nom, prénoms : Tesmicca Sufelon, dite « Tess » pour aller plus vite. Le reste a été oublié par ceux qui auraient pu l’employer. âge, lieu de naissance : quarante ans, mais la souffrance et la folie lui ont creusé les traits et l’ont vieilli de dix ou quinze ans au moins. De loin, sans la connaître vraiment, on lui donnerait la cinquantaine bien passée. Elle était belle autrefois, désormais elle s’est enlaidie avec l’horreur. groupe : née en secteur Heledir, dans la forêt touffue qui sépare le royaume de Gwelnaur, elle a renié ses origines et se considère sans-nom. métier : alleresse, avorteuse et chirurgien-barbier, elle s’est improvisée en prime empoisonneuse depuis qu’elle a perdu l’esprit, pour une banale histoire d’équilibre entre les morts et les vivants. état civil : élevée par des religieuses, elle a été chaste et prude jusqu’à donner son cœur, son corps et son âme à un homme, à trente ans. Les trois ont été brisés lorsque l’enfant issu de leur union est né mort-né. Elle erre depuis, esseulée et solitaire, coupée de tous ses proches par la folie qui l’a aveuglée. guilde : Guilde du Cancer à l’origine, mais autant dire qu’elle ne répond plus vraiment aux exigences et aux principes de la Guilde et qu’elle a jeté l’opprobre sur sa profession. Pour autant, elle n’en a pas encore été radiée car ses méfaits ne sont pas connus.

NAÏVETÉ • Jeune, elle n’avait pas été préparée aux duretés de la vie. À l’abri des murs de la maison des religieuses qui l’avaient recueillie lorsque bébé elle avait été déposée sur leur perron, elle avait été bercée par les légendes d’Elenath et sensibilisée à la douceur d’Amedë. Chaste et pure, elle l’était restée jusqu’à savoir ce qu’elle voulait faire de sa vie, lorsqu’une servante des Dieux se blessa profondément et échappa aux bras décharnés de la mort grâce à une guérisseuse de passage dans le secteur. Le hasard avait mis cette femme sur sa route et Tesmicca la suivit sur les grands chemins, avides d’en savoir toujours plus sur les façons de soigner les vivants. Elle devint ainsi alleresse et entra dans la Guilde du Cancer, déjà très active en Heledir alors qu’elle avait à peine quinze ans. Jeune femme gracile, aux hanches déjà larges, parfaites pour accueillir un enfant dans son giron, Tess ne se donna pourtant à personne, convaincue que l’homme qu’elle choisirait serait le seul de sa vie. Elle l’imaginait doux, blond, comme Elrawyn ou Smirre, représentés dans les vitraux de la petite chapelle qui jouxtait la maison des retirées du monde. En quelques années, elle avait appris tout ce qu’elle pouvait de sa mentor et avait changé de secteur, traversant les frontières régionales d’Elenath pour parcourir le monde et offrir ses services d’accoucheuse (et d’avorteuse aussi, parfois, mais plus discrètement) partout où on pourrait en avoir besoin. Ses cheveux auburn touffus étaient attachés par un lien de cuir dès qu’il fallait ausculter et elle avait toujours sur elle des onguents, des aiguilles, des compresses, une pince pour arracher les dents et un rasoir, puisqu’elle agissait parfois aussi comme barbier.
AVEUGLEMENT • Dix ans plus tôt, elle tombe sous le charme d’un marin, rencontré dans un port de la côte. D’un capitaine même ! Ayant appris avec les dames qui avaient fait son éducation à ne pas juger les autres, Tess n’a que faire qu’il soit mutin et patricide, ne s’attachant qu’à le recoudre puisqu’il est blessé, discutant pour détourner l’attention de son patient dont elle réunifie la carne. Il n’a rien des dieux qu’elle adulait petite, ou du physique qu’elle pensait apprécier jeune femme, mais ce qu’il répond la touche au cœur et elle voit en lui un être à soigner davantage encore. Du reste, elle n’est pas indifférente au regard qu’il darde sur elle et, mue par un désir qu’elle n’avait jamais encore ressenti, elle se donne à lui, lui abandonnant son corps en premier lieu, et son cœur très vite après. Ses dons de guérisseuse et chirurgienne la rendent fort utile sur un esquif, son cœur lui interdit de se séparer de cet homme dont elle est tombée amoureuse, convaincue orgueilleusement qu’elle seule peut le sauver : elle le suit à bord du Chien de Mer, se soustrayant au monde quelques temps, pour pouvoir n’être qu’à lui et maintenir en vie l’ensemble de l’équipage du navire pirate. Pirate ? Qu’importe, elle est viscéralement convaincue qu’elle s’est donnée à un homme bon et s’aveugle sans chercher à prendre du recul.
MATERNITÉ • Des femmes enceintes, elle en a croisées de nombreuses dans ses voyages sur le plancher des vaches. Elle sait reconnaître les signes, elle connaît la théorie, elle est consciente des phases, si bien qu’elle sait très vite qu’elle porte la vie quand bien même ça n’était pas prévu au programme. Éperdue, elle annonce la chose à son aimé mais la réaction n’est en rien celle qu’elle aurait pu imaginer. Contre vents et marées, contre tempêtes et fureur, elle fait un choix qu’il n’approuve pas, celui de garder l’enfant, s’affirmant avec détermination à un instant où il aurait peut-être mieux valu qu’elle se range à l’avis de son amant. C’est qu’il y a une envie pernicieuse qui est née dans son sein en comprenant qu’elle était enceinte, celle de connaître la même chose que ces accouchées continentales, elle à qui on a répété que c’était la plus belle des expériences possibles pour une femme (les hurlements de douleur des parturientes au moment d’expulser ce nouvel être de leur giron laissent la place à la critique, mais bref). En outre, il y a cet espoir fou, irrationnel et sans aucun fondement scientifique, que cet enfant, leur enfant, soit la clé du sauvetage d’Azran, qu’il éveille ce cœur qu’il affirme ne pas avoir.
FRÉNÉSIE • Elle est devenue folle de douleur après l’accouchement, la fièvre puerpérale qui aurait pu l’emporter en quelques semaines lui ayant donné maintes hallucinations dans lesquelles elle est persuadée qu’Amedë lui a confié une mission tout bonnement irréalisable : rétablir l’équilibre entre les vivants et les morts, qu’elle avait fait dérailler en aidant tant de femmes à délivrer leur progéniture sans rendre l’âme en passant. Bien qu’impossible à remplir, cette mission est le seul espoir qui la raccroche à la vie, car si elle accomplit ce miracle, Amedë lui a promis d’intercéder auprès de Delildor pour inverser le temps et lui rendre son enfant. Il vaudrait mieux, peut-être, que ce môme revive puisqu’elle ne peut désormais plus en porter, frappée d’une stérilité séquellaire à la suite de l’infection presque mortelle qui aurait pu la jeter dans la tombe. Elle tue parfois des familles entières en empoisonnant leur repas, parfois simplement un voyageur qu’elle a croisé en forêt et qui n’a pas eu la présence d’esprit de mettre de la distance entre lui et la femme sans âge. Elle n’a pas de logique, si ce n’est celle de compter les morts ajoutés à la balance, pour qu’ils restent devant les enfants qu’elle délivre encore, ne reniant pas totalement sa vocation originelle.

