@edwin u. telemnar.
Le regard d'Edwin qui se perd par la fenêtre dans l'obscurité ambiante.
Et ce qu'elle sent et devine, la jeune Satine, la moralité de son frère ce soir retrouvée. Elle voit qu'il se tend, à cette annonce, elle sait déjà qu'il va lui faire une réflexion, la punir de son idiotie, de sa stupidité, sans comprendre une once de ce que les sentiments peuvent parfois infléchir les Hommes.
Si ces paroles viennent à franchir le giron de sa bouche, Satine s'énervera. Profondément. Durablement. Car elle a lutté, vaillamment, pour ne pas céder aux sentiments qui agitaient son cœur. Car elle a bataillé, totalement, pour que son cœur ne craque pas devant le frère interdit. Alors une leçon de morale en cette soirée ne serait définitivement pas tolérable. Elle se tait, pourtant, Satine, et elle attend le couperet de sa voix résonnant dans la chambre, dans l'appréhension de cette morale qu'elle n'acceptera pas.

A son grand étonnement, ce n'est pas ce qui sort de sa bouche. Les frissons s'emparent de son corps tout entier, à l'entendre ainsi parler. Reste avec moi. Cela fait l'effet d'un électrochoc en son esprit.
Combien de fois a-t-elle rêvé que ces paroles sortent de sa bouche, combien de fois a-t-elle rêvé de les entendre dans ces nuits agitées, espéré que le frère vienne dans sa chambre et, avant de partir, lui glisse à l'oreille un étrange et énigmatique "habille toi, viens avec moi". Et comme la vie aurait été différente, comme les choses auraient vacillé de l'autre côté, dans l'au-delà de l'imaginaire.
Mais jamais ces paroles n'ont franchi sa bouche avant qu'il ne parte sans un mot, sans une sonorité autre que le silence pesant et traumatique en son âme enfantine.

Et ce gros mot, balancé là, au coeur de la nuit, ce mot de "liberté" qu'elle a si souvent questionné, la douce Satine. Peut-on vraiment prétendre à la liberté dans ce monde de fou ? Edwin est-il libre, au sein de son bateau, a-t-il seul son indéniable égocentrisme à qui rendre des comptes ? Est-ce seulement ce qu'elle recherche, la petite perle, alors même que son cœur s'est emprisonné dans les méandres de Leandry ? ▬ Tu ignores combien de fois j'ai rêvé que tu me dises ça. Elle a les yeux larmoyants, la petite perle, qu'elle fixe en les prunelles éternelles de son frère adoré, puis abhorré.
▬ Cela sonne moins vrai, dans la réalité. Car la confiance est rompue. Car cet aveuglement avec lequel elle aurait suivi son frère est parti en même temps que lui, et car elle a du apprendre à se méfier, à se protéger, en fréquentant des limbes si sombres que la cour royale. Le luxe dore les objets et les êtres, mais ne fait qu'assombrir les âmes. ▬ J'aurais aimé être libre, avec toi. Mais aujourd'hui, mon cœur est enchaîné. Mais aujourd'hui, j'ai fait ma vie sans toi, car tu m'y as obligé. ▬ Je ne partirai pas sans Leandry. Que ferais-tu pour lui ? L'intérêt, la curiosité, aiguisée. Qui sait. Peut-être que demeures auprès de lui une possibilité de s'en tirer sans trop payer.

 
@SATINE TELEMNAR.

Le silence règne dans la petite pièce. l'obscurité pèse de tout son poids sur la fratrie reunie. Les pensées d'Edwin ne se calment pas, tout tourne dans sa tête. A peine avait-il prononcé ses mots qu'il se posa la question : Etait-ce la bonne chose à faire ? Comment allait-il prendre le refus ? Avec fierté ou tristesse ? Après tout, il le méritait. Un abandon ne se répare pas en deux mots et quelques caresses. Mais il n'avait pas mesuré l'ampleur qu'un rejet pouvait avoir comme effet sur lui à ce moment là. Il avait foncé, prononcé ce qu'il voulait sans penser aux conséquences. Du vrai Edwin, en somme.
Il attendait dans un stress impercéptible que tombe les mots de la nouvelle séparation. Et si quand bien même elle repartait dans sa cage dorée, ne devrait-il pas sacrifier à son tour une partie de sa vie ? Il ne voulait pas y penser. Il était pour l'instant encore trop égoïste pour songer à cela avant qu'il ne soit mis devant le fait accomplis, avant qu'il ne soit véritablement forcé à faire un choix.

Il remballa ses quelques questions dans un coin de sa tête car une perle humide vient de se poser sur son doigt. Elle a coulé le long de la petite joue d'ivoire de sa sœur, laissant une marque brillante dans son sillage. Les prunelles scintillantes de Satine recherchent son regard et l'attrapent au vol. Edwin se sent fléchir, la voir pleurer lui déchire le cœur, bien qu'il a du être à l'origine de larmes bien plus nombreuses.

▬ Tu ignores combien de fois j'ai rêvé que tu me dises ça, lui réponds-elle. Il ne sait que répondre. Il pourrait penser que, contre toute attente, elle va accepter, que c'était peut-être des larmes de joie et non de tristesse, qui sait ... mais la suite de sa déclaration brise son espoir naissant qu'il n'aurait même pas dû se permettre.
▬ Cela sonne moins vrai, dans la réalité.

Evidemment. La réalité est toujours moins charmante, moins tente, moins fabuleuse que nos rêves, mais elle a au moins le mérite d'exister. Ed' avait beau ne pas y croire beaucoup, il ne comptait pas la laisser lui filer entre les doigts comme ça.

▬ J'aurais aimé être libre, avec toi. Mais aujourd'hui, mon cœur est enchaîné. Je ne partirai pas sans Leandry. Que ferais-tu pour lui ?

Il reste perplexe le frérot. Leandry donc, le frère du roi. Que pouvait-il, lui, sombre hors la loi, manant aux yeux des plus grands, faire pour quelqu'un comme lui ? Il ne voyait pas, ne comprenait pas ce que sa soeur lui demandait. Elle semblait tiraillée, n'avait pas exprimer un refus clair et direct. Il restait peut-être une chance et il fallait la saisir, mais comment ? Qu'espérait-elle, d'ailleurs, en venant le trouver ? Le détruire ou s'enfuir, non ? Alors si elle ne le suivait pas, que pouvait-il advenir par la suite ? Edwin se voyait mal se pointer dans un château face à ceux qu'il a volé une belle partie de sa vie. Il se recule un peu, pensif, il ignore quoi répondre. Surtout, il ignore quelle réponse ne la fera pas fuir.

- Satine, je ne vois pas d’inconvénient à ce que ton cher et tendre nous suive, mais c'est un royal, je ne le vois pas accepter, à moins que sa vie soit aussi en danger ? Il soupire. Ce bougre la retenait par le cœur, mais elle ne pouvait pas rester là-bas... Il n'acceptera jamais de quitter son cocon et sa famille, ou comme ils disent leurs devoirs et obligations. Ce n'était pas vraiment lui qu'il fallait convaincre, ce n'était pas comme si Edwin avait quelque chose à offrir aux plus chanceux de ce monde.

- Tu es venue jusqu'ici pour me trouver. Si ce n'est pas pour partir, qu'attends-tu de moi ce soir ?

 
@edwin u. telemnar.
Elle le sent bouillonnant d'interrogations diverses, mais elle n'ose pas le questionner. A moins, peut-être, qu'elle n'ait trop peur des réponses qu'il aurait à apporter. Elle demeure statique, la larme coulant de ses yeux humidifiés par l'angoisse et la peur. Car elle est bourrée de craintes, la petite perle.
Elle craint un instant que son frère ne s'énerve, qu'il ne finisse par la traiter comme une gamine qu'elle n'a finalement jamais cessé d'être. Elle le voit se tourner vers elle, lui hurler qu'elle en demande trop, qu'elle n'a rien à faire là, qu'elle est de ces parasites qui lui brisent sa jolie vie qu'il a réussi à se construire qu'en se débarrassant d'elle. Elle tremble de cette hypothèse. Tremble d'un énième rejet.
Et c'est à peu près ce qui vient. Plus doux, certes, formulé d'une voix de satin, mais les mots et leurs intonations ne mentent pas. Edwin la questionne sur sa présence, comme si elle était illégitime, comme si elle n'avait rien à faire là, et au fond, elle le sait, la petite perle, elle sait qu'il dit vrai.
Et, d'ailleurs, à ce moment précis, celui où la question passe la barrière de ses lèvres masculines, Satine réfléchit. Elle réfléchit à la véritable réponse, non à celle qu'elle va lui donner. Qu'attends-tu de moi ce soir ?
C'est l’électrochoc dans son petit cœur abîmé et fatigué. Edwin a toujours été de ces pragmatiques là, qui ne comprennent pas si intérêt factuel il n'y a pas. Or, Satine n'attend rien de son frère ; cela fait des années qu'elle n'en attend plus rien. Si elle a cherché à le revoir, sans doute est-ce simplement pour s'assurer de sa vie sauve, savoir par une curiosité filiale ce qu'il est advenu de ses bouclettes brunes, sans en attendre une solution miracle. Car cela, il n'y a pas. Comme il le dit si bien, de façon si innocente et pourtant, si violente (un coup de poignard dans le cœur de Satine lorsqu'il lui rappelle le statut de Leandry, lorsqu'il évoque sa vie en danger, sa future sécurité), il n'existe aucune solution. Ni miracle, ni même moyennement bonne.

Elle a les yeux qui pétillent de souffrance, car chaque regard sur Edwin lui rappelle la simplicité et l'allégresse de ses jeunes années. Elle se sent martyr lorsqu'elle pose ses iris sur lui, elle se sent martyr lorsqu'elle fait un récapitulatif de sa vie. Elle hurlerait de désespoir et de souffrance, alors même qu'il ne pourrait comprendre les aléas d'un amour si puissant, et si terrible à la fois. Des volontés perverses des Dieux, de leurs jeux amers et odieux.
▬ Je ne sais pas. Réponse bâtarde, juste milieu entre l'affreux "rien, et ce depuis longtemps" et le larmoyant "je voulais savoir ce que devenait mon cher frère, la chair de mon sang, pour pouvoir à nouveau respirer à pleins poumons".
▬ Je n'attends rien de toi, je ne suis pas là pour quérir de l'aide. J'étais... curieuse. La voix qui s'estompe au fur et à mesure de la phrase.  ▬ Je crois que j'avais aussi besoin de me confier, et d'apprendre de ta bouche ton histoire. Voilà qui sont des choses faites. Si je t'ennuie, je peux partir. Elle se lève, la petite perle, elle fait quelques gestes pour montrer son départ possible. Il fait nuit, certes, il est dangereux pour une femme aisée de se balader seule par ce temps, mais peut-être n'a-t-elle que besoin qu'il la retienne ; pour une fois. Comme elle aurait aimé le faire, autrefois.