Et il laissait tomber sa tête en arrière, les yeux fermés, ses mains qui coulaient dans l'eau et qui entraient en contact avec les jambes de son invité aquatique.