Lost in this world

Quoi de mieux qu’une capitale pour attirer les foules et ramasser un peu d’argent, c’était l’occasion rêvée pour la troupe qui avait fait un arrêt dans la ville de Calendyr et qui en profitait également pour faire une petite visite. Theodas avait eu l’espoir d’y retrouver sa cadette néanmoins il avait rapidement appris que celle-ci s’en était déjà allée et que, encore une fois, ils étaient arrivés trop tard. C’en était presque désespérant cependant le jeune homme n’abandonnait pas et continuait de récolter les moindres informations qu’on lui donnait ; de plus, il avait de la chance d’être épaulé donc il savait, qu’un jour ou l’autre, il reverrait Ilya… Il lui suffisait de ne pas se précipiter puis d’être patient.

Accompagné de l’un de ses camarades – les autres étant partis vaqués à d’autres activités – ils étaient partis ensemble faire quelques courses, à la recherche de tissus et quelques ustensiles qu’ils auraient besoin pour d’autres spectacles. Sorin et lui étaient deux opposés, l’homme était beaucoup plus rayonnant, toujours le premier à raconter des blagues puis apporter sa bonne humeur autour de lui… Theodas, oui, c’était tout le contraire, bien plus discret, plus calme, plus fermé également. Disons qu’ils étaient un peu comme le jour et la nuit mais c’était en quelque sorte cette différence qui faisait la force de leur amitié. Laissant son ami partir acheter ce dont il avait besoin, le plus jeune était resté à l’extérieur et explorait les alentours du regard. Pour lui qui avait vécu toute son enfance au milieu des bois, même encore maintenant, c’était toujours un brin fascinant de se retrouver en ville. Toutefois, Calendyr était selon lui un lieu trop peuplé pour quelqu’un comme lui qui préférait le calme et la tranquillité ; le pourquoi, après être allé prévenir l’autre homme, Theodas avait cherché à s’éloigner quelque peu. Et c’était à cet instant précis qu’il l’avait vu…

Il n’aurait pu expliquer comment cependant cette femme avait attiré son attention et au lieu de poursuivre sa route, il l’avait observé, intrigué. Comparé à tous ces gens auprès d’elle, elle ne paraissait pas à l’aise, dire qu’elle était perdue serait même plus juste… Theodas avait bien remarqué comment tous la regardaient – certainement parce qu’elle ne savait pas où aller et que ça se voyait qu’elle n’était pas d’ici – la raison pour laquelle, au bout du compte, il avait choisi de s’en approcher. D’un naturel méfiant, il n’était pas de ceux qui abordaient les gens facilement s’il n’en avait aucune nécessité et pas vraiment sociable non plus, il préférait en règle général passer son chemin plutôt que d’essayer de faire la conversation avec quelqu’un qu’il ne connaissait pas. Pourtant, il n’avait pas longuement hésité avant de s’avancer vers cette femme afin de lui proposer, pourquoi pas, un peu d’aide. Ce n’était pas comme s’il la reverrait à l’avenir puis cela aurait été cruel de sa part de feinter l’ignorance alors que la belle inconnue ne savait clairement pas où elle se trouvait.

« Excusez-moi » L’avait-il donc accosté calmement une fois à sa hauteur « Vous m’avez l’air perdu, je peux peut-être vous aider ? » Non pas qu’il connaissait cet empire comme sa poche toutefois il avait déjà eu l’opportunité de s’y rendre plusieurs fois au cours des dernières années… Il ignorait s’il lui serait utile néanmoins c’était toujours mieux que de la laisser galérer toute seule dans ces rues où rien ni personne ne savait ce qu’il pouvait arriver.

