Dionysie à l'écrin doré.

Pour l'occasion, l'établissement a revêtu ses plus beaux atours. Il s'est paré des couleurs de la royauté, le rouge et l'or, pour accueillir dignement les plus grands de la contrée. Thermes réputés, maisons close adorée, le bâtiment ne manque pas d'étouffer d'une luxure affichée.
Ce soir, nul excès condamnable. Les fêtes dionysiaques manquent à ce royaume trop fade aux yeux des habitants de la contrée gwelnaur. Alors, la grande Talia Sorall a accepté, pour l'occasion, moyennant finances, d'ouvrir son établissement au plus grand nombre, y faisant régner une atmosphère suave et lascive, à son image.
S'y murmure que bien des femmes y ont courbé l'échine. La rumeur enfle, et l'on y a vu des personnes peu fréquentables, comme de grands hommes. Peu à peu, le lieu devint magique. L'entrée dans un ailleurs, un inconnu. Et le vin a tôt fait d'embourber les têtes, de faire disparaître les dernières pudeurs qui auraient fait rougir Kendassa* elle-même.
Alors, ce soir, vous êtes prévenus. Nul excès ne sera retenu contre vous. Legnar** lui-même ferme les yeux.

* déesse de l'enfer, priée par les gwelnaur.
** dieu de la colère, prié par les gwelnaur.

Dionysie à l'écrin doré.

La musique résonne dans les murs de l'établissement. Ce soir, une ambiance de fête se fait entendre. L'alcool coule à flot, les invités rient et me laisse comprendre que c'est un triomphe de plus pour Talia. Tout est d'or et de rouge ce soir, chaque filles porte une robe digne de ce nom ce soir, moi y compris. Jolie robe au dentelle d'or qui tombe délicatement sur mes épaules. Un rouge sur mes lèvres pour accompagner ma robe. Une coupe à la main, je remarque l'entrée soignée de la maîtresse des lieux. Elle apparaît au milieu du hall avec prestance, elle est époustouflante ce soir. Je souris en la regardant apparaître fièrement. La fête bat son plein, je la suit du regards et décide de la rejoindre. Une coupe à la main, il est temps qu'elle m'honore de sa compagnie. Debout devant elle « C'est un succès ce soir » Il ne me faut pas plus longtemps pour m'installer à ses côtés sur la banquette rouge. Je lève mon verre en sa direction et dit avec toujours le même sourire « A ta réussite » Je trinque avec elle et porte mon verre à mes lèvres en ne quittant pas ses yeux des miens. Il n'y a ni riche ni pauvre, que des hommes et des femmes qui échangent, rient et partagent un bon moment. Ce n'est pas chose facile de pouvoir réunir tout ce petit monde dans un seul et même endroit. M'asseoir avec elle va m'attirer les foudres des autres filles mais peut importe, j'ai bien l'intention de profiter de ce moment de fête ce soir.

Dionysie à l'écrin doré.

Jamais l’Écrin doré n’a vu autant de manants en son sein. Beaucoup jettent des regards ahuris au décor irréel de ce temple du bien-être… et de la débauche. Johr se gausse de leurs bouches entrouvertes, semblables à celles d’un nouveau-né avant la tétée. Combien goûteront à des mamelles, ce soir ? Et pour quel prix ?
Le mentor de Johr avait le sens pratique. Il appelait ce genre d’endroit des vide-bourses, car les hommes s’y vident les couilles en allégeant leur pécule de pièces sonnantes et trébuchantes. Une double perte pour un plaisir éphémère.
Cette fête, Johr veut croire que le roi et les dieux l’ont voulue pour souder le peuple de Gwelnaur en préparation de la guerre. Resserrer les liens comme on reforme les rangs, sympathiser avec son voisin – noble ou roturier – pour trouver le courage de lui prêter main-forte sur le champ de bataille.
La guerre, la destruction des autres royaumes, c’est tout ce qui l’importe.

Tout ?

Son regard scrute la foule, repère par automatisme les combattants et menaces potentielles. Johr identifie des visages familiers, en salue quelques-uns. Puis se fige sur une femme à la beauté éblouissante, qui stimule ses instincts de luxure davantage que toutes les putains réunies.
La mâchoire de Johr se serre, ses dents grincent. Hera, ici ?

Tu n’as pas revêtu cette robe somptueuse à mon intention, évidemment.

Il ne lui faut pas deux battements de cœur agité pour comprendre : jamais une audience royale n’a concentré autant de pouvoir que l’Écrin doré en cet instant. Son épouse manipulatrice n’allait pas manquer cette occasion d’engluer des âmes naïves dans sa toile… Une araignée vorace et insatiable, voilà ce qu’est l’objet de sa concupiscence impérissable.

Les yeux gris de Johr s’enflamment. Son sang bestial se met à bouillir. Il saisit une coupe de vin des mains d’un pauvre hère. Un regard furibond accompagné d’un grognement étouffe toute velléité de protestation.

