Tu as été son mécène, il y a bien longtemps. Tu lui as appris les us et coutumes du vol, du silence, de l'aigle qui se fond dans la nuit. Tu l'as entraîné, jour après jour, semaine après semaine, jusqu'à ce qu'elle devienne presque ton égal. Presque, bien sur. Elle t'attirais, la demoiselle, parce que tu voyais en elle un véritable potentiel, sans pour autant souhaiter qu'elle intègre la guilde, car elle n'était pas prête. Et puis, du jour au lendemain, elle s'est envolée, mettant à profit ce que tu lui as appris. Tu souffres encore quand, le soir, tu penses parfois à elle.

Tu sens que quelque chose cloche en elle. Tu le sens, tu le sais. Elle a ces mouvements incontrôlables qui trahissent ce qui se passe en son âme. Mais quelque chose d'étrange, un signe, un instinct t'interdit de ne pas la laisser entrer chez les scorpions. Un doute, peut-être. La crainte de te tromper.

Tu es d'une arrogance sans faille, Arthur, et surtout, tu es sûr de toi. Pourtant, il y a cette femme, cette Talia, qui te concurrence sacrément, connais bon nombre de choses, détient assez d'informations pour se hisser, doucement, tout là-haut. Alors, vous vous provoquez, un peu, vous jouez, tous les deux. Cette concurrence t'amuse, mais, au fond, tu la respectes, cette dame dorée.

Elle a su gagner ta confiance, a su gagner ton cœur. Cette lumière qu'elle dégage au fin fond de la nuit.

Tu es le silence. Elle est la nuit. Tu es l'étoile. Elle est la lune. Tu es la dague empoisonnée. Elle est le sabre couvert du sang carmin des demeurés. Mais, toujours, elle est à tes côtés.
Si peu à peu tu gravis les échelons, Arthur, c'est toujours grâce à elle. Votre gang des scorpions n'a commencé que par elle, par son arrivée à tes côtés, par son ambition doucement accompagnée de la tienne. Chapardeuse exceptionnelle, voleuse de qualité, ses pas se perdent dans le silence de la nuit. Vous êtes tous deux des voleurs d'exception, mais avez cœur de ne voler qu'aux riches, qu'aux pourfendeurs des trésors de la communauté.
Elle est ta seconde, dans le groupe de voleurs que t'as fondé, toujours, elle suis tes ordres et délivre en tes oreilles les plus fervents conseils. Elle est maligne, la douce Asmodee, si maligne même que parfois elle t'effraie. Elle n'aurait guère de mal à te prendre ta place, si cette confiance qui vous lie ne l'en empêchait pas.

Il y a cette aura de séduction entre vous, plus forte que vos ambitions mutuelles peut-être. Le feu que bientôt, sans doute, vous franchirez allègrement, et les secrets qui se murmureront dans le confort des oreillers. Elle se mettrait en danger, la beauté blonde, sans le moindre doute, mais tu sens qu'en elle le frisson prédomine sur le reste. Elle détient les secrets de Galadhorn que tu convoites, tu pourrais lui apporter bien des mystères pour asseoir sa position. Donnant donnant.

Cette jeune et belle femme qui a côtoyé ta vie quelques années aux côtés d'Abel. Abel. Ce déchirement dans ton coeur, cette culpabilité qui depuis malmène ton âme sans que tu ne puisses t'en échapper. Ce bijoux, trésor d'héritage, qu'il t'a confié, pour lui donner. La honte. Le désoeuvrement. L'incapacité avérée de le lui rendre, et puis, lorsque l'heure fut venue, sa disparition. Comme un rituel, tu te rappelles de ce bijou, te dis qu'il faudrait la chercher... La culpabilité t'empêche d'agir.

Tu es la glace, il est le feu. Il a cette impulsivité qui parfois t'agace, mais tu as le calme olympien pour le remettre un peu en place. Vous êtes devenus des frères, à force d'évoluer ensemble dans la guilde que t'as fondé. Tu as une confiance aveugle en lui, en votre protecteur, en celui qui donnerait sa vie pour protéger la vôtre, parce qu'il a simplement de plus grosses armes à mettre à votre profit. Il est fort, il est grand, et tu ne saurais que faire sans sa tendre présence d'ours bourru. Seulement... il y a encore des choses que tu ignores, Arthur...

Il t'a sauvé la peau, Theo, te sortant d'une situation oh combien délicate. Et puis, tu as décelé en lui des capacités de maître, alors que tu as ce besoin de redevenir élève, d'apprendre, encore, de retrouver foi en l'humanité, en ce besoin que t'as d'apprendre à te défendre. Qui sait, ton protecteur ne sera pas toujours derrière toi. Alors, il est là, Theobald, il va t'apprendre les arts magistraux de la guerre.

Il a bien fallu que tu passes par la case apprentissage, Arthur, avant de devenir le maître de jeunes apprentis. C'est Gauthier qui t'a mené dans les arcanes du vol de qualité, avant de te laisser t'envoler lorsque l'heure fut venue. C'est lui qui a fait naître en toi les prémices de ta conception politique, de ton sens de la justice. Il t'a donné beaucoup, Arthur. Les ailes, tu les avais déjà, mais Gauthier les a révélées.