Lost in this world

Theodas lui-même s’étonnait d’avoir fait cet effort d’accoster une personne qui avait l’air perdu et semblait se démarquer des habituels habitants de l’empire Thoron. Plus loin il se tenait des gens, mieux il se portait et moins il y avait de risque qu’on puisse le reconnaître… Peut-être que ceux qui avaient tenté d’éliminer sa famille à l’époque n’était plus de ce monde aujourd’hui, peut-être même l’avait-il oublié cependant il ne pouvait pas risquer sa vie sur des « peut-être ». Il ignorait encore tout de cette histoire et s’il avait été en mesure de récolter quelques informations sur le pourquoi on avait pu les attaquer, celles-ci n’étaient qu’infimes. Avec l’époque dans laquelle il vivait, Theodas ne pouvait malheureusement pas se permettre d’agir sur de simples « si » ; à moins d’être suicidaire et de vouloir mettre tout son entourage en danger, il valait mieux rester discret et méfiant. Le pourquoi il aurait été plus raisonnable de sa part de passer son chemin, de ne pas se montrer devant une femme qu’il ne connaissait guère cependant c’était à croire que cette dernière avait véritablement attiré son attention. Ses compagnons lui répétaient souvent d’essayer de s’ouvrir ne serait-ce qu’un peu plus et qu’en faisant ça, cela ne signifiait pas pour autant qu’il était obligé de donner sa confiance entière à un inconnu ; simplement qu’au moins de cette façon, il ne passerait pas à côté d’une potentielle belle rencontre… Le jeune homme ne savait pas s’ils avaient réellement raison ou non hors c’était vrai qu’apporter un coup de main à une demoiselle en détresse ne devrait normalement pas lui faire de mal. Quoi que cette femme puisse avoir comme secret, il ne risquait rien du moment qu’il ne parlait pas de lui et gardait une distance qui se voulait convenable.

S’il s’était montré poli et calme en l’abordant puis en lui proposant son aide, au contraire de son interlocutrice, Theodas ne souriait pas ; elle, elle resplendissait alors que lui devait faire plate figure à ses côtés et son expression qui restait quelque peu fermée. « Je ne suis qu’un voyageur mais je pense quand même pouvoir vous aider. » De cette façon, il lui faisait subtilement comprendre par la même occasion que lui non plus n’était pas de cette contrée… « Souhaitez-vous que je vous accompagne ? Cela serait probablement plus facile. » Lui, l’accompagner ? Sûrement qu’il allait pleuvoir aujourd’hui pour qu’il accepte de prendre de telles initiatives. Toutefois si cette demoiselle était perdue, il n’y avait rien qui disait qu’elle parviendrait à se retrouver avec ses indications – Calendyr était une grande ville après tout – et lui ne faisait pas forcément confiance au peuple pour la laisser tranquille. « Ce serait malheureux que vous vous perdiez à nouveau. » Il feinta enfin un très léger sourire sur ses propos, d’un ton calme sans chercher à ajouter ce zeste de taquinerie que ses mots reflétaient pourtant ; il ne fallait pas trop lui en demander non plus.

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Cette femme qu’il avait abordé, elle était le complet opposé de l’homme qu’il était ; elle était rayonnante, solaire, joyeuse et lui était calme, discret, beaucoup plus fermé. L’image que tous deux donnaient devait être incroyable et bien contraster. Theodas n’avait rien dit, se contentant de la fixer, alors que sa vis-à-vis paraissait se perdre dans une ballade qu’elle-même improvisait… Si d’autres à sa place auraient été déconcerté par ses propos, lui se retrouvait intrigué, un brin admiratif également. Parce qu’elle l’impressionnait à se montrer si ouverte, si sociable avec un inconnu qu’elle venait tout juste de rencontrer ; elle lui parlait avec tant de naturel qu’il ne pouvait s’empêcher de l’envier. Il était beaucoup trop méfiant du monde entier pour pouvoir se permettre un tel comportement et dieu seul savait ô combien il souhaiterait sortir de cette prison dans laquelle il était enchaîné. Peu importait à quel point il aimerait être lui-même et être libre, il ne le serait jamais entièrement puisque toute son histoire, tout son passé, l’en empêchait. Il ignorait qui était bon, qui était mauvais et s’il s’ouvrait trop facilement à quelqu’un s’en se méfier, sa naïveté pourrait lui coûter la vie. Voilà pourquoi voir cette demoiselle agir avec tant d’innocence l’impressionnait autant qu’il l’admirait… Ses paroles auraient pu le vexer, il aurait pu se braquer puis se montrer violent en utilisant ce sabre attaché à la ceinture de sa tenue ; elle n’avait vraisemblablement pas réfléchi aux conséquences en énonçant les vers qu’elle avait créé et cela aurait pu lui attirer de gros problèmes. Heureusement, elle était chanceuse puisque derrière ses airs froids, Theodas n’était pas forcément quelqu’un de méchant et surtout, il savait mieux que personne à quel point il n’était pas réellement un garçon agréable. L’attitude de son interlocutrice lui rappelait sa troupe, comment ces derniers improvisaient à longueur de journée et n’étaient pas en mesure de faire autrement que de raconter des sottises.