L’esprit affuté du mercenaire réfléchit à une stratégie. Au moyen de remporter une bataille de plus sur sa rivale aux cheveux d’or. De prendre l’ascendant sur celle qui est aussi son alliée, sans nuire à leurs intérêts.

Un sourire mauvais apparaît sur ses lèvres. Ce soir, je brillerai plus fort que ta sombre lumière.

Dionysie à l'écrin doré.

Les dionysies, voilà un événement qu’Izan ne pouvait aimer, surtout qu’elles se déroulaient dans un lieu très apprécié par le mercenaire. L’écrin doré, un endroit qu’il fréquentait très fréquemment,  célibataire il n’avait aucun regret à venir dans ce lieu et payer pour un peu de compagnie...Puis à côté, les thermes étaient particulièrement agréables, c’était parfait pour récupérer entre deux contrats, oui il passait beaucoup trop de temps ici.

Il y avait cependant un inconvénient à tout ce regroupement...Trop de monde, moins de tranquillité et surtout moins d’attention de la part des employés de Talia, au grand désespoir du mercenaire.  Enfin, il avait tout de même réussi à avoir de la compagnie, installé confortablement sur une banquette, l’homme observait les lieux, remarquant des visages connus et inconnus. Un verre en main, l’homme profitait de la soirée comme tous les autres, il n’avait aucune honte, mais il était curieux de voir comment se comporterait les autres invités plus tard dans la soirée. Une fois le contenu de son verre avalé, Izan quitta la banquette la femme lui tenant compagnie, puis se dirigea vers deux visages bien connus, Johr et Joan.

Sur le chemin il attrapa de nouveau un verre, il était encore loin d’avoir atteint ses limites, il n’allait donc pas bouder devant un verre. Une fois près des deux hommes, le mercenaire posa une main sur le chef corbeau.

-Messieurs. Toujours un plaisir de vous voir, même si je dois l’avouer Johr, je suis bien plus ravis de voir ta charmante femme ici.

Une simple petite pique vis-à-vis de l’homme, la prêtresse n’avait jamais intéressé de cette façon l’homme, mais franchement, s’il pouvait taquiner Johr il n’allait pas se priver. Puis rapidement,  Izan les quitta, ayant remarqué Talia et Neyla.

-Ah, j’dois vous laisser. Je dois aller voir quelqu’un.

Un sourire aux lèvres, il rejoignit la propriétaire des lieux et son employée, deux femmes magnifiques et seules, quel dommage. Une fois près d’elles, il s’installa sur la banquette.

[color:e21d= indianred]-Félicitation pour tout ça, vraiment, tout le monde se souviendra de cet événement. Même si je préfère voir vos lieux un peu plus calme.

Il reporta son regard sur la salle, son verre toujours en main, se demandant si la femme avait prévu quelque chose pour la suite, il n’en serait pas étonné en tout cas.

Dionysie à l'écrin doré.

Hera aime le provoquer, comme Johr aime être provoqué. Il lui renvoie un rictus, une expression étrange entre le sourire et la menace. Sentir le sang bouillir dans ses veines, c’est vivre. Aucune autre femme ne lui fait éprouver ces divines sensations de rage euphorique.

La musique se met en branle, les breuvages commencent à échauffer les corps et les esprits. Le vieux Garth approche d’Hera, tellement heureuse (désespérée ?) d’avoir un peu de compagnie que la Grande Prêtresse revêt la couronne de reine des catins.

Ma pauvre, tu tombes de plus en plus bas… chercheras-tu demain à séduire le grand-père de la reine ?

Les doigts du mercenaire royal se crispent néanmoins autour de son verre. Des veines gonflent sur ses tempes. Qu’elle fornique pendant ses absences est une vexation qu’il tolère, dans leur intérêt commun. Qu’elle ouvre les cuisses sous ses yeux est un affront que Johr ne pourra jamais tolérer.

Une voix l’interpelle. Johr n’a pas même senti l’approche de son confrère.
Il réfrène ses pulsions meurtrières : Joan est un allié précieux, qu’il serait dommageable de poignarder sur un coup de sang.

— Si les femmes s’engoncent dans leurs jolies robes inconfortables, Tel’Eal, c’est bien pour que les hommes les regardent.

Et Garth ferait bien de se limiter à dévorer mon épouse du regard, s’il souhaite éviter un massacre à l’intérieur de son établissement.

Johr avise son compagnon à l’élégance naturelle. Hausse les épaules, ignorant l’allusion à leurs mariages troublés.

— Ce que je trouve amusant, pour ma part, c’est que beaucoup des joyeux lurons ici présents plongeront bientôt leur acier dans la gorge des Thorons. Les plus faibles et les moins chanceux s’étoufferont dans leur propre sang, songeant peut-être à cette nuit de liesse avant d’entreprendre leur dernier voyage vers l’Enfer.

Le regard du mercenaire brille de sanglants appétits, puis suit celui de son compagnon dont il acquiesce les propos.

— Tant qu’il y aura des hommes, les bordels prospéreront et des femmes comme Talia Sorall, dotée de jugeote et d’une belle gueule, réussiront à tirer leur épingle du jeu. Quant aux murmures qui se prononcent entre ses murs, je partage votre confiance envers notre roi pour les intercepter. Je ne me suis jamais passionné pour ces pratiques ennuyeuses.

