Tu me hais, je le sens. Ta haine te suit comme une effluve désagréable. Je le sens quand tu me frôles dans les couloirs, je le devine à chacun de tes regards sombres à la table du roi où, je le sais, tu aimerais ne jamais me voir. A chaque cérémonie, à chaque banquet, à chaque événement, la haine sans borne que tu me voues éclaire ton visage d'une pâleur nauséabonde. Ma naïveté m'interdit de comprendre. Le roi a bien d'autres maîtresses, auxquelles tu n'accordes pas la moindre attention. Alors, pourquoi moi ? Est-ce parce que le roi ne me voue pas seulement une attirance physique irrésistible pour les bêtes d'hommes ? Est-ce parce que tu devines de l'amour pour moi au fin fond du labyrinthe de son cœur ? Dieu seul comprend ce qui se passe dans ton esprit, et je ne m'y risquerais pas. Je me contente de t'éviter sagement, ma reine.

Tu n'as pas mis longtemps avant de mettre le doigt sur mon terrible secret. Oui, je suis la maîtresse du frère royal, là où je devrais réserver ma couche au roi et à lui seul. Oui, je suis une femme infamante. Je tolère que tu me haïsses, et je serais prête à accepter tes regards froids et tes paroles acerbes dans mon dos. Toutefois, le chantage, je ne le tolère pas. Constamment, tu fais peser sur moi le lourd fardeau de mes torts, et tu menaces de tout dévoiler. Je te connais assez pour t'en savoir capable. Je te voue une haine sans commune mesure, doublée d'une terreur que toi seule m'inspire : et ce n'est pas sans raison, puisque tu détiens ma vie entre tes mains pâles et douces. Est-ce à cause des sentiments que tu éprouves pour elijah ? Es-tu jalouse de me voir dans ses bras, là où tu rêverais d'être ? En attendant, tu te joues de moi, et tu t'amuses à mes frissons et à ma terreur. Je suis devenue ta marionnette, celle qui ne dit jamais non, et qui ne refuse jamais rien. Pour toi, j'irais décrocher la lune. Par obligation.

A mon arrivée à la cour, j'étais cette fille timide, encore un peu enfantine, cette âme perdue dans un monde trop grand. Loin des courtoisies élémentaires de la cour, j'ai grandi dans une famille rendue modeste et déshéritée. Puis, le roi m'a entraîné à la cour pour me prendre comme maîtresse. Et là, mon regard terrifié à accroché le tien, ta beauté blonde, ton charme, cette noblesse au fond de tes yeux, cette courbure de tes reins. Cette classe innée m'a immédiatement fascinée. Dans mes yeux, tu as du voir ce respect effaré. Puis, peu à peu, tu t'es pris d'affection pour moi. Tu m'as recueilli comme un oiseau blessé, et tu as su sauver la patte que j'aurais pu y laisser. Tu m'as tout appris, et tu m'as rendu à la vie. Plus encore qu'un mentor, tu es devenue une amie, une confidente, une mère. Je te dis tout, je te dévoile les plus sombres secrets de mon cœur, j'accours à ton chevet dès lors qu'il faut partager un sourire. Plus discrète, tu écoutes, avec ce regard protecteur, cette prunelle maternelle, ce charme qui fait de toi une femme d'exception.

Et l'inquiétude qui m'étreins lorsque je la vois, ces frissons qui parcourent ma nuque lorsqu'elle me dévoile l'avenir. Elle met mon scepticisme à rude épreuve, lorsqu'elle m'apprend ma grossesse nouvelle, surprise détonnante, sombre vent du destin, ouragan.

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Le désespoir qui m'envahit à l'annonce de ma grossesse. L'enfer qui m'étreint, je n'y crois pas, la sceptique. Il me faut en avoir le cœur net, et la certitude qui me donnera une idée plus claire de l'avenir. Et cette fille, faiseuse d'anges. Et ce mot qui me terrifie.

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Il y a cette ombre qui me suit, qui m'a effrayée, de prime abord, tant je n'ai pas pour habitude de veiller sur mes arrières. Cette femme, étrangère, cette femme, le mystère. Pirate. Cela se voit dans toutes les fibres de son frêle corps si joli. J'en suis venue à l'aborder, et c'est de mon frère dont elle a fini par me parler. C'est elle aussi qui m'a mené sur sa piste, informatrice surprenante.

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Elle me parfume, me sublime. Il en faut, des femmes comme elle, des travailleuses hors pair qui ont en plus la qualité indéniable d'être de bonne compagnie. Ses douces paroles qui me plaisent, qui me font plaisir, quand elle m'apporte un peu de réconfort à mon cœur trop souvent meurtri.

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Valeriane n'aime pas trop mon côté garce, manipulatrice, celui-là même que j'ai acquis en arrivant ici. La cour n'avait jamais été pour moi, tant j'étais une jeune enfant naïve et mignonnette, tant je n'avais dans le coeur aucune once d'amertume et de mauvaises choses. Depuis, j'ai dû m'y faire, appréhender les manipulations et les langues de vipère qui rôdent dans les couloirs du château. J'apprends mes petits trucs à Valé, mais il nous arrive régulièrement de nous crêper le chignon comme des poissonnières.

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Tu m'as choisi, lorsque j'avais dix huit ans. Tu as fais de moi une élue parmi d'autre : tu m'as sorti de la vie somme toute banale que je menais entourée des miens, et tu m'as emmené sur ton beau cheval blanc. Me voilà à la cour, assistant aux banquets du roi, de toi, assistant dans tes bras à des nuits endiablées. De la lignée déshéritée de mes parents, tu as su redorer le blason. Grâce à toi, je suis honorée des prestiges. J'ignore ce qui, en moi, a su ainsi attirer ton regard. De maîtresse, tu m'as traînée au statut de favorite, m'incombant ainsi la jalousie des autres, mais aussi tous les plus grands honneurs. Tu m'as offert une chambre au palais, tu m'offres d'assister parfois à tes repas, tu m'offres un bonheur somme toute confortable et des désirs délicatement assouvis dans tes lits de satin. Dans mes rêves, parfois, je t'aime. Mais l'amour, malheureusement, ne se commande pas. Si tu m'interdis d'aller voir ailleurs, si tu souhaites que je ne sois que ton unique possession, c'est là que tu m'en demandes trop. J'aurais aimé être à tes ordres, et te rendre tout ce que tu m'as offert. Tu m'as offert la vie, et moi, je te trahis, dans le plus grand des silences. Pardonne moi, mon roi.

" Elvira" susurres-tu à mon oreille. Tu es le seul à m'appeler par ce nom, que tu es également le seul à connaître. Ce murmure scelle notre union secrète, interdite ; alors que nous croquons dans la pomme de l'enfer sans aucune modération. Longtemps, je suis parvenue à faire taire les désirs qui hurlaient dans mon cœur lorsque je te croisais dans les jardins et que tu me faisais la cour. Longtemps tu as su m'assurer ton amour, sans que je ne sois capable de le tolérer. Rendue captive par le roi, j'étais ton interdit, ton impossible. Tu étais le soleil, et j'étais la lune. Pourtant, je n'ai su résister que trop peu de temps : bientôt, tu es devenu mon amant, puis tu as su conquérir mon cœur là où nul autre n'était jamais parvenu. Tu as ravi mon âme, et j'ignore encore où tu la détiens prisonnière. Tu es ma plus belle captivité, mon plus beau secret, ma plus vivante passion. Car oui, ce n'est qu'avec toi que je me sens véritablement vivante, merveilleusement vivante. Le roi m'arrache à toi, mais mon cœur demeure toujours à tes côtés, mon lumineux amour interdit. Pour notre union, nous risquons notre tête. Mais ne vaut-il pas mieux la mort à la vie sans amour ?

Tu m'as lâchement abandonné. Jamais tu n'imagineras la fissure profonde que tu as fais dans mon coeur lorsque, ce beau matin d'été, je me suis réveillée sans la chaleur de ta voix, avec pour seule compagnie la lettre en patte de mouche que tu avais daigné nous laisser. Tu partais. Tu voulais de l'aventure. Je savais bien que jamais tu ne te serais satisfait de cette vie modeste et médiocre que nous offrais tes parents, mais j'aurais voulu que tu m'amènes avec toi. Au lieu de ça, tu n'as pris que mon cœur et mon sourire, comme des gages de ma souffrance. Tu m'as abandonnée. Et cela, Edwin, jamais je ne saurais te le pardonner, quelque soit l'amour vibrant qui éclaire mon cœur lorsque je pense à toi. Tu me manques, certes, mais dès que je me sens emplie d'une brusque nostalgie, la colère revient balayer toute émotion enfantine. Je t'en veux. A mourir.  

Il le sait, il nous a vus. J'ai toujours aimé ces spectacles, et craqué devant la jolie frimousse de Rollon, son ours. Je ne m'attendais pas à ce qu'il nous reconnaisse, et à ce qu'il vole ce précieux baiser qu'imprudemment nous nous sommes échangés.

uc.



 

Je l'aime bien, ce garçon. Nous trouvons moyen de nous fréquenter dès que je dois me rendre en contrée Heledir. Agréable, souriant, rieur, je trouve en sa bonne compagnie de quoi égayer mes journées. Jamais nous ne parlons intimement, puisque j'évite d'évoquer mon appartenance Thoron en terre ennemie, et qu'il se confine dans le mystère et le secret. J'ignore encore qui il est, j'ignore qu'il est ce prince qui tuerait sans hésiter les deux amants de mon cœur. L'apprendre ne pourra que me bouleverser.

uc.






 

Il est l'ami, le seul, l'unique, le grand, le fort. Celui qui m'habille, qui me met toujours aux dernières modes, celui qui me fait tenir dans cet univers nobiliaire qui depuis peu est le mien, celui qui me fait rire, quand j'en ai le plus besoin.

uc.






 

Je le hais, ce chevalier qui se dit constamment bon et brave, véhiculant des valeurs qu'il considère comme les seules bonnes en ces contrées. Je hais sa courtoisie factice, hypocrite, les sourires mielleux qu'ils m'octroient lorsque nous sommes entourés, alors que je sais si bien que lui la ranoceur que nous nous vouons. Nul doute qu'il me met à défaut devant Barahir, le tanne, pour que désormais, il me renie

uc.