Ses cheveux jouissent des courants d'air frais qui peu à peu défont la parfaite raideur de son chignon. Elrawyn et ses rayons sont haut dans le ciel lorsque Satine achève sa balade printanière au milieu des roses pourpres et des fougères. La cour du château est un havre de paix, où il fleure bon des mets délicats qui parfument agréablement les narines de la douce et jolie fille. Elle redevient enfantine, dans ce bac à sable géant où ses pas la mènent inlassablement. Sans doute est-ce que ces terres fertiles et divines lui rappellent à la manière d'une madeleine proustienne ses premiers pas en cette contrée insensée.
Elle s'apprête à rentrer dans le château, la douce et belle Satine, lorsqu'elle est alpaguée par Horiane. Elle sait, déjà, qui la demande, nul besoin d'en dire davantage, pourtant, le son de la voix envahit l'air, fait tomber le couperet dans l'atmosphère. Le roi vous demande. Satine lui répond d'un sourire et d'un hochement de tête, avant de rapidement regagner ses appartements.
Elle sait, la petite perle, qu'il ne fait pas bon faire attendre un roi impatient, doublé d'un gamin impertinent. Mais elle a pris conscience, au fil du temps, que chaque minute fait grandir le désir, croître la passion, et enflammer les pulsions. Il suffit de jongler avec le tic tac du temps pour ne pas voir les braises s'obscurcir. Et elle sait bien jouer, la petite perle, si bien qu'elle a appris à contourner les règles communément admises pour se rendre irremplaçable ; seul moyen de traverser les âges dans cette cour des miracles impatiente et lassée.
Elle refait la raideur de son chignon, glisse ses doigts agiles et lestes dans chaque mèche de cheveux pour la replacer correctement. Le roi ne tardera vraisemblablement pas à défaire son oeuvre, mais elle tient à ce que le portrait que lui renvoie le miroir soit le plus parfait possible. L'air frais a fait si bien circuler le sang dans ses veines qu'elle arbore un teint rosé des plus agréables, et la petite fraise est tôt prête à être cueillie. Pourtant, elle attend. Elle fait traîner, laisse le souverain languissant sur son lit damné. Elle s'admire, se regarde, replace ci et là quelques mèches rebelles, ajuste la tunique qu'elle arbore pour l'occasion, suffisamment couvrante pour sembler respectable, mais bien trop frêle au toucher pour ne pas être un déshabillé. Ça aussi, elle le sait. Ne pas trop en dévoiler ne fait qu'attiser les imaginations exacerbées ; faire grandir en son sein le monstre du désir qui rêve et idéalise ce qu'il se cache sous ce veston.
Ses pas sont lourds, mais envoûtants. Presque mécaniques par leur régularité. Elle s'adonne à la tâche, silencieusement, subtilement. Si elle y trouve quelques plaisirs, au bout du compte, y aller n'est jamais une gaieté de cœur. Toujours ce pincement au fond d'elle, ce Leandry qui agite le fanion de la culpabilité en son âme troublée.
Elle ouvre doucement la porte de la chambre, après y avoir toqué timidement quelques fois. Le spectacle qui l'y attend n'est pas pour lui déplaire, finalement ; et elle doit en son for intérieur faire un gros effort pour le nier. ▬ Mon roi, voilà que vous commencez à vous amuser sans moi ?! Comme une teinte de reproche au fond de sa voix, l'amusement qui se dessine sur ses lèvres, forme sourire.