Ennuyeuses au point de coucher avec l’espionne royal, lors d’une mission en duo. Mais Joan n’a aucun besoin de le savoir, ni qu’il achète des renseignements à la jeune tenancière.

Son vieil ami Izan, tel un chevalier servant, arrive au moment opportun et le taquine avec sa subtilité habituelle. Celle d’un homme qui laisse échapper un rot sonore après un verre de vin.

— Ne la regarde pas trop longtemps, Izan, tes yeux sont trop habitués à la laideur de ton reflet pour supporter sa beauté.

Johr se fend d’un sourire, puis porte son verre à ses lèvres d’un geste amical tandis que le Corbeau s’éloigne déjà.

Dionysie à l'écrin doré = traquenard.

Que diable venait-elle faire dans cette galère ? Une vieille amie avait demandé son aide et, faisant jouer une vieille dette que Dellsa croyait avoir réglée depuis, à tort, elle avait obtenu de la pirate que celle-ci laisse son navire aux mains de son Second pour remonter à bride abattue jusqu’à la capitale de Belithrael. À l’heure qu’il était, la Pute Borgne mouillait au large d’Ossam après avoir débarqué sa capitaine à Til Garhyt. La missive reçue était pressante et bien qu’elle n’aime pas être prise en étau sans l’avoir vu venir, Dellsa n’avait pas vraiment eu le choix de répondre à l’appel.

Le problème, c’est que l’amie en question était une de ces femmes qui vendent leur corps pour survivre. Oh, qu’on ne se méprenne pas, Reyne n’était pas une femme dans le besoin : elle n’était pas non plus à la rue puisqu’elle était une des doyennes de l’Écrin doré, établissement connu à la fois pour son secteur ouvert, comme mystifié pour ses arrières-salles. Bien installée, Dellsa se demandait ce qu’elle lui voulait. Elle était arrivée dans l’après-midi, avait remis son cheval éreinté au palefrenier avec pour ordre qu’il le remette sur pied ou change de monture pour le soir même. Son but ? Régler le problème en peu de temps.

Mais bien entendu, elle était arrivée au pire moment pour se trouver à l’Écrin doré, chose dont elle se rendit compte lorsque le bruissement des voix s’amplifia alors qu’elle était en train de boire un verre de vin avec Reyne, dans la chambre de cette dernière après avoir réglé le problème -une vieille histoire d’arrangements au sein de la caste du scorpion, Reyne avait eu besoin d’un témoin en la personne de Dellsa, pour une affaire vieille de dix ans au moins. « C’est quoi, ça ? - Oh, sans doute les convives des Dyonisies. » À peine la prostituée avait-elle prononcé ces mots que la flibustière était sur ses pieds, à la fois furieuse et déjà en train de chercher un moyen de louvoyer entre les potentiels gens d’armes pour se barrer sans attirer l’attention. Sa tenue la désignait d’ores et déjà comme une intruse dans ce temple des délices, avec sa tunique et ses braies noires, rarement portées par une femme. Il allait falloir ruser. Heureusement Reyne avait des ressources et une panoplie de tenues variées.
C’est ainsi que Dellsa quitte ses nippes qui la désignaient comme une pirate et passe une des robes de Reyne, d’un carmin vibrant, profondément décolletée et brodée de fils d’argent, avec de longues manches fendues. « Je te la rendrai la prochaine fois. - Garde-la, elle ne me va plus de toute façon. » Coup d’œil à la catin entre deux âges, et Dellsa hausse les épaules avant de finir de se rendre méconnaissable en ajoutant un masque à facettes cuivrées, cousues sur un tissu bordeaux, et de se féliciter d’avoir laissé une partie de ses effets -de voyage, c’est-à-dire pratiquement rien- avec sa selle.

Ainsi affublée (cf gifs au dessus   ) et le visage potentiellement connu désormais dissimulé à toute éventuelle menace, la boucanière entreprend de foutre le camp et tente de se frayer un chemin jusqu’aux écuries. Bien entendu, ce n’est pas du goût de tous et bientôt un imbécile lui attrape le bras, croyant sans doute qu’elle fait partie des mets exquis du bordel. Forcément, instinct de survie oblige, elle réagit au quart de tour et menace l’outrecuidant : « Lâche-moi tout de suite, péon, si tu tiens à la vie. »

Dionysie à l'écrin doré.