VARIA • elle est ambidextre, mais ne sait ni lire, ni écrire - elle devrait porter des lunettes pour pouvoir voir au loin : sa myopie l’empêche de distinguer des menaces à l’horizon, puisqu’elle les voit floues - elle aurait voulu se crever le cœur, le jour où elle s’est rendue compte que l’enfant qu’elle avait porté en son sein était mort avant qu’elle n’ait plus le prendre dans ses bras, ça ou se jeter du haut de la falaise la plus proche mais la lâcheté a retenu sa main - il lui arrive parfois de parler au vent : dans ces moments-là, c’est qu’elle croit discuter avec Amedë elle-même, qui se manifeste à ses yeux sous la forme d’une jeune femme blonde - elle croit dur comme fer à l’existence des dieux et à leur interférence dans la vie des hommes et des femmes d’Elenath et est persuadée que certaines rencontres ont été le fruit d’une intervention divine - de la même manière, elle croit complètement à la magie et est convaincue qu’il lui faudra le concours d’une sorcière ou d’un sorcier pour éveiller son enfant lorsqu’elle aura atteint le décompte attendu et aura rétabli l’équilibre entre les morts et les vivants.



ton pseudo : Arté, ça ne change pas. comment as-tu trouvé RGEO ? : ça commence à remonter, mais ça doit être via Bazz. et t'en penses quoi ? : meh. (cheh) des trucs à ajouter/améliorer ? : nope. je veux être parrainé(e) ? : ça ira, merci.

J’incarne déjà Dellsa & Marellis : Tesmicca est vouée à mal finir à un moment (perso éphémère)

KELLY REILLY ▬ tesmicca sufelon

Une silhouette encapuchonnée entre dans une taverne tandis que la pluie battante inonde les paysages alentour. L’eau dégouline le long de la cape et les chausses crottées laissent des traces derrière la femme qui se dirige sans hésiter vers l’âtre où rougeoie un feu. Lorsqu’elle ôte sa capuche, une cascade de boucles rousses dégringole jusqu’au creux de ses reins. Elle dégrafe sa cape et la pose sur une chaise libre à sa gauche, ôte ses souliers qu’elle pose juste devant la cheminée et entreprend de frictionner rapidement ses pieds glacés pour y faire circuler le sang qui s’y était presque figé. Les quelques voyageurs dans l’auberge observent son manège quelques instants avant de retourner à leur chope d’ale d’un air absent. La tavernière s’approche d’une démarche claudiquante et finit par poser un bol de potage fumant devant la nouvelle arrivée, qui la remercie d’un large sourire et d’un mot bref.