En silence tout d’abord, il l’avait contemplé tandis qu’elle riait, le déstabilisant sûrement bien plus que ce que le jeune homme exprimait. Puisque, encore une fois, il ne pouvait s’empêcher d’être surpris de voir une personne s’enjouait autant… C’était pareil avec sa troupe, il était toujours admiratif de les voir s’amuser de rien puis passer leur temps à sourire. Et oui, malgré toutes ces années passées à leur côté, Theodas avait du mal à s’y habituer mais pas dans le mauvais sens du terme. Pas du tout. Au contraire, ça réchauffait son cœur, ça le touchait et ça lui donnait envie de sourire aussi parfois. Quand il croisait des personnes comme cette inconnue, il voudrait pouvoir être comme elles, ne se soucier de rien puis rire simplement. Était-ce quelque chose qui s’apprenait ? Peut-être. Ses compagnons essayaient vainement de le lui enseigner, de lui apprendre à se relâcher cependant ce n’était apparemment pas aussi simple. « Ne vous inquiétez pas, j’ai l’habitude. » L’avait-il rassuré d’un ton toujours neutre. « Je suis moi-même accompagné par ce genre d’individus et vos vers ne sont rien comparés aux bêtises qu’ils peuvent raconter. » Probablement qu’il était difficile d’imaginer Theodas en compagnie d’une troupe de saltimbanques et pourtant c’était bel et bien le cas.

Pas du genre curieux, il ne s’était pas formalisé sur le peu d’informations que sa vis-à-vis avait donné sur elle ; il était le premier à rester évasif le concernant donc il ne s’arrêtait jamais sur ces détails. Un faible sourire avait alors orné ses lèvres, ses propos la taquinant malgré le manque d’intonation dans sa voix ; un sourire qui s’était estompé aussi rapidement qu’il était venu et qui ne réapparaîtrait sûrement pas de sitôt. « Avec plaisir. Et vous pouvez m’appeler Theodas. » C’était certain que cela serait beaucoup plus pratique de connaître le prénom de l’autre. « Je vous demande simplement de m’accorder un instant puis on pourra y aller. » Après lui avoir indiqué de l’attendre ici, il avait disparu dans la boutique où son ami se trouver afin de prévenir ce dernier qu’il se rendait vers la mer. Sorin avait acquiescé, non pas sans déclarer qu’il le rejoindrait une fois qu’il aurait fini toutes ses courses. « Voilà. Je suis tout à vous à présent. » Avait-il répliqué à peine de retour d’une voix qui contrastait toujours autant avec les paroles qu’il prononça hors il s’agissait d’un autre détail que Theodas n’avait pas l’air de se formaliser.