La silhouette en robe rouge se glisse parmi les convives sans que l'on ne fasse plus attention à elle qu'à une autre. Le vêtement est simple, n'a rien à voir avec le luxe des costumes qu'elle côtoie et des parures brillant aux nuques, aux poignets et aux oreilles de celles et ceux venus profiter des festivités dont la fin importe peu à la discrète. Cette dernière n'est pas là pour les attraits orgiaques de la soirée, ceux-là même qui ont bondé les lieux et lui rendent la traversée de ces derniers quelque peu pénible, qui plus est avec un plateau rempli de coupes généreusement remplies. Non, Audélise ne trouve aucun attrait à toute cette débauche, si ce n'est la facilité avec laquelle elle pourrait faire les poches de tous ces gens de la haute. Mais pas aujourd'hui, et surtout pas dans le royaume de sa comparse, @Talia Sorall. Car c'est bien pour le Scorpion qu'elle est là, et pour donner un coup de main à la maîtresse des lieux pour grappiller quelques informations croustillantes çà et là, sans avoir à écarter les cuisses pour autant.

Ainsi, c'est vêtue comme une employée du bordel, pas de celles que l'on convoite, qu'elle perce la foule sans qu'on la remarque, si ce n'est pour lui réclamer à boire. Le plateau se vide pour se remplir aussitôt, son regard balaie les visages à la recherche de celui, familier, de la Sorall. Il lui en faut, du temps, mais elle la trouve, enfin, déjà bien entourée. Rien d'étonnant, mais quelque peu contrariant pour la jeune oroise qui aurait voulu lui parler entre quatre yeux et se faire indiquer d'éventuels gros poissons à aborder. Tant pis, elle se lance, au moins Talia sera-t-elle informée de sa présence et pourra les lui donner plus tard. Elle la rejoint donc, elle et ses interlocuteurs ( @neyla grey, @izan vétalàs, @amras gwelnaur ) dans toute la discrétion que l'on attend d'une servante aguerrie, leur tendant le plateau d'argent garni de coupes d'hydromel. Son regard croise celui des femmes, reconnaît la jeune prostituée et s'attarde sur sa sœur de caste avant de glisser vers les deux hommes. Ceux là, ça doit en être, des gros poissons.

Dionysie à l'écrin doré.

JJohr ingurgite une lampée de son vin épais à la manière dont un fauve se repaît du sang de sa proie. Un rictus triomphant naît sur ses lèvres empourprées. Regard plongé dans les yeux démoniaques d’Hera, dont il comprend trop bien les sombres desseins.

— Brû-leuh en en-fer.

Articule Johr de façon exagérée, afin que la Grande Prêtresse lise sur la bouche haineuse de son époux.
Vingt-cinq années de mercenariat lui ont appris que l’attaque est la meilleure des défenses. Elle s’efforce de le rendre jaloux ? Voyons ce qu’elle va penser de ça…

Johr scrute la grande salle de son regard, inspectant la gent féminine. Johr fréquentait déjà les bordels d’Elenath à l’âge de ses premiers poils au menton, mais de l’Écrin doré il visite uniquement les thermes. Pourquoi payer une catin, quand tous ses désirs sont comblés entre les murs du château ?

Comme envoyée par la providence, une furie au teint hâlé traverse la foule à la manière d’un galion poussé par la tempête. Par Legnar ! Voilà le genre de donzelle qui enflamme le sang de Johr, au contraire des courtisanes à la peau diaphane et aux manières infantiles. Son décolleté met prodigieusement en valeur le genre de poitrine opulente qui rend Hera jalouse.
La complice idéale, se réjouit Johr en interceptant l’inconnue.
Ni une ni deux, sa poigne de fer enserre le bras de la fille de joie. Laquelle se met à vociférer comme hennirait une jument durement piquée à l’arrière-train.

Cette voix… ? Familière, jusque dans les mots prononcés. Et pourtant, invraisemblable à une si grande distance de la côte. Inimaginable dans ces atours de dame. La Dellsa qu’il connaît préfèrerait se faire écarteler par les tentacules d’un calamar géant.
Les yeux de Johr fouillent les creux du masque à la recherche d’un autre visage qu’il reconnaîtrait.

— Je n’ai pas l’habitude de lâcher mes proies, paillasse à soudards. Pas tant qu’elles respirent encore. (Petit sourire en coin.) Donne-moi ton prix pour chanter toute la nuit. Je te veux et possède deux bourses bien remplies.

Johr éclate de rire. La pirate qui partage la voix de cette employée de charme lui trancherait la langue pour cette provocation. Ou elle essaierait, ce qui serait tout aussi divertissant que son délectable langage salé.

Dionysie à l'écrin doré = traquenard.

Aurait-elle été aussi agressive si le péon en question n’avait pas été une connaissance ? Soyons sincères, elle n’avait pas encore reconnu son assaillant que déjà elle crachait son venin. Mais une fois les mots lâchés, le bras restait maintenu et elle eut pleinement le temps de reconnaître l’outrecuidant qui pensait pouvoir la faire sienne. Pas un jeune freluquet en quête de sa première fois, mais ce cuistre de Leander, qu’elle connaissait depuis des lustres ! Combattant familier qui, de surcroît, n’avait guère l’air d’humeur à essuyer un refus, vu comme il lui répondit.

Toujours masquée, Dellsa n’avait donc pas encore été reconnue. Elle était à la croisée des chemins : elle pouvait, certes, se laisser saillir pour l’occasion, histoire que ça se termine vite et qu’on lui foute la paix, mais vu le trajet qu’elle avait à faire, elle n’avait nullement envie que ça s’éternise, or Messire le délavé annonçait la couleur d’une nuit torride et interminable.
Autant le calmer tout de suite avec ses pulsions, car elle avait autre chose à foutre que de l’aider à vider ses bourses.