Il est là, lascif, sensuel, étendu sur le lit, les doigts s'affairant en des contrées lubriques qui l'appellent d'un désir soudain. Comment faire attendre les brusqueries de la passion, les fourberies de l'envie, lorsqu'elle se pressent entre les reins, dans le bas ventre, dans le creux du dos et dans la nuque raidie par le besoin pressant de soulager les émanations de sensualité. Satine parvient à le comprendre sans grande difficulté, tant elle s'adonne souvent, aussi, au plaisir solitaire, lorsque par des nuits sombres, elle songe aux doux bras de Leandry posés sur elle, rassurants, rassérénant, et que ses yeux énamourés se perdent dans son décolleté, sur son derrière séduisant et lascif. Lorsqu'elle songe, parfois aussi, il lui faut l'avouer malgré la boule que ce sentiment fait naître en son cœur abîmé, au souverain, à son torse béni des dieux et façonné dans l'argile, à ses bras musclés qui se saisissent d'elle pour mieux la faire jouir, la pénétrant de son membre torride qui se brusque soudainement à son approche. Car elle se noie entre deux feux, la petite perle, elle tombe en déchéance devant la complexité des affres du désir qui la perdent dans des lits si opposés et pourtant si proches, si semblables et si désirables dans un même temps. Il n'est rien de plus étrange que de partager la couche de deux frères rois, et de se noyer dans le plaisir de leurs différences.

Bonsoir, ma Reine, la salue-t-il. Et elle sent d'emblée au petit sourire qu'il lui voue que les désirs masculins seront ce soir bien différents. Qu'il se perde dans un jeu de rôle lubrique ou qu'il tente de violer sa protégée, le roi n'a guère de limite quant aux rôles qu'il peut se donner. Elle ne s'étonne guère de le voir disparaître, puis revenir, une couronne entre les mains. Cela néanmoins fait naître un joli sourire sur son visage d'ange, un joyau constellé de sensualité qu'elle adresse aux prunelles désirables du roi mal-aimé. La musique se met à vrombir dans ses tympans, c'est donc un amusement de tous les sens que lui propose le roi ce soir.
Nouveau sourire, nouveau joyau. Plus beau que ceux qui trônent sur la couronne factice que lui tend le souverain, indéniablement.
▬ Je ne peux refuser un tel honneur à mon humble sujet. dit-elle de sa voix enchanteresse en saisissant le bras tendu par le roi.  
Les voilà élancés dans une valse endiablée, dans laquelle indéniablement Satine mène la danse, prenant la chose très au sérieux. Une souveraine se doit d'adopter une posture noble et hautaine, ce qu'elle fait avec le sérieux d'une reine. Ses yeux se plongent dans ceux de son humble serviteur avec prestance et supériorité bien avisée. ▬ Quelle erreur que ce pas. Faut-il que j'aille danser avec un autre, ou saurais-tu mieux t'appliquer ? Le tutoiement de la souveraine l'étonne, la surprend, mais lui est venu naturel. Ces paroles se perlent d'un ton sensuel, et hautain à la fois, et force est de constater comme elle manie bien les secrets et les mystères du jeu de rôle pervers, celui qui donne au roi le pouvoir de se défaire de ses obligations mortifères. Car il lui semble, à la petite perle, qu'il doit parfois porter la misère du monde sur ses épaules qui, bien que merveilleusement dessinées, ne peuvent endosser de telles responsabilités.

La danse se poursuit au rythme des musiciens qui jouent dehors aux premiers rayons de lune, en l'honneur du soir qui tombe. Sa poitrine se heurte lascivement au torse du souverain, ses mains caressent doucement son dos, sa nuque, se perdant parfois dans la souplesse de ses cheveux, et son regard ne le quitte guère. Ce regard dans lequel naît tout le désir qui en elle flamboie. ▬ Il est des qualités que tu as, c'est de rattraper tes erreurs. Cette fin de danse était de toute beauté. Elle laisse un silence évocateur, avant de poursuivre sur la même tonalité. ▬ Il est surtout des désirs chez ta reine qui excèdent le royaume de la danse. Son regard se pavane derrière le filtre de la passion, alors qu'elle laisse glisser doucement ses doigts contre son serviteur.

