Grand bal en l'honneur du futur mariage.

La reine s'est exprimée, la nouvelle est tombée et les futurs mariés se sont mis à danser. Ce n'est nul autre que la charmante Juliana Savelli qui succèdera à la reine aux côtés de son futur époux, le Prince Lovell. Galadhorn et Heledir, deux royaumes représentés dans cette union qui fait déjà des jaloux. En effet, certaines femmes auraient très certainement voulu être celle que le prince faisait désormais valser, mais il avait à présent une cavalière à son bras et une bague au doigt. Quel beau couple que celui-là, valsant au milieu de la salle de bal avec une grâce digne des dieux. Les mauvaises langues y trouveront très certainement quelque chose à redire, alors qu'ils s'expriment maintenant ou qu'ils se taisent à jamais. En effet, les fiançailles étant annoncées, leur union ne saurait tarder. La musique et les discussions flottaient dans les airs, imprégnant la pièce d'une douce atmosphère. L'heure était aux réjouissances et bon nombre de duos avaient rejoints le prince et sa fiancée sur la piste de danse. Des sourires, de la joie, des rires. Un somptueux bal pour une somptueuse nouvelle.

Et pourtant… Alors que la nuit se faisait de plus en plus sombre et que des éclairs venaient à fendre l’air extérieur, les portes de la salle s’ouvrirent sur un homme, seul, inconnu de tous. Il semblait venir de l’une de ces légendes que l’on raconte au coin du feu pour effrayer les enfants. Tout de noir vêtu, des marques sur son visage faites avec du sang, et un regard vide. Un regard fou. « N’avez-vous pas honte dans vos somptueuses tenues ?! L’apocalypse approche et les ténèbres nous engloutiront tous ! Je la vois parmi vous…la noirceur, la violence, l’envie de vengeance ! Le chaos naît en chacun de vous et bientôt, très bientôt, il déchaînera l’enfer sur Elenath ! » Ni une ni deux, l’homme se retrouva cerné par les hommes de la reine qui l’entraînèrent à l’extérieur de la pièce, mais ses cris continuaient de verser leur venin sur les convives. « Vous ne pouvez plus vous cacher ! Kendassa n’épargnera personne ! » Et les lourdes portes de la salle se refermèrent dans un bruit assourdissant, tandis que l’orage se faisait entendre. Chacun se questionnait. Pouvait-il avoir raison ? Ou avait-il seulement perdu la raison ?

Grand bal en l'honneur du futur mariage.

L'amazone avait laissé derrière elle la tranquillité de ses terres. Le silence qu'elle y trouvait lui était d'autant plus précieux qu'il était éphémère. Mais quand son roi ordonnait, elle traversait le royaume pour rejoindre sa capitale et y recevoir des instructions qu'elle suivrait quoi qu'elle en pense. Parce qu'un bon soldat ne réfléchit pas, il obéit.
S'il en avait décidé ainsi, elle aurait laissé Elrohir pour Belithrael afin de veiller sur la reine et seulement sur elle. Cette décision aurait achevé de terrasser ce cœur pourtant intransigeant qu'était le sien, mais elle l'aurait fait. Les dieux en soient loués, elle était utile ailleurs pour son royaume. Et c'est dans cet ailleurs que résidait son bonheur.

Elle avait laissé ce bonheur entre les mains de son père à la cour. Cette immense scène de théâtre où ils jouaient leur jeu de dupe à la perfection. Noë n'avait eu que peu de peine à apprendre sa propre partition. Si Lady Kaedwen était un titre qu'elle avait pris par obligation, les sentiments qu'elle avait fini par éprouver pour lui n'avaient jamais été feints. En retour il ne lui avait offert que l'insulte de la plus sincère des affections. Rien de plus. Juste assez pour que son cœur flanche encore à sa vue. Plus le temps passait, moins elle savait s'il le faisait par amour ou pour lui rappeler sa défaillance. Mais les deux n'étaient-ils pas liés ?

Ces "considérations" n'avaient plus lieu d'être une fois son armure ceinte. Elles n'avaient pas leur place. Veiller sur sa reine était tout ce qui lui importait désormais. Elle l'avait accompagnée en sécurité jusqu'à Kaern pour les fiançailles du jeune prince.
Il lui était encore étrange d'être à la cour d'un royaume qu'elle avait connu plus de dix ans plus tôt, tranchant dans les rangs de son armée de sa lame ondulée. En tout bonne gwelnaurienne, elle ne croyait pas à la paix. Ces trois reines réunies pour fêter la continuité de la vie, ce n'était que de la poudre aux yeux. Melinoë savait reconnaître une scène de théâtre quand elle en voyait une.
Ce qu'elle ne savait pas encore, c'était dans quel rôle placer le plus impromptu des invités. Officiait-il comme personnification du Destin, ou n'était il rien de plus que le boufon de la reine ? Dans un cas comme dans l'autre, la sécurité de ce palais laissait à désirer. Aussitôt aux côtés de sa reine, la main au pommeau, elle réalisa que ce séjour en Heledir serait source de plus de méfiance qu'il ne l'était déjà.