Là où une employée aurait sans doute roucoulé avant de cracher un prix, Dellsa avait donc décidé de rentrer dans le lard de l’obstacle tout désigné, et en l’absence de coutelas qui eût été salvateur sans doute, elle utiliserait ce qui avait fait sa renommée dans les légendes qu’on racontait aux enfants des côtes pour qu’ils se couchent sagement : ses mains.
Se laissant maintenir par l’avant-bras, elle feignit de s’abandonner au colosse aux cheveux blancs, approchant le visage toujours dissimulé derrière ces sequins cuivrés de celui du potentiel client, se pressant même contre lui, poitrine toujours partiellement dénudée contre le torse musclé, comme pour lui dire des saloperies propres à éveiller son appétit. Mais dans la foulée, traîtresse comme une murène, l’autre menotte qu’elle avait de libre s’approcha desdites bourses désignées, et sans aucune douceur, s’en saisit et serra, tandis que la silhouette longiligne se hissait sur la pointe des pieds pour susurrer à l’oreille de ce brave Johr la suite de ses mises en garde : « Ferme bien ta gueule, Leander, sinon je te rends fausset. Maintenant, tu me lâches et- »
Interruption brutale par un coup dans son dos : un fêtard déjà bien attaqué a perdu l’équilibre et s’effondre contre eux alors qu’elle n’avait pas fini de clarifier ses menaces, les projetant par terre dans un mouvement de foule si courant dans ces festivités arrosées.

Elle qui avait compté sur l’efficacité de ses menaces devait désormais faire avec une donnée qui n’aurait pas posé problème si tout s’était passé sans encombre : elle s’était donc dévoilée, sinon physiquement, au moins caractériellement, et Johr allait sans doute -si ça n’était déjà pas le cas- reconnaître la pirate, qui pour l’heure se relevait lentement, les paumes ouvertes levées face à Johr, comme pour lui intimer de rester calme. (La belle affaire, elle avait tout de même été peu douce avec ses bijoux de famille).

Dionysie à l'écrin doré.

JLa position horizontale, surplombé d’une femme à califourchon, fait habituellement partie des plaisirs de la vie (après l’énucléation, l’éviscération et autres massacres en règle). Le premier hic, c’est que son dos repose sur une surface aussi inconfortable que le pont d’un navire. Autre fait irritant : tous deux ont fini à terre par l’humiliant hasard d’une bousculade. Pire, des vagues de douleur lui remontent encore de ses parties intimes durement compressées par des mains expertes (expertise qui en dit long sur l’âge de la coquine). Et le pire du pire, c’est que sa compagne d’infortune et tortionnaire n’est autre que Dellsa aux mains rouges !

— T’aurais mieux fait de rester sur Ouvre les cuisses et n’a qu’un œil ! grogne le mercenaire solidement charpenté en se relevant.

Dell n’est pas la plus finaude sur la terre ferme – en mer, elle se greffe le cerveau d’un poulpe –, mais la référence suffira à certifier que Johr a identifié la faucheuse de bourses pleines.

Un rictus mauvais déforme le visage du mercenaire, tiraillé entre la vindicte et le désir. Lui briser le cou sur-le-champ ou… bon sang, cette femme de poigne (il en a fait l’expérience ambigüe, douloureuse et stimulante) exerce sur lui une attirance quasi surnaturelle. Maudites festivités dévolues à la luxure !
Johr envisage sérieusement d’assouvir ses deux envies (dans un ordre qui reste à déterminer) lorsque le malandrin responsable de leur chute se met à baragouiner des excuses.
Legnar ! Voilà l’exutoire tout désigné pour étancher sa colère. Sans excès et de façon discrète, car Talia est une informatrice précieuse… et se montrera moins coopérative si la cervelle d’un crétin aviné gicle sur ses invités de marque.

Ni une, ni deux, Johr bondit dans les jambes de la pirate avec la célérité foudroyante d’un tigre. À bord de son maudit rafiau, Dell aurait esquivé l’assaut d’un pas agile sur le côté. Mais ce soir, la robe rouge emprisonne les jambes félines. C’est sans difficulté que Johr redresse son torse puissant, ladite pirate étalée sur ses larges épaules.

— Je suis sûr qu’elle vaut ses vingt argent ! justifie-t-il auprès des badauds avec un rire triomphant. La catin a été dûment louée pour la nuit, et se débat pour satisfaire son maître aux goûts connus pour la lutte. Le service d’ordre n’a donc aucun besoin d’intervenir.

Par un mouvement de rotation savamment orchestré, passant pour une infortune de plus (bigre, les Gwelnaurs sont d’incorrigibles maladroits !), les chausses de la furie rouge percutent violemment le crâne du fêtard à la mine déconfite (contrarier le mercenaire royal n’est jamais bon pour l’espérance de vie). L’homme tombe à la renverse. Gaucherie supplémentaire, Johr marche sur le corps du malheureux avec le poids de Dellsa s’ajoutant au sien (on s’abstiendra de tout commentaire sur la pesée de la crapule des mers).