Il est des désirs que l'on cache, honteusement, sous le mystère de nuits solitaires. A l'inverse, il est des fantasmes qui méritent d'être avoués, à demi-mot, dans le silence et les jouissances d'une communion duelle. Et Romhen sait que Satine est un bon public, tant elle se montre systématiquement réceptive aux souhaits de son roi, tant elle est aliénée par le non-choix de sa position, et tant, à la fois, elle trouve également du plaisir en partageant les souhaits lascifs et sensuels de son amant.
Jamais elle n'en oublie son statut de souverain, pour autant. Mais il s'avère qu'elle voit parfois en lui davantage un alter ego des désirs, des penchants ; tant elle se livre à la perversion à ses côtés, et tant elle y trouve plus de plaisir qu'elle n'oserait l'avouer. Oh, la belle dualité en ce cœur abîmé.

Il laisse balader ses doigts sur son corps serré contre le sien, et elle frissonne d'une envie retardée par les plaisirs du jeu. Comme l'attente peut parfois enflammer des pulsions naissantes. Comme elle extase les braises d'un désir palpable dans l'atmosphère de cette chambre royale, dans laquelle volettent les airs d'une chanson entraînante, support de leur danse corps contre corps.
Voilà qu'il lui fait la révérence, jette sur elle des regards oh combien lubriques, caresse de ses doigts baladeurs son corps de souveraine. Il est difficile à Satine de le tutoyer, tant l'habitude n'est pas de son côté, mais elle se prend au jeu peu à peu, et son visage se ferme, se dore de la glace d'une reine. Il semble qu'il y prend du plaisir, le beau Römhen, qui se livre à un massage délicat de ses pieds fatigués par la danse à laquelle ils se sont livrés, présage d'une toute autre forme de chorégraphie, cabrioles et enjambées.

▬ Je te remercie. Sa voix se pare d'une aura chaleureuse, mais son regard se durcit. Si Elenna l'a toujours effrayée, elle s'amuse désormais à la plagier, parodiant ses iris sombres et son port de tête souverain et supérieur. Son petit sourire énigmatique parfait sa posture, et illumine sa stature.
A-t-elle seulement conscience, la douce enfant, de l'effet dévastateur qu'elle provoque en cet homme qui lui fait face ? Sait-elle, peut-être, comme elle réchauffe d'un regard l'entre-jambe de son subalterne, soumis à ses pieds, à ses désirs et à son bon-vouloir ; esclave d'une nuit, sous l’œil confident de la lune ? D'aucun vous dirait qu'elle le sait, et prend plaisir à en jouer. D'autres sauraient lire en elle plus aisément, et comprendre ce mystère paradoxale d'une séductrice alerte aux accents d'enfant innocent. La vérité se situe sans le moindre doute quelque part entre ces deux hypothèses, si tant est que la vérité se trouve.
▬ Des réunions interminables et des décisions à prendre. L'on dit qu'un grand pouvoir exige de grandes responsabilités. Elle joue, encore, de sa voix chaleureuse ; mime un geste de la main, fatiguée, lasse, sa main qu'elle entraîne dans ses cheveux, d'apparence nonchalamment, mais étrangement lascive et sensuelle, les particules de parfum enivrant l'air. ▬ Gouverner serait plus facile s'il ne fallait pas sans cesse faire avec les incompétents. Un clin d'oeil discret qu'elle lui livre, tant elle sait que ses paroles auraient pu sortir de sa bouche, à Römhen, qui souffre sans doute de la solitude qui est la sienne dans ce complexe exercice du pouvoir. ▬ Heureusement que tu es là pour masser mes pieds endoloris. Mais cesse, désormais. Viens donc t'occuper de mon dos. Elle le relève d'un doigt sur son menton, s'allonge, érotique au possible, cambrée, sur le ventre dans le lit du roi qu'elle domine désormais du poids de son divin corps. Elle retourne son visage vers lui, le regarde en arrière, de ses yeux qui brûlent de désir. ▬ Installe-toi sur mes fesses, tu y seras plus confortable.