@Theodas Rosenwald Les rares moments passés loin du château se comptent sur les doigts de la main. Depuis deux ans, sa seule demeure est la chambre où elle loge la nuit, et la journée, elle la passe à préparer la Reine, la suivre, sillonner les grandes salles, écouter et attendre. Stoïque comme un mur, elle n'est qu'une ombre derrière les talons claquant de sa Majesté. Parfois, elle se transforme, elle devient une seule ombre, loin de l'imagination de sa reine, oubliant sa loyauté infini à la reine Gwelnaur. Parfois, elle se change, elle devient quelqu'un d'autre, pour ajouter un peu de piment et d’excitation dans sa vie. Et elle ne peut pas nier que cela, elle l'a trouvé grâce à son humble roi, lui offrant un nouveau rôle dans le monde Gwelnaur. Devenir une espionne avait été son apogée, son rêve ultime, la place d'élite qu'elle avait bataillé depuis son arrivée à Gwelnaur. La place perdue par sa tendre mère, Nemesis lui gardait toujours une profonde haine douce-amère. Comment la blâmer maintenant qu'elle connaissait à son tour le jeu de la politique, des faux cœurs, des amis inexistants ? Elle avait eu l'occasion de se rendre compte qu'elle n'était pas indispensable et que si le besoin se faisait sentir, la faire disparaître ne serait pas un problème. Tout comme mon père. La pensée s'imposait d'elle-même, mais elle restait incapable de s'imaginer ailleurs qu'à sa place actuelle. Elle avait bataillé trop longtemps, espéré trop de fois et maintenant qu'elle était aussi bien placée, elle ne comptait pas se laisser marcher sur les pieds.

Enfin, tout cela avait fini par lui peser si fort que sa Reine s'était rendue compte de son état déplorable. Par sa grande bonté, elle lui avait proposé de prendre une retraite rapide pour se ressourcer et malgré les premiers refus, Nemesis avait capitulé. Elle avait besoin de respirer un nouvel air, besoin de ne plus être aussi paranoïaque, d'arrêter de se retourner à chaque pas fait, craignant d'être suivie. Elle devait reprendre le contrôle de son esprit, sinon elle se condamnait.

Ainsi, Nemesis fini par se retrouver à parcourir son royaume, chose qu'elle n'avait plus fait depuis qu'elle avait fui la guilde du Verseau, presque quinze années plutôt. Elle a décidé de poser ses bagages de vacances dans la petite ville marchande de Dyrka dont elle garde un parfait souvenir durant son adolescence. Nemesis aime beaucoup l'ambiance de cette petite bourgade éloignée du centre du royaume. Rien à voir avec la capitale de Gwelnaur. Elle peut se promener dans les ruelles sans craindre à sa vie, profite du soleil qui semble protéger la petite ville de temps à autre mais beaucoup plus fréquemment que le reste du royaume. Elle a du mal à se faire même à la gentillesse des habitants, craignant une trahison de la part de n'importe qui.

Enfin, ce qu'elle espère le plus est arrivé en début d'après-midi. Elle a raté le passage de la guide du Verseau mais par chance, celle du Gémeaux a débarqué en ville. Nemesis ressent de vieux sentiments enfouis qui la ramène à son ancienne vie, à ce qu'elle aurait pu être si elle avait choisi un autre chemin, au parfum de sa mère, à l'amour de sa nourrice. Elle qui pensait avoir complètement oubliée toute cette partie de sa vie, se revoit transporté dans son propre passé, fébrile à l'idée que l'idée lui plaise, même un instant, un court instant

Alors, de loin, caché dans l'ombre d'une bâtisse, elle regarde les jongleurs, cracheurs de feu et autres divertissements émerveillés le regard des passants. Elle-même reste complètement scotchée face à leurs prouesses, aussi admirative que lorsqu'elle n'avait qu'une dizaine d'années.

Elle préfère s'éloigner quelques instants, presque trop triste pour apprécier le spectacle. Elle finie par rejoindre un coin plus calme de la vie, quelques troubadours sont là aussi. Elle les observe tous, repensant à leurs aventures, leurs histoires qu'ils aimaient tant lui raconter. Elle se faufile entre les tentes, personne ne la remarque. L'habitude.