— Fichtre, la sortie est de l’autre côté ! s’exclame alors le mercenaire.

Qui écrase le ventre du fêtard dans l’autre sens, les babines retroussées de  cruelle façon. Un gémissement plaintif accompagne l’air quittant les poumons. La bouche en O régurgite un mélange de vin et de bile.
Sans daigner baisser les yeux, Johr s’immobilise. Sa voix tranche comme la hache acérée du bourreau.

— Ramasse ton lisier, porcelet, ou c’est ton cadavre qui nourrira la terre.

Le pied de Johr quitte le ventre mou, dirigé vers la sortie de l’Écrin doré.

Dionysie à l'écrin doré.

Ces bougres de brigands n'ont franchi la porte il y a quelques minutes, emportant avec eux leurs funestes projets : qu'elle s'écroule au sol et laisse une ouverture béante avalée par une ombre terrible. Un pauvre hère qui se tenait là est écrasé par l'entrée fracassante, sous les doigts crochus d'une forme indistincte.

Le foule la plus proche de l'entrée pousse un hurlement unanime et ne tarde pas à ruer dans tous les sens, renversant les coupes, emportant les tables, malmenant les filles. "GOULE", entend-on sonner l'alerte dans toute la salle, tandis que la créature se jette pour éventrer sa première victime. Une pute superbe, un bien triste dommage.

Cahin-caha, les convives terrifiés tentent de ruer vers l'extérieur mais une autre de ces horreurs arrive et leur bloque toute retraite.
A l'étage, dans les luxurieuses chambres, une catin hurle comme une truie qu'on égorge.
Les trois bêtes infernales ont senti le festin à des lieues d'ici : la chasse est désormais ouverte.

Dionysie à l'écrin doré.

Après une absence assez brève (néanmoins suffisante pour alléger des bourses bien remplies, diraient les mauvaises langues), le mercenaire royal déboule à l’entrée de l’Écrin doré avec la discrétion d’un lion au milieu d’un troupeau de gazelles. L’homme aux cheveux gris est rouge d’excitation, accompagné de « sa » catin tout aussi affublée du teint de la passion. La robe est sauvagement fendue d’une lacération verticale dans sa partie inférieure, et on imagine aisément à quoi s’affairaient les deux coquins au visage proche de l’extase.
Que nenni ! Les apparences sont parfois trompeuses.

— On va se faire celle-là, pirate ! rugit Johr en désignant la goule sévissant à l’entrée.

Johr ne parle évidemment pas de s’adonner à la gaudriole dans un lit trois places, malgré les pratiques débridées ayant cours dans l’établissement de luxure.
Car la main désignant la cible est couverte de sang, garnie d’une lame rouge du même liquide vital. L’autre main a visiblement trempé dans le même bain, et celles de la fausse catin ont l’air d’y avoir longuement barboté.

— Écartez-vous, volailles, ou ma lame explorera vos entrailles de façon plus cruelle que leurs griffes démoniaques !

La foule court dans tous les sens, semblable à des gallinacés affolés par l’attaque de renards dans leur poulailler. Johr offre un coup de poing à une pute accourant avec l’espoir d’obtenir la protection du célèbre combattant. Elle choit à ses pieds, tel un arbre terrassé par la foudre.
Profitant d’une ouverture, le mercenaire projette sa dague à la vitesse d’un carreau d’arbalète. La lame s’enfonce dans l’omoplate de la goule jusqu’à la garde. L’horrible créature pousse un cri inhumain, paraissant venir tout droit de la gueule de l’enfer, puis se retourne en direction de l’intrépide agresseur.

— C’est ça, ramène ta vilaine carcasse par ici, étron puant de Kendassa !

Un filet de bave vermeil coule de la bouche hideuse de la créature, qui toise le mercenaire avec une haine plus noire que la nuit.
D’un bond sur le côté, Johr s’empare d’une torchère et l’incline à la manière d’une lance. Jambes légèrement fléchies, un pied en arrière, juste à temps pour accueillir la goule à la rapidité stupéfiante.
L’imposant mercenaire accuse la charge. Un cri de rage jaillit entre ses dents serrées, faisant écho au hurlement de douleur de la goule. Du poitrail brûlé de celle-ci s’échappe une odeur méphitique de cadavre carbonisé.

— À toi, Dell ! Vise la tête !

Avec la force de plusieurs hommes, Johr accule la créature contre un solide mur de pierre. L’immobilise à l’aide de son arme improvisée. Le plateau brûlant du brasero écrase la poitrine de la goule infernale ; un sinistre craquement se fait entendre lorsque les côtes décharnées se brisent sous la pression terrifiante du mercenaire. Le corps meurtri se débat ; les bras s’agitent. Et leurs regards plus sauvages que des bêtes se livrent à un duel plus acharné encore.