Une fois la maîtresse des lieux revenue au comptoir, un des ivrognes lui attrape l’avant-bras et l’interroge à voix basse quant à la matrone de haute stature isolée près du foyer.
- Qui c’est ?
- Qu’est-ce que t’as, t’es tombé amoureux d’un coup ?
- Bah, elle est pas bégueule quand même.
- Laisse, elle est pas pour toi.
- Non mais raconte, t’as l’air d’la connaître !, qu’il insiste, parce que la ribaude lui a tapé dans l’œil quand même et qu’il voudrait pas avoir l’air trop rustre en l’abordant si la donzelle est une grande dame.

La tavernière se gratte la nuque, jette un coup d’œil vers la femme à l’autre bout de l’auberge et finit par se pencher un peu plus par dessus son comptoir pour divulguer au pochetron ce qu’elle sait sur la voyageuse. Elle lui raconte alors que la rouquine est arrivée un jour à son auberge et qu’elle s’est présentée comme une alleresse en quête de travail. L’orientant alors vers Deláthiel, la tavernière avait quand même pu glaner quelques renseignements, apprenant que la rousse venait des îles sans-nom et était devenue accoucheuse et chirurgienne itinérante. L’aviné hoche la tête régulièrement, dit « oui oui » pour ponctuer les silences tandis que l’hôtesse s’inquiète de savoir s’il écoute encore. Elle l’informe enfin sur le nom que donne l’énigme faite femme, qui se fait appeler Tess, sans vraiment qu’elle ne sache si elle a un nom de famille ou quoi.

Une fois ragaillardi et fier de ses nouvelles connaissances, le pendard s’arrache du comptoir et titube jusqu’à s’abattre sur une chaise qu’il racle d’abord par terre pour arriver à la hauteur de l’alleresse, qui était en train d’admirer les flammes.
- Vous voyagez seule, Madame ?, qu’il réussit à articuler une fois installé.
Le regard qu’elle pose sur lui est de glace, absolument pas raccord avec le sourire poli qui étire ses lèvres. Ça lui ferait peut-être se demander si elle était nette, la gueuse. Elle se détourne des flammes et reporte son attention sur ce gêneur. Il semble à l’imprudent qu’elle change d’attitude soudainement, comme si elle brûlait d’une nouvelle détermination, aussi soudaine qu’étrange.
- Comme vous le constatez, qu’elle répond, les bras croisés.
À la lumière vacillante du feu, le vagabond repère des rides et des plis sur son visage qu’il n’avait pas vus plus tôt. La femme qu’il pensait plutôt jeune et gracile est en fait âgée, a peut-être l’âge d’être sa mère, mais il y a quelque chose dans ses yeux qui la rend magnétique. Et puis, ça serait pas la première fois qu’il baiserait une mère, tiens : c’est pas ça qui va le retenir.
Le ton de voix reste froid chez la dérangée, mais ils nouent connaissance et, à la fraîcheur de la dame, se substitue la chaleur de l’âtre qui est ré-alimenté par le sans-terre, curieux d’en savoir plus sur sa camarade de périple. Elle ne se déride pas, certes, mais ils trouvent des points d’entente et d’accord, notamment lorsqu’il arrive à lui faire cracher -alors qu’elle n’ingurgite pas une seule goutte d’alcool- qu’elle se dirige vers les terres Gwelnaur pour y passer les premiers mois de l’été.

S’il faut être honnête un instant, Tesmicca a choisi cette direction au hasard, voyageant au gré des indications de la déesse, lorsque celle-ci veut bien lui apparaître. Pour autant, c’est l’aubaine, puisque le marchand ambulant compte s’y diriger aussi pour écouler des marchandises variées qu’il commence à énumérer sans qu’elle y prête vraiment attention.

Le lendemain, lorsque la pluie n’est plus que bruine légère, les deux voyageurs repartent ensemble, suivant le sentier qui les dirige vers les frontières de Gwelnaur, dont le vagabond assure connaître un passage non-surveillé qui leur permettra de traverser sans être arraisonnés. La tavernière aura mis en garde la rouquine contre les manières potentiellement chafouines mais lui aura assuré que ce n'était pas un mauvais bougre.
Comme si les paroles d'une tenancière pourraient éteindre le feu secret qui avait pris possession de l'âme de Dame Sufelon.
Néanmoins, sur les traits de l'alleresse, point de signe indication son terrible choix.

Ce n’est que lorsqu’Elrawyn se lève haut dans le ciel le lendemain matin qu’un paysan qui allait labourer son champ trouve un cadavre d’homme dans un fossé près de ses terres. Le pauvre hère a dû s’empoisonner en mangeant des baies vénéneuses, juge-t-il, et il ne cherche pas à prévenir le guet, se contentant plutôt de faire les poches du malheureux.

Bien loin, ayant cavalé une partie de la nuit depuis le moment où elle avait poussé le corps dans le fossé, une silhouette encapuchonnée traverse les frontières d’Heledir pour avancer dans les terres et tâcher de retrouver la piste de cette sorcière dont elle a entendu parler. Mais, avant de s’élancer à l’assaut des terres de la Reine Irèn, elle bifurque pour aller chercher son plus précieux bien, enterré dans la forêt séparant le royaume Gwelnaur des terres Heledir.
Et dans sa tête, tourne une funeste ritournelle qui compte le nombre de cadavres qu’elle a semé dans son sillage, depuis le début de cette terrible quête.