Nemesis continue d'avancer mais s'arrête face à l'éclats de voix qui l'attire immédiatement. Elle observe le groupe un peu plus loin, intriguée. Un pauvre homme parmi quatre demoiselles, plus laides les unes que les autres, cherchant certainement un mari avant l'expiration de leur beauté. Elle soupire, les pauvres, elles ne se sont pas rendues compte qu'elles avaient déjà bien trop vieilli pour plaire au garçon qu'elles ont réussi à emprisonner. Evidemment que les hommes de la guilde attire, l'aventure, la passion, changer de lieu tous les jours, ça il vend du rêve pour ses filles qui n'ont rien connues que la misère et ramasser la boue par terre.

Elle voit bien qu'il est perdu, qu'il cherche à fuir, une issue de secours mais tous ses copains ont l'air occupés. Nemesis soupire. Elle ne peut pas le laisser tout seul dans cette situation le pauvre, il a l'air si perdu, elle est prise de compassion d'un coup. Foutue retraite.

Elle s'approche, ne réfléchie pas vraiment à ce qu'elle va dire. De toute manière, elle a la capacité de mentir sur mesure, même lorsqu'elle ne le veut pas, les mots sortent souvent tout seul et elle ment, elle ment si aisément.

Nemesis remonte ses manches, ressort quelques mèches de sa coiffure, histoire de paraître en colère. Le personnage en poche, elle fonce sur le pauvre garçon qui ne peut pas se défaire de la situation. " Alors tu étais là bougre d'âne ? Tu te cherchais encore une catin pour la nuit ? Comment oses-tu me faire ça ? Viens donc par là et vous, que je vous reprenne pas à essayer de me prendre mon mari !" Aussitôt, elle attrape le bras du troubadour et l'amène un peu plus loin. Elle remet une mèche de ses cheveux correctement et repositionne correctement ses manches. " Voilà vous êtes tranquille, quelle idée de traîner juste à coté de la maison close. Si vous vouliez pas faire comme vos frères, il fallait pas les suivre." Elle ne cherche pas à lui faire une remontrance et hausse les épaules. Après tout, ce n'est pas vraiment ses affaires.

 
@nemesis morrigan

A chaque fois qu’ils croisaient certains membres de la troupe du gémeau, Theodas était bien souvent celui qui allait automatiquement se placer en retrait. Il n’était pas bavard, il n’avait pas spécialement envie de discuter avec qui que ce soit et si ses camarades lui répétaient d’apprendre à s’intégrer, ce genre d’ambiance n’était décidément pas pour lui. Il aurait préféré rester seul dans la tente de sa propre troupe cependant il avait conscience que ce n’était pas respectueux, ce n’était pas poli non plus donc il n’avait pas eu d’autres choix que de faire avec. En premier lieu, il était resté avec ses compagnons mais ces derniers l’avaient très vite abandonné pour discuter avec de bonnes vieilles connaissances de la guilde ou simplement pour se donner en spectacle. Oui, il avait pensé à se lever, les rejoindre puis pourquoi pas les observer et les soutenir néanmoins il n’en avait eu guère le temps qu’une femme était venue s’asseoir à côté de lui, tentant vainement de lui faire la discussion. Elle s’était appuyée contre lui, elle le touchait et essayait même de le forcer à boire… Ses intentions se devinaient à des kilomètres, même lui qui n’avait pas plus que ça d’expérience dans le domaine comprenait ce qu’elle lui voulait. Et non, il n’était pas intéressé. Elle n’était pas en âge de lui plaire, elle n’avait pas une apparence qui l’attirait puis par-dessus tout il avait d’autres choses à penser. Soupirant, il avait essayé de la repousser, rouspétant encore et encore hors plutôt que la faire fuir, ça lui avait attiré plus de compagnie. Une seule et il peinait déjà à respirer, alors avec quatre, il risquait clairement de mourir si ça continuait ainsi. A chaque fois qu’elles s’approchaient pour le toucher, s’amusant à ploter ses muscles et le complimenter sur le sujet, il râlait, leur répétait ne pas être intéressé et qu’il devait s’en aller. Si la vie était aussi simple, ça se saurait… Personne semblait vouloir le laisser tranquille et on se demandait encore pourquoi Theodas aimait tant la solitude ? Cela lui évitait ce genre de situation malaisante qu’il détestait plus que tout. Ses collègues étaient tous occupés, personne à l’horizon pour le dépanner et ses femmes étaient de vraies pots de colle, bien pire que des sangsues.