Dionysie à l'écrin doré.

Non seulement elle n’avait pas réussi à mettre les voiles de Belithrael comme c’était son plan en quittant la chambre de Reyne, mais en plus de cela, elle revenait toute ensanglantée dans l’Ecrin Doré, une arme à la main, démasquée et la tenue malmenée. Autant dire que c’était un zéro pointé sur toute la ligne, mais qu’elle n’avait jamais été femme à fuir une bataille. Certes, quand elle pouvait éviter de croiser les navires battant pavillon de la marine royale de Gwelnaur, elle le faisait. Mais en général, à part ça, elle était de tous les abordages et de la plupart des bagarres de taverne.

Or c’était tout autre chose que ce qui se présentait sous ses yeux. Ce n’était pas tant le sang qui la déconcertait -comme développé plus haut, elle était habituée, et elle n’était pas une blanche brebis à l’instant même où elle revenait dans l’enceinte de l’écrin doré puisqu’elle avait dû précédemment lutter pour sa propre survie. La lame qui ornait sa main était ainsi un objet qu’elle avait dérobé à un mort, avant de suivre la silhouette du Délavé qui l’avait précédée de quelques pas à peine dans l’établissement thermal. La silhouette avait retrouvé de l’agilité, comme si le chaos ambiant l’ancrait mieux sur la terre ferme que les festivités précédentes. L’adrénaline devait sans doute y être pour quelque chose aussi. Laissant à Johr la responsabilité d’écarter les catins et leurs clients du passage, elle en encouragea une à s’éloigner en la saisissant au bras avec fermeté : « Bouge, si t’aides pas ! ». (@Audélise des Orois était ainsi prise pour ce qu’elle n’était pas, mais si ça lui permettait de rester en vie, c’était plutôt une bonne chose, non ?)

Dellsa ne savait pas grand chose sur les goules, à part que c’était des sacrées saloperies terrestres qui ne savaient pas nager -et c’était tant mieux, manquait plus que ça se ramène sur l’eau. Elle avait cru comprendre aussi que ça n’aimait pas le feu, mais de là à se dire experte, il fallait pas non plus rêver. Aussi, elle observa quelques instants Leander qui lançait un poinçon sur la goule. Certes, ça gueulait presque pire qu’un pourceau, mais ça n’avait pas vraiment l’air de lui faire beaucoup de mal, cette lame aiguisée plantée dans son épaule. Autour d’eux, c’est une foire d’empoigne, la panique provoquant ce mouvement de foule terrible qui piétine ce qui n’est pas assez rapide pour suivre le mouvement. La cohue avait quelque chose d’enivrant, tous ces cris horrifiés ça devait bien plaire à Dellyn et Legnar -avec un peu de chance, c’était eux qui s’étaient dits qu’il fallait égayer la soirée, tiens. Pour autant, fallait pas oublier que les deux aux Mains Rouges s’étaient donnés une mission, et qu’elle n’allait pas se plier toute seule -ça aurait manqué de charme, franchement. Elle aurait pu couvrir les arrières Johr, mais il n’en avait franchement pas besoin, se débrouillant comme un chef pour bloquer la créature sortie droit des enfers, avec son haleine putréfiée et ses membres décharnés. Sauf qu’il y a des choses qu’on ne peut pas faire, quand on maintient une goule à distance en la cramant comme on peut, si on en croyait l’injonction qu’il éructa : « À toi, Dell ! Vise la tête ! »

Forcément.
Le sale boulot.
Quand il faut en finir, toujours s’en remettre à une femme.
La tête, donc.

Pas très facile à atteindre avec un poignard à peine long comme son avant-bras, surtout quand les membres hauts de la bête tentait d’écarter toute menace du tronc. Pas vraiment d’ouverture. Pas vraiment de solution. Raison de plus pour faire preuve de mauvaise foi : « J’aimerais bien t’y voir ! » qu’elle lui lance tandis qu’elle ne détache pas ses prunelles brûlantes du monstre.
On serait sur mer qu’elle aurait pris appui sur les gréements pour s’approcher, mais elle n’avait pas de pouvoirs magiques qui lui auraient permis de marcher sur les murs. Tout ce qu’elle avait à portée de main, c’était ce coutelas qui ne servirait à rien et… Elle allait devoir se résoudre à prendre le même type d’armes que Leander et plutôt que de se faire écraser connement par le même type de torchère qu’il brandissait, elle avisa plutôt un gourdin enduit de poix qui servait à allumer lesdits brasero en temps normal.
Elle n’avait pas couru aussi vite depuis longtemps (ça n’était plus de son âge, et ses articulations la feraient souffrir le lendemain, c’était à parier) et elle s’arma de ce gourdin qu’elle embrasa au brasero voisin avant de foncer sur la monstruosité en hurlant un dramatique « Crève, charogne ! », flamme en premier, brûlant le bras qui s’agitait, provoquant un repli immédiat du membre blessé pour réussir à atteindre la gueule béante de la goule dont s’échappait en continu un hurlement horrifiant depuis de très longues secondes (il paraît qu’on appelait même ça des minutes, à force), gueule qui s’était justement tournée vers Dellsa (ça lui facilitait la tâche, tiens, fort pratique).
Et les Mains Rouges d’agiter avec l’énergie du désespoir la torche sur le museau, le cri assourdissant vrillant les tympans de Dellsa en retour, l’odeur du cochon brûlé qui envahissait tout l’espace proche.

Dionysie à l'écrin doré.

L’odeur âcre et familière de chair calcinée emplit les narines de Johr, dilatées par l’effort tel le nez furieux d’un taureau. La goule vomit du feu de sa gueule tordue par la douleur, comme si Legnar en personne venait de l’embrasser. Ses cris stridents étirent les lèvres du mercenaire en un large sourire cruel.
Il oriente son visage impitoyable vers Dellsa et ricane de sa voix tempétueuse :

— Fille de la mer, tu es en feu ce soir !

Un feu qu’elle manipule avec une inefficacité aussi criante que la créature de l’enfer. Suffisante néanmoins pour leur assurer une victoire nette et brutale.
Tout en maintenant la pression écrasante de sa lance improvisée, Johr lorgne les formes voluptueuses de Dellsa que souligne la robe moulante, rouge et fendue. Avise d’un œil expert la sauvagerie innée de ses gestes. Par la fureur de Legnar ! Dellsa passerait aisément pour une amante du dieu du volcan.

Enfin, la goule mollit. (À l’inverse du mercenaire.) Au milieu de la salle, à quelques longueurs derrière la pirate, Johr aperçoit la deuxième engeance infernale qui arrache le bras armé d’un garde, avant de lui déchirer la gorge d’un coup de griffes. Quelle bande de fornicateurs incapables, ces protecteurs de l’Écrin doré !

— Recule ! ordonne Johr à Dellsa.

Le mercenaire relâche son emprise avec méfiance, gardant leur proie sous la menace de la torchère. Certains animaux à l’agonie savent très bien mimer la mort, et restent capables d’infliger une dernière morsure mortelle aux chasseurs imprudents. Le cadavre de la goule glisse lentement le long du mur, traçant une empreinte sanglante sur la pierre. Johr lui assène une série de coups puissants sur le crâne, maniant la torchère à la manière d’une hache de bûcheron, jusqu’à ce que la tête hideuse disparaisse en bouillie informe.

— Fais sortir les gens, détrousse quelques cadavres si tu veux, je m’occupe du reste !

Johr jette derrière lui la longue tige métallique sanguinolente, souillée de débris d’os et de cervelle. Ses yeux coléreux dévorent la scène morbide qui se joue au milieu des cris et des pleurs : le monstre arrachant la moitié du visage d’un homme entre ses dents taillées en pointe.
D’un bond au-dessus d’une pute piétinée par la foule, Johr se retrouve au côté de son alliée imprévue.

— Je ferai savoir que Dellsa aux Mains Rouges est venue en aide à la noblesse de Gwelnaur. Cela te vaudra quelques élans de sympathie qui allègeront ton exécrable réputation.

Sans un mot ou un regard de plus, Johr se fraye un passage jusqu’au bras tranché du garde vaincu, qu’il ramasse. Ses dents puissantes écartent les doigts raidis autour du manche de l’épée. D’un geste nonchalant, le membre inutile voltige à travers la salle. Une noble pousse un cri d’épouvante en recevant l’horrible déchet humain entre ses mains. Johr n’y prête aucune attention : un sentiment de puissance inonde ses veines gonflées d’excitation lorsque sa paume enserre l’acier meurtrier de l’épée.
Son bras libre saisit un homme au col, dont il a soigneusement évalué la taille.

— Encore toi ?! Maintenant recule devant moi, ou je te saigne comme un goret !

Il s’agit du même crétin alcoolisé qui avait provoqué leur chute, à Dellsa et lui, plus tôt dans la soirée. L’homme ivre recule en balbutiant des paroles incompréhensibles. Son regard vitreux oscille entre la pointe de l’épée braquée sur sa tête et le regard terrifiant du mercenaire royal.

— Ouvre la bouche, comme si tu t’apprêtais à téter les mamelles d’une putain. Voilà ! Et tiens-toi droit, nom d’un chien galeux.

L’homme a tout juste le temps d’entendre un grognement guttural à l’arrière de son crâne. Les griffes de la goule lacèrent en profondeur le dos du bouclier humain, qui ne ressent plus aucune douleur. L’épée de Johr lui a traversé la bouche d’une frappe d’estoc fulgurante. Fendant la paroi osseuse et poursuivant sa progression mortelle jusqu’à la tête de la goule, transpercée d’égale manière.

— Allez téter les seins noirs de Kendessa ! Vous me direz quel goût a son lait !

D’un coup sec, Johr retire la lame des deux crânes perforés. Les corps inertes s’écroulent d’un même mouvement, chutant ensemble vers les sombres entrailles de l’enfer.

Sans accorder plus d’importance à sa victoire, le regard de Johr se dresse vers l’étage où sévit la dernière goule affamée.