Lost in this world

Après s’être présenté, Theodas lui avait demandé gentiment de l’attendre puis avait disparu quelques minutes. Sur l’instant, il n’avait pas pensé que la jeune femme serait inquiète puis commencerait à s’imager divers scénarios ; il n’avait pas de mauvaises intentions donc non, l’idée qu’on puisse s’en méfier et croire qu’il reviendrait pour lui faire du mal ne lui avait pas traversé l’esprit. Et pourtant, il aurait certainement été le premier à la place d’Ombeline à douter du moindre détail. Néanmoins heureusement pour cette dernière, c’était seul que le jeune homme était revenu et il était plus que sincère dans sa proposition de l’accompagner afin qu’elle ne se perde pas. Ce n’était pas dans ses habitudes de prendre autant d’initiatives toutefois il fallait croire qu’il y avait un début à tout. Cette demoiselle ne lui avait pas paru méchante, et même s’il s’en méfiait malgré tout, cela aurait été cruel de sa part de la laisser se débrouiller puis prendre le risque qu’elle se fasse attaquer. Il n’était pas sociable, pas des plus agréables non plus cependant ça n’avait pas l’air de freiner la jeune femme et celle-ci n’effaçait pas un seul instant cette esquisse qui égayait son visage. C’était incroyable, perturbant aussi mais pas dérangeant pour autant… Bien au contraire. Leurs personnalités semblaient contrastaient l’une avec l’autre et si ses traits restaient fermés, ça n’enlevait pas le fait que ça le détendait un peu dans le fond. La glace qui entourait son cœur fondait tout doucement comme lorsqu’il était avec ses amis, que ces derniers s’amusaient puis ne cessaient jamais de faire des bêtises. Probablement qu’il était juste de dire que d’une certaine façon, Theodas était assez faible face aux sourires des autres, c’était ce qui l’apaisait et faisait son bonheur. Cela le touchait également.

Quand sa vis-à-vis avait repris ses propos, le garçon l’avait fixé avec un brin d’incompréhension. Non pas qu’il n’avait pas saisi ce qu’elle sous-entendait cependant il ne s’était pas attendu à recevoir une telle taquinerie donc ça l’avait pris de court. Ce qui l’avait sincèrement choqué toutefois, allant jusqu’à lui faire écarquiller les yeux, était ce bras qui s’était glissé sous le sien, le rapprochant bien plus de la jeune femme. Fut un temps où Theodas était bien plus ouvert, sociable et tactile hors cela faisait des années à présent qu’il avait installé des distances entre lui et monde, qu’il s’était plongé dans une solitude par méfiance mais pour se protéger aussi. Cependant s’il s’était clairement tendu face à ce geste, il ne s’était pas décalé pour autant ; mal à l’aise, oui, seulement il n’avait pas souhaité la brusquer non plus. « Hum. Allons-y. » Son ton neutre restait fidèle à lui-même bien qu’on pouvait sûrement discerner cette pointe d’embarras qui s’était dissimulé dans sa voix. Puis son regard s’était machinalement posé sur elle lorsqu’elle l’interrogea, vraisemblablement curieuse des personnes qui l’accompagnaient. « En quelque sorte, oui, mais pas que. » Dans sa troupe, il n’y avait pas que des bardes, il y avait un peu de tout et tous étaient aussi spéciaux les uns que les autres. « Ce sont des saltimbanques. Ils font plusieurs spectacles et de ce fait, on voyage beaucoup. » Il n’y avait aucun mal à parler de ce sujet là, ce n’était pas comme s’il lui donnait les informations personnelles de ses camarades ; au contraire, il leur faisait même un peu de publicité. « Ils sont particuliers, toujours les premiers à faire les pitres mais ils ne sont pas désagréables. » Pas du tout. Il leur en était même extrêmement reconnaissant et cela avait dû se ressentir dans sa voix qui s’était fait légèrement plus douce alors qu’ils parlaient d’eux. « Vous travaillez dans ce domaine également ? » Il essayait de se montrer poli, de surmonter la gêne puis de faire la conversation à son tour même si, réellement, c’était loin d’être son fort.