Agacé, le jeune homme s’était levé, une lueur froide brillant dans ses pupilles sans qu’elle ne daigne le lâcher pour autant. Elle lui disait de ne pas s’énerver, que ça le rendait encore plus attirant de le voir en colère, qu’il devrait plus se laisser aller et lui se retrouvait complètement décontenancé. Les femmes étaient beaucoup plus difficiles à gérer qu’un adversaire avec une épée, c’était dramatique. Et pour ce qui était de la suite, Theodas n’avait rien vu venir… Une autre femme – encore une ?! bon sang mais qu’est-ce qu’elle lui voulait à toutes ? – s’était immiscée dans leur discussion pour… l’insulter ?! Ses pupilles avaient papillonné sous la surprise, la fixant d’un air complètement ébahi avant qu’il ne se fasse soudainement tirer par le bras. D’un geste vif, il avait eu le réflexe d’attraper, de sa main libre, son sabre qui était posé à côté de lui quelques instants plus tôt et n’avait pas eu d’autres choix que de la suivre.

Encore sous le choc, et bien trop perdu, il avait dévisagé la jeune femme qui lui avait apparemment sauvé la mise sans réellement comprendre ce qu’elle mentionnait. « Je n’ai simplement pas fait attention. » Il était le dernier à avoir envie d’être lié à une maison close ; tout ce genre de trafic ne l’intéressait pas. « Je me suis juste mis là où il y avait de la place. » Il était accompagné au départ qui plus est, il aurait dû se méfier… Qui savait, Sorin avait peut-être fait exprès de l’abandonner tout seul en ces lieux maudits. « Puis, je ne vois pas en quoi ça vous concerne de toute façon. » Son froid habituel, une expression des plus neutres qui étirait ses traits, ça avait été naturel pour lui de se braquer aussitôt. Un « merci » n’aurait pas été refus cependant il ignorait encore en cet instant ce que lui voulait cette femme et en soit, il ne lui avait rien demandé non plus. Un vrai ingrat celui-là, il n’était pas croyable.

 
@Theodas Rosenwald Nemesis ne pense jamais à mal. Du moins, elle tente toujours de sauver les âmes égarées, les prendre en charge et les protéger. Un vieux réflexe gardé du temps des Verseaux. Enfin, elle ne le fait plus que rarement maintenant, trop occupée à tenter de sauver sa propre peau, incapable de gérer tous les soucis qui l'accablent en même temps, jouant un jeu dangereux la plupart du temps. Mais ici, personne ne la reconnait, ici, elle n'est personne et ça lui fait un bien fou. Elle est calme, posée, presque douce et altruiste. Altruiste, un vieux trait de caractère oublié au détour d'une ruelle, lorsqu'elle avait quitté sa guilde. Il lui revient en pleine face lorsqu'elle voit le pauvre garçon, perdu entre toutes ses paires de seins presque à l'air, pour le séduire. Elle le remarque immédiatement, elle sait qu'il voudrait fuir, mais trop entourer, incapable de trouver une porte de sortie.

Alors l'ancienne Nemesis reprend le dessus, elle va le sauver, c'est ce qu'elle savait faire le mieux, avant. Avant lorsqu'elle était jeune, lorsqu'elle ne savait pas se défendre non plus. Nemesis l'amène un peu plus loin, lance un regard mauvais aux bonnes femmes restées stoïques devant un banc maintenant vide, histoire de bien leur faire comprendre qu'il est sa chasse gardée, son mari adoré, qu'elle compte pas le laisser à n'importe qui. Nem', elle sait pas d'où lui vient son talent naturel pour le mensonge, mais elle ne peut pas s'empêcher. Elle ment comme elle respire, alors qu'elle tente en vain, d'être franche et gentille. C'est sa carapace qui s'effrite, le masque qui tombe. Elle est autre chose en dessous et elle n'est pas prête à accepter cette vision d'elle-même.

Enfin, elle se retourne vers son mari étranger en croisant les bras sur sa poitrine. Elle est pas là pour lui donner une leçon, après tout, elle ne sait déjà pas vraiment pourquoi elle sait mise dans une telle situation mais tout de même, il serait bien qu'il sache où il s'installe. Elle soupire face à son air innocent. Elle oublie parfois que les guildes sont des endroits où la vie est si gaie et si paisible, loin des schémas politiques qu'elle doit supporter à longueur de journées. Quelques regrets amers se pointent dans son esprit mais elle les réfute. Elle est très heureuse et très fière de sa place et n'accepterait aucun échange pour son ancienne vie.

Elle lève les yeux au ciel, incapable de réprimer un léger rire. Pas fais attention. Quel homme ne fait pas attention d'être devant une maison close ? "Vous êtes assez étrange tout de même. Comment n'avez vous pas pu faire attention avec toutes les créatures qui vous tournaient autour ?" Au fond, elle feint l'indignation mais la situation la fait presque rire, trop légère dans son paysage de guerre.

Il se renferme, elle s'exaspère. Elle aurait dû le laisser tout seul, tiens. Même pas un merci, rien du tout, elle demande rien Nemesis, juste qu'il assume de ne pas savoir se défaire des griffes féminines. "Un merci aurait été suffisant." Elle hausse les épaules, observe le paysage autour d'elle. Elle repère une auberge pas loin. "Si vous vous ennuyez vous avez qu'à venir boire un verre avec moi. Ca vous évitera d'autres problèmes féminins." Elle se retourne, regarde le bordel, les quatre bonnes femmes toujours devant leur porche, attendant que la femme quitte les lieux pour sauter sur l'innocent mari. Pas question. Nemesis, elle reste bien devant lui. Refus catégorique d'abandonner une âme perdue.

 
@nemesis morrigan

Bien sûr que non, Theodas n’y avait pas prêté attention, faisant bêtement confiance à son compagnon qui l’avait emmené ici. Et c’était dans ces instants là que le jeune homme se disait qu’en effet, même avec les membres de la troupe, il devait se montrer plus méfiant. Certes, il le faisait déjà malgré lui toutefois c’était également vrai qu’il baissait plus facilement la garde quand il était en compagnie de ceux qui l’avaient sauvé. Il s’était bien fait avoir parce qu’après réflexion, il était quasiment sûr que Sorin l’avait fait exprès. Il lui en tirerait deux mots plus tard et son camarade ne serait pas en mesure de s’échapper. S’il aurait dû, en effet, remercier la demoiselle qui lui était venu en aide, Theodas n’avait rien pu faire d’autres que se braquer. Qui était-elle pour le juger ? Qu’en savait-elle ? Puis, oui, de quoi est-ce qu’elle se mêlait ? C’étaient ses histoires et il ne lui avait rien demandé. Était-ce si mal que ça de ne pas avoir remarqué la maison close ? Beaucoup de choses hantaient ses pensées ces derniers temps, il n’avait donc pas toujours l’esprit là où il était censé être. Ce n’était pas correct quand on savait que son travail était de protéger sa troupe toutefois lui aussi avait le droit à quelques écarts puis se perdre dans ses songes lorsqu’il était un brin tourmenté. « Je ne me suis simplement pas posé la question. » Tout ce qui l’intéressait était de se débarrasser de ces dîtes créatures et de les fuir, puis pourquoi se justifiait-il d’abord ?

Attaquer plutôt qu’exprimer sa reconnaissance avait été plus fort que lui parce qu’il ignorait tout de cette jeune femme, il ignorait ses véritables intentions et ce qu’elle lui voulait. Theodas était méfiant devant l’inconnu, chaque petit geste pouvait en dissimuler des biens plus gros donc ça avait naturel pour lui de montrer les crocs en premier. C’était une protection qu’il avait appris à porter afin d’être certain de ne pas terminer blessé… Sa vis-à-vis n’était pas celle qui était la plus étrange des deux ? Quelle genre de personne se faisait passer pour l’épouse d’un inconnu, simplement pour le sortir d’une mauvaise situation ? Lui n’était tout bonnement pas capable de s’imaginer en train de réagir de cette manière, il aurait probablement plus utilisé la force que son intelligence. « Je ne vous ai rien demandé. » Sa voix restait impartiale alors que son interlocutrice le réprimandait ; au fond de lui, il avait conscience que son attitude n’était pas correcte toutefois ses lèvres avaient bougé plus vite que sa raison parce que c’était, encore une fois, dans sa nature de se braquer.

Ses iris l’avaient néanmoins observé, intrigué par les agissements de la jeune femme et la proposition qu’elle lui faisait. « Pourquoi est-ce que vous faîtes ça ? » L’avait-il interrogé, curieux mais surtout perturbé. « Vous souhaitez quelque chose en échange ? » Il ne comprenait pas. Et sûrement que si ses camarades s’étaient tenus à ses côtés, ils le réprimanderaient en lui rétorquant qu’il se prenait trop la tête et se posait beaucoup trop de questions.