Niamh se souvenait des soirées passées avec son frère dans l’atelier, alors qu’elle n’était même pas apprentie de l’atelier. Cela faisait bien des années qu’elle partageait cette passion avec loi dès qu’ils le pouvaient. Tous deux avaient trouvé avec les années un rythme de vie qui leur semblait adéquat, leurs parents leur laissant d’ailleurs beaucoup de liberté sur ce point. Ils étaient des enfants solidaires. Solidaires entre eux. Mais les enfants avaient grandi et il paraissait quelque peu dommage à la jeune fille de ne plus pouvoir passer autant de temps avec Ambroise, leurs emplois du temps ne le permettant pas autant. Mais ils étaient tous deux heureux, faisant ce qui leur plaisant et malgré les changements, c’était toujours suffisant pour la jeune femme.

Fidèle à son habitude, elle s’était levée avec le soleil. Elle qui aimait son travail à la joaillerie, elle était également de celle qui, en plus de fabriquer les bijoux, aimait également les porter. En effet, la jeune femme n’avait jamais été contre les parures et la coquetterie, ce qui était d’autant plus amusant pour elle, puisqu’elle se surprenait à étonner quiconque lui adressait la parole en pensant qu’elle ne s’intéressait qu’à l’apparence. Elle était en effet bien plus que cela. Cependant, il était clair que ce qui était produit comme bijoux durant les journées de travail officielles, Niamh avait donc cette habitude de temps à autre se rendre à l’atelier un peu plus tôt pour travailler sur quelques petits projets personnels. C’était une situation qui ne surprenait plus personne à présent, surtout qu’elle flânait en ces lieux depuis aussi longtemps qu’elle se souvienne, travaillant sur toutes sortes de bijoux dès qu’elle avait su comment faire.

Un peu indécise de ce qui serait son projet de cette matinée, elle avait poussé la porte de l’atelier pour rester bien plus surprise que lorsque quelqu’un la trouvait assise à un bureau de si bonne heure. Surprise par la silhouette qui était apparue, penchée sur l’un des bureaux. Surprise de cette présence inattendue. Surprise de ne pas avoir remarqué plutôt, elle qui aurait dû deviner cette situation, puisqu’elle le connaissait tant. Ambroise. La jeune femme n’était pas surprise de ne voir attablé à un projet, elle savait qu’il n’avait jamais quitté cette passion qu’ils partageaient, même si ce n’était pas son avenir. Un sourire en coin étira tout de même les lèvres de la jeune femme alors que mille souvenirs de leur jeunesse passée dans les ateliers lui revenaient en tête. Elle s’approcha donc du bureau au-dessus duquel était penché le jeune homme. Elle ne cherchait pas le moindrement à se faire discrète, il valait mieux qu’il l’entende approcher plutôt qu’elle ne le fasse sursauter. « Je t’en prie, ne me dis pas que tu as passé toute la nuit ici ! » Paroles prononcées sur le ton de la plaisanterie, elle connaissait parfaitement la prédisposition qu’avait son frère à resté concentrer sur un projet des heures durant, à en perdre la notion du temps, elle avait cette même tendance quelque peu néfaste si on l’analysait sur le long terme. D'autant plus que s'il avait un entrainement militaire aujourd'hui encore, cela pouvait être dangereux pour lui. Elle préférait toutefois en rire, c’était après tout signe de cette passion que les animaient tous les deux. « Tu sais que si Père et Mère te trouvent ici, tu vas leur donner de faux espoirs. » Prenant appui sur le bureau, Niamh se pencha pour observer le travail de son aîné, sachant pertinemment qu’elle serait sans conteste épatée par son talent et ses idées. Sachant pertinemment que cela lui rappellerait qu’elle avait encore du chemin à faire pour l’égaler. « Alors, qu’est-ce que tu fais ? » Un sourire espiègle étira ses lèvres. Elle avait toujours été curieuse après-tout.

Les rires des enfants pouvaient encore être entendus, résonant entre les murs de l’atelier qui avait changé d’emplacement maintenant, mais dont les souvenirs restaient gravés non pas sur les murs, mais bien dans le travail. Tant que les bureaux alignés dans l’ateliers seraient debout, tant que les outils seraient à porter de main, le souvenir vivide de deux enfants courants entre les établis resterais gravés dans sa mémoire. Et probablement qu’ils y resteraient malgré tout, mais le fait de se retrouver dans cet atelier, à cet instant, les souvenirs lui semblaient plus vivides, plus tangibles. Comme si à cet instant, en tendant la main, Niamh pourrait attraper un fragment de son enfance. Revenir en arrière, revivre les moments de joie partagés dans un atelier. Ça la faisait toujours sourire. Arrêter le temps, revenir en arrière. Tant de choses impossibles, mais certaines situations donnaient cette impression que cela pouvait être possible. Appuyée sur le bureau où s’était installé son frère, elle prenait grand plaisir à réprimander celui-ci, non pas de façon sérieuse, mais plutôt pour en rire.

« Je ne vais pas pouvoir te dire ça… Je me suis pas rendu compte que l’heure avait autant avancé. » Un léger rire accompagne son mouvement de tête, secouée dans un mouvement négatif. Elle le savait déjà. Sa remarque, bien que soucieuse de savoir qu’il se reposait de temps à autre, servait plutôt à souligner le fait qu’il avait encore une fois passé une nuit blanche à travailler sur un quelconque projet. Elle savait bien que c’était le cas, mais une part d’elle aurait tout de même voulu que, imprévisiblement, surprenamment, il la contredise. De savoir qu’il s’était reposé, ne serait-ce que quelques heures, afin d’avoir un minimum de sommeil, aurait réellement plut à la jeune femme. Mais elle n’était pas dupe. Qui plus est, elle ne comptait le laisser s’en sortir si facilement alors qu’elle commençait à peine à s’amuser. « Mais c’est toi qui m’a trouvé. » Elle hausse les épaules avec un petit sourire. Ce n’est pas faux, c’était même prévisible compte tenus de ses habitudes, n’en reste-t ‘il pas moins qu’elle pouvait aisément imaginer la réaction de leurs parents s’ils le trouvaient ici. Elle fit rapidement le tour du bureau et posa un rapide baiser sur la joue de son frère, signe d’affection qu’elle ne s’était permis depuis déjà un moment. « Dis-moi, tu as une journée chargée devant toi ? » Petit rappel qu’il avait maintenant des engagements auprès de la cours, de la garde royale. Niamh se doutait bien que le jeune homme ne pouvait pas réellement échapper à son devoir. Elle savait aussi qu’il ne voudrait jamais faire une telle chose. Elle ne connaissait assez pour savoir que son cœur était à la bonne place, qu’il était fidèle à ses valeurs et qu’il ferait n’importe quoi pour tenir ses engagements. D’autant plus que son implication dans la garde représentait son avenir. C’était d’ailleurs ce qui faisait peur à la cadette Alhuïn. Si Ambroise passait plusieurs nuits à l’atelier et s’entrainait de jour, l’épuisement aurait rapidement raison de lui… Cependant, elle avait également posé une question. Sa curiosité légendaire ne pouvant rester loin des projets de son frère bien longtemps, elle voulait tout savoir. Et elle avait sa petite idée sur la personne qui recevrait ledit cadeau. Penchée par-dessus l’épaule de son aîné, elle observa la maquette de cire qu’il avait entre les mains. « Pour le moment je suis à l’étape de la maquette en cire, si tu veux, j’ai tous mes croquis juste ici. » Il n’eut pas besoin de lui dire une seconde fois, elle s’empara des feuilles qui reposaient sur le coin du bureau et analysa les détails des croquis. Elle s’attardait aux divers aspects du croquis tout en jetant des coups d’œil à la maquette qui, à fil des heures durant la nuit, lui semblait déjà bien avancée. « Ça va être magnifique ! Difficile, surtout que si tu en fait un fin bracelet, il va falloir t’assurer qu’il puisse toute de même supporter les pierres, mais magnifique ! » Elle savait déjà qu’il avait pensé à tous les détails et trouvé une solution à tous les obstacles. Mais elle ne pouvait s’empêcher de soulever le point. « Tes idées m’épatent toujours autant, tu sais. » Rien ne pouvait être plus vrai. Niamh était imaginative et passionnée, mais les défis qu’elle se donnait n’étaient pas encore à l’égal des projets de son frère, qui témoignaient d’un véritable tour de force et d’imagination. « Je suis certaine qu’elle l’adorera ! » Les yeux faisant toujours l’aller-retour entre les croquis et la maquette, elle imaginait en parallèle l’allure que pourrait avoir le bijou sur le poignet de Juliana. Ambroise n’avait pas besoin de lui dire, elle avait tout de suite deviné que ce cadeau était destiné à la cadette Savelli. Après tout, elle connaissait assez son frère pour le savoir. « En tout cas, je suis content de te voir ici petite sœur, j’ai l’impression que cela fait bien trop longtemps que je ne t’ai pas vu. » Un sourire franc étira les lèvres de la jeune femme. Elle redéposa les feuilles sur le bureau et se tourna vers son frère. Encore une fois, il avait raison, bien trop raison. « Cela donne l’impression de faire une éternité. Tu m’as manqué tu sais. » elle marque un temps de pause, perdue dans les souvenirs qui se rappellent encore à son esprit. Mais trêve de sentimentalisme, la curiosité naturelle de Niamh revient à la charge, après tout, ils ont du temps entre joaillerie de détente et les devoirs qui les rattraperont tôt ou tard, pour rattraper le temps perdu. « Tu te plais toujours dans la